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Convention de Lugano : nouvelle précision sur la notion de consommateur

Les faits et la procédure

Une résidente islandaise souscrit un prêt de plus d’un million d’euros auprès d’une banque luxembourgeoise, qui était remboursable en un seul versement cinq ans plus tard. En l’absence d’un remboursement, la banque a saisi un juge au Luxembourg, en invoquant la clause attributive de compétence stipulée par le contrat.

Ce juge s’est toutefois déclaré incompétent au motif que l’emprunteur était un consommateur au sens de l’article 15 de la convention dite « de Lugano II », concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée le 30 octobre 2007, et que la clause n’était pas conforme aux exigences posées par l’article 17 de cette convention en ce qui concerne les clauses attributives de juridiction conclues en cette matière.

La problématique juridique

Les articles 15 et suivants de la convention définissent des règles de compétence propres aux contrats de consommation en retenant, en substance, que :

• le consommateur est celui qui contracte pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ;

• ces règles de compétence s’appliquent :

a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels,
  b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets
  c) ou encore lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État lié par la convention sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État ou vers plusieurs États, dont cet État, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.

Dans ce cadre, le créancier contesta la position du juge luxembourgeois, en faisant valoir que, pour déterminer si un contrat de crédit est un contrat conclu par un consommateur, au sens de l’article 15 de la convention de Lugano II, il convient de vérifier s’il constitue un « contrat de crédit à la consommation » au sens de la directive 2008/48 du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs, directive qui définit le consommateur comme toute personne physique qui, pour les transactions régies par ce texte, agit dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle.

L’article 2 de cette directive fournit une liste des contrats de crédit qui relève du champ d’application de celle-ci. Dans son paragraphe 2, point c), cet article 2 précise que celle-ci ne s’applique pas aux contrats de crédit dont le montant total est inférieur à 200 € ou supérieur à 75 000 €, sous réserve que l’État membre n’ait pas utilisé la faculté qui lui est accordée de prévoir un plafond plus élevé (considérant 10 du préambule).

Or le droit luxembourgeois ne prévoyant pas un tel plafond plus élevé, le créancier soutenait que le contrat de prêt ne relevait pas du champ d’application de cette directive et que, par conséquent, l’article 15 de la convention de Lugano II ne s’appliquait pas.

L’enjeu était important : si le contrat de prêt devait être considéré comme un contrat conclu par un consommateur au sens de l’article 15 de la convention, les juridictions islandaises devaient être tenues pour compétentes en application de l’article 16 de ce texte (selon lequel l’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l’État lié par la convention sur le territoire duquel est domicilié le consommateur). À l’opposé, si tel n’était pas le cas, les juridictions luxembourgeoises désignées par la clause attributive de juridiction étaient compétentes.

La position de la Cour de justice de l’Union européenne

Une question préjudicielle fut alors soumise à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Son arrêt est d’autant plus intéressant que sa portée s’étendra au règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000 et au règlement Bruxelles I bis du 12 décembre 2012, puisque les dispositions de ces trois textes sont équivalentes en ce qui concerne les contrats de consommation et que la Cour de justice veille à opérer des interprétations convergentes de celles-ci (CJUE 20 déc. 2017, aff. C-467/16, pt  46 et 47, Dalloz actualité, 11 janv. 2018, obs. F. Melin ; D. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; Rev. crit. DIP 2018. 306, note P. Thery image ; Procédures 2018, n° 46, obs. C. Nourissat ; Europe 2018, n° 100, obs. L. Idot).

Dans ce cadre, la Cour de justice relève que les définitions de la notion de consommateur fournies par la convention et par la directive sont largement identiques (arrêt, pt 31) mais que la convention ne prévoit pas les restrictions posées par l’article 2, § 2, point c), par la directive en ce qui concerne le montant du crédit, ce qui la conduit à rechercher si les contrats de crédit à la consommation entrant dans le champ d’application de l’article 15 de la convention de Lugano II sont seulement ceux relevant du champ d’application de la directive et n’incluent donc pas les contrats dont le montant total du crédit est inférieur au seuil de 200 € ou supérieur au plafond de 75 000 €.

Pour ce faire, la Cour de justice indique qu’il y a lieu de tenir compte de la finalité des textes concernés. En effet, la CJUE a déjà jugé qu’afin d’assurer le respect des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union européenne dans le domaine des contrats conclus par les consommateurs ainsi que la cohérence du droit de l’Union, il est nécessaire de tenir compte de la notion de consommateur contenue dans d’autres réglementations du droit de l’Union (CJUE 5 déc. 2013, aff. C-508/12, pt 25, Rev. crit. DIP 2014. 648, note J. Knetsch image ; RTD com. 2014. 448, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast image ; JCP 2014. 436, n° 12, obs. E. Jeuland ; Procédures 2014, n° 46, obs. C. Nourissat ; Dr. et pr. 2014. 59, obs. G. Cuniberti ; Europe 2014, n° 111, obs. L. Idot ; 25 janv. 2018, aff. C-498/16, pt 28, Dalloz actualité, 5 févr. 2018, obs. F. Mélin ; D. 2018. 2000 image, note F. Jault-Seseke et C. Zolynski image ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; ibid. 1033, obs. B. Fauvarque-Cosson et W. Maxwell image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2270, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny image ; ibid. 2019. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJ Contrat 2018. 124 image, obs. V. Pironon image ; Dalloz IP/IT 2018. 371, obs. M. Combet image ; Rev. crit. DIP 2018. 595, note H. Muir Watt image) mais que, toutefois, en aucun cas ce besoin d’assurer une cohérence ne saurait conduire à donner aux dispositions d’un texte relatif aux règles de compétence une interprétation étrangère au système et aux objectifs de celui-ci (CJUE 16 janv. 2014, aff. C-45/13, pt 20).

Or l’arrêt (point 37) relève que la convention de Lugano II et la directive 2008/48 poursuivent des objectifs distincts. La convention vise non pas à harmoniser le droit matériel relatif aux contrats de consommation, mais à fixer les règles permettant de déterminer la juridiction compétente. Et, en poursuivant cet objectif, cette convention ne présente pas un champ d’application limité à des montants particuliers mais s’étend à tous les types de contrats qu’elle vise (arrêt, pt 43). En revanche, la directive prévoit, en matière de crédit aux consommateurs, une harmonisation complète et impérative dans un certain nombre de domaines, et ce pour assurer à tous les consommateurs de l’Union un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts et pour faciliter l’émergence d’un marché intérieur performant du crédit à la consommation (CJUE 27 mars 2014, aff. C-565/12, pt 42, Dalloz actualité, 11 avr. 2014, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2014. 1307, et les obs. image, note G. Poissonnier image ; ibid. 1297, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RTD com. 2015. 139, obs. D. Legeais image ; RTD eur. 2014. 724, obs. C. Aubert de Vincelles image ; Banque et droit, mai 2014 33, obs. T. Bonneau ; Gaz. Pal. 2014. 1646, obs. J. Lasserre Capdeville ; Gaz. Pal. 2014. 1812, obs. S. Piédelièvre). C’est ce qui explique que le législateur de l’Union ait déterminé les contrats de crédit à la consommation visés par les mesures d’harmonisation de cette directive en limitant ceux-ci aux contrats dont le montant total du crédit n’est pas inférieur à un seuil de 200 € ni supérieur à un plafond de 75 000 € (arrêt, pt 41).

La Cour de justice de l’Union européenne en déduit que, compte tenu des finalités distinctes de ces deux textes, le fait qu’un contrat de crédit ne relève pas du champ d’application de la directive 2008/48 au motif que le montant total du crédit est inférieur à 200 € ou supérieur au plafond de 75 000 € fixé à l’article 2, § 2, point c), de cette directive est sans incidence sur la détermination du champ d’application de l’article 15 de la convention de Lugano II (arrêt, pts 43 s.). Elle énonce donc que l’article 15 de la convention doit être interprété en ce sens qu’afin de déterminer si un contrat de crédit est un contrat de crédit conclu par un « consommateur », au sens de cet article, il n’y a pas lieu de vérifier qu’il relève du champ d’application de la directive 2008/48/CE, en ce sens que le montant total du crédit en question ne dépasse pas le plafond fixé à l’article 2, paragraphe 2, sous c), de cette directive et qu’il est sans pertinence, à cet égard, que le droit national transposant la directive ne prévoie pas un plafond plus élevé.

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