Les délais de distance à l’épreuve de l’obligation d’élection de domicile

Une société dont le siège social se situe en Allemagne (et disposant d’une succursale en France) demande à l’administration fiscale la restitution d’une partie d’une taxe qu’elle estime avoir indûment payée. L’administration rejette cette réclamation par une décision notifiée à la succursale française le 1er septembre 2015. En matière fiscale, l’article R*199-1 du Livre des procédures fiscales exige que l’action soit introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à compter de cette notification. Or, ce n’est que le 3 novembre 2015 que la société saisit le tribunal judiciaire de la contestation. La cour d’appel déclare l’assignation irrecevable comme tardive. Elle rejette ce faisant l’argument du contribuable qui s’abritait derrière les délais de distance de l’article 643 du code de procédure civile, aux motifs que ce dernier disposait d’une succursale en France. La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel et juge que lesdits délais de distance devaient recevoir application, car « demeure à l’étranger, au sens de l’article 643 du code de procédure civile, une société dont le siège social est à l’étranger, même si elle exploite une succursale en France », l’obligation de faire élection de domicile en France imposée au contribuable réclamant (LPF, art. R*197-5) étant sans incidence. Il s’agit là d’un revirement de jurisprudence. L’arrêt présente ainsi l’intérêt de clarifier la notion de demeure à l’étranger au sens de l’article 643 du code de procédure civile. Il laisse toutefois dans l’ombre la question de la nature du délai susceptible d’être allongé au titre de la distance.

Notion de demeure à l’étranger

La première question qui se posait était celle de savoir si la société en cause demeurait à l’étranger au sens de l’article 643 du code de procédure civile. De manière nette, la Cour de cassation retient le critère du siège social, indépendamment de l’exploitation de succursales. Ainsi, la société, qui avait son siège en Allemagne, demeurait bien à l’étranger. Le principe ainsi posé est justifié. Il est légitime de faire coïncider le critère de la « demeure » avec le lieu du cœur de la vie économique et sociale de la société où les décisions se prennent. Une succursale, même si elle peut disposer d’une certaine autonomie, constitue un simple établissement, lequel n’est pas un centre décisionnel (v. déjà, sur le critère du « centre de décision », R. Perrot, RTD civ. 2001. 952 image).

Il n’en reste pas moins vrai que la localisation de la demeure au siège social n’est pas systématique en procédure civile, d’où la précision que cette interprétation ne vaut qu’« au sens de l’article 643 du code de procédure civile ». De fait, en matière de compétence territoriale, l’article 42 du code de procédure civile renvoie également au lieu où « demeure » le défendeur, mais l’article 43 du code de procédure civile définit alors ce lieu comme celui où la personne morale « est établie ». De même, l’article 690 du code de procédure civile qui régit le lieu des notifications destinées à une personne morale retient le lieu de l’établissement de la personne. Comment expliquer cette dissonance dans la signification attribuée à la notion de «...

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AMP, identité du donneur et filiation adoptive : les réponses du Conseil constitutionnel

Saisi par le Conseil d’État de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), l’une portant sur l’accès aux données identifiantes du donneur en AMP prévu par l’article L. 2143-6 du code de la santé publique, l’autre sur l’étendue de l’interdiction prévue par l’article 342-9 du code civil d’établir la filiation entre le donneur et l’enfant issu de l’AMP, le Conseil constitutionnel, par deux décisions du 9 juin 2023, juge les dispositions contestées conformes à la Constitution.

Conformité de l’article L. 2143-6, 6°, du code de la santé publique à la Constitution

Telle est la conclusion de la décision n° 2023-1052 QPC du 9 juin 2023 du Conseil constitutionnel.

En substance, l’article L. 2143-6, 6°, du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant du décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 relatif à l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur pris en application de l’article 5 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, prévoit la mise en place d’une commission d’accès aux données du tiers donneur. En particulier, le nouveau dispositif modifie le droit antérieur qui garantissait l’anonymat du tiers donneur en cas d’assistance médicale à la procréation (AMP). En effet, les dispositions contestées permettent à une personne majeure née à la suite d’un don de gamètes (ou d’embryons) réalisé avant une date fixée par décret (1er sept. 2022) de saisir la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur d’une demande d’accès à ces informations. Si la commission est saisie, elle contacte le tiers donneur afin de solliciter et de recueillir son consentement à la communication de ses données non identifiantes et de son identité ainsi qu’à la transmission de ces informations à l’Agence de la biomédecine (ABM).

Il était reproché à ce dispositif de méconnaître le droit à la vie privée du donneur ayant effectué un don de gamètes avant le 1er septembre 2022, à une époque où la loi garantissait son anonymat, en permettant d’être contacté par la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur afin de recueillir son consentement à la communication de ces données, sans lui assurer de pouvoir refuser préventivement d’être contacté ni de lui éviter d’être exposé à des demandes répétées. Le Conseil d’État, dans sa décision du 7 avril 2023, y avait vu une question nouvelle et sérieuse justifiant un renvoi de QPC devant le Conseil constitutionnel (v. les observations, J.-J. Lemouland, DP santé, Bulletin n° 347, mai 2023). Pouvait-il en être autrement alors que la question de la levée de l’anonymat du don de gamètes a toujours suscité le débat et que la loi du 2 août 2021 a pris le parti de mettre en place un dispositif ne permettant pas seulement de lever cet anonymat pour les dons à venir, mais aussi pour ceux du passé ?

Pour répondre, le Conseil constitutionnel examine la question sous deux angles.

D’abord sous le visa de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce texte proclame que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Sous cet angle, le Conseil constitutionnel rappelle que si le législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, a le pouvoir de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. « En particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations...

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La communication par voie électronique, de la procédure civile avant tout : nouvelle illustration

En application de l’article 911 du code de procédure civile, sous les sanctions prévues par les articles 908 à 910 de ce code, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour d’appel. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées aux parties qui n’ont pas constitué avocat dans le mois suivant l’expiration du délai de leur remise au greffe de la cour d’appel ; cependant, si entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.

C’est la mise en œuvre de ce texte qui a fait difficulté dans l’arrêt du 8 juin 2023, l’intimé cherchant à donner une valeur juridique à une étape purement administrative, alors que seule la procédure civile doit jouer, y compris alors qu’elle est dématérialisée : la publication de l’arrêt est peut-être due à la volonté de la Cour de cassation de rappeler que « La communication par voie électronique, [c’est] de la procédure civile avant tout ! » (C. Bléry et J.-P. Teboul, JCP 2012. 1189)

La chronologie est la suivante :

7 mai 2019, déclaration d’appel de la Banque populaire contre le jugement d’un tribunal d’instance dans un litige l’opposant à une cliente ; 17 juillet 2019 (20h59), remise au greffe de la cour d’appel de l’acte numérique de constitution de l’intimée ; dénonciation de cette constitution à l’avocat de l’appelant (en copie de l’envoi à la cour d’appel). Cet envoi génère un double accusé de réception du message et des pièces jointes par l’avocat de l’appelant le même jour à la même heure, à l’égard de l’avocat de l’intimée et du greffe, conformément aux articles 960 et 748-3 du code de procédure civile ; 18 juillet 2019, remise au greffe par l’appelante de ses conclusions d’appel ; 19 juillet 2019, signification desdites conclusions à l’intimée ; 22 juillet 2019, traitement de la constitution de l’intimée par le greffe ; 12 août 2019, dénonciation de ses conclusions d’appel par l’appelante au conseil de l’intimé – soit plus de trois mois après la déclaration d’appel, le délai expirant le 7 août 2019 ; remise de ses conclusions au fond par l’intimée dans le délai imparti par l’article 909 du code de procédure civile ; 3 janvier 2020, demande de caducité de la déclaration d’appel par l’intimée.

Le conseiller de la mise en état prononce la caducité de la déclaration d’appel pour défaut de notification des conclusions à son conseil dans les trois mois de la déclaration d’appel.

La banque défère l’ordonnance à la cour d’appel, qui prononce à son tour la caducité de la déclaration d’appel : l’avocat de...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 19 juin 2023

Divorce

Recevabilité de l’action des héritiers en révision d’une prestation compensatoire sous forme de rente viagère (non)

Il résulte de la combinaison de l’article 33, VI, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et de l’article 276-3 du code civil, issu de cette loi, que la révision des rentes viagères attribuées à titre de prestation compensatoire avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, qu’elles aient été fixées par le juge ou par convention des époux, peut être demandée par le débiteur ou ses héritiers, soit lorsque leur maintien procure au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères définis à l’article 276 du code civil, soit en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties.
- Selon l’article 33, X, de la loi précitée, les dispositions des articles 280 et 280-1 du code civil, issus de la même loi, sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, sauf lorsque la succession du débiteur a donné lieu à un partage définitif à cette date.
- Selon l’article 280 du code civil, à la mort de l’époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n’y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l’actif successoral. Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible.
- Selon l’article 280-1 du même code, par dérogation à l’article 280, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l’époux débiteur, en s’obligeant personnellement au paiement de cette prestation. A peine de nullité, l’accord est constaté par un acte notarié. Il est opposable aux tiers à compter de sa notification à l’époux créancier lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.
Pour supprimer la prestation compensatoire versée sous forme de rente à un des anciens époux, un arrêt ne peut retenir que les articles 280 à 280-2 du code civil sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 en l’absence de partage définitif intervenu entre les différents héritiers, sauf en ce qui concerne la révision, suspension ou suppression des prestations compensatoires sous forme de rente viagère fixées par le juge ou par convention avant l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000. En statuant ainsi, alors que les articles 280 et 280-1 du code civil étaient applicables à la prestation compensatoire allouée sous forme de rente avant le 1er juillet 2000, de sorte qu’en l’absence d’accord des héritiers pour maintenir les modalités de règlement de la prestation compensatoire sous forme de rente, celle-ci était capitalisée en raison du décès du débiteur, ce dont il se déduisait que l’action en révision engagée par la représentante légale de ses enfants alors mineurs et reprise par ceux-ci, était irrecevable, la cour d’appel a violé les textes susvisés. (Civ. 1re, 21 juin 2023, n° 21-17.077, F-B)

Personnes

Prise en compte de la diversité des familles et au respect de...

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De la qualité de professionnel du créancier en matière de disproportion du cautionnement

Si la qualité de consommateur a pu ces derniers mois être au cœur de plusieurs arrêts intéressants autour de l’acquisition de parts sociales (Civ. 1re, 20 avr. 2022, n° 20-19.043 F-B, Dalloz actualité, 11 mai 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 789 image ; ibid. 2023. 616, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RTD com. 2022. 579, obs. A. Lecourt image ; ibid. 632, obs. D. Legais image) ou de formations suivies auprès de Pôle emploi (Civ. 1re, 9 mars 2022, n° 21-10.487, Dalloz actualité, 17 mars 2022, obs. C. Hélaine ; Rev. prat. rec. 2022. 19, chron. R. Bouniol image), celle de créancier professionnel n’en est pas en reste avec l’arrêt rendu le 21 juin 2023 par la chambre commerciale de la Cour de cassation. Promise aux honneurs d’une publication au Bulletin, la décision est importante dans le contentieux de la cession de droits sociaux quand le vendeur est également le dirigeant.

Les faits ayant donné lieu au pourvoi débutent par la cession le 21 novembre 2014 de 194 actions d’une société de forage détenues par une personne physique à une société d’investissement. Le prix est payable à hauteur de 300 000 € dans les trois jours ouvrés à compter de la cession puis par mensualités de 50 000 € pendant deux ans, et ce à compter du 1er avril 2015. Le représentant de la société acquéreuse se porte caution solidaire pour garantir le paiement du prix de cession. La société ayant acquis les parts sociales considère que son consentement a été donné en raison d’un dol et assigne donc le vendeur pour le voir condamner au paiement de dommages-intérêts. Reconventionnellement, ledit vendeur sollicite le paiement du prix de cession des actions à la caution personne physique. Un débat s’ouvre également sur la disproportion de l’engagement de la caution à titre subsidiaire. Un jugement du 23 mars 2016 a placé la société acquéreuse sous sauvegarde de justice en désignant un mandataire judiciaire, mais ce renseignement ne nous sera que peu utile en l’espèce. En cause d’appel, les juges du fond considèrent que les dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, étaient pertinentes puisque le créancier est un professionnel. Le cautionnement devait donc être...

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Pas de subrogation pour la banque qui verse les fonds au vendeur sous clause de réserve de propriété

Une société souscrit un prêt auprès de la société Compagnie générale de location d’équipements aux fins d’acquérir un véhicule. Les fonds sont versés par le prêteur entre les mains du vendeur directement, et l’acquéreur prend livraison du véhicule. Ce dernier est ensuite mis en liquidation judiciaire par un jugement du 21 février 2019. Le prêteur demande, en vain, au liquidateur d’acquiescer à une demande de restitution du véhicule financé. Il dépose ensuite une requête à cette fin auprès du juge-commissaire, en produisant une quittance subrogative du vendeur du véhicule. Le juge-commissaire rejette cette requête par une ordonnance du 31 octobre 2019, confirmée par un jugement du 23 avril 2020.

La Cour d’appel de Versailles ordonne au liquidateur de restituer le véhicule financé au prêteur, et le liquidateur forme un pourvoi. La Cour de cassation doit déterminer si le versement au vendeur par le prêteur des fonds empruntés par son client emporte subrogation du prêteur dans les droits du vendeur, opérant ainsi transfert de la clause de réserve de propriété. Elle répond par la négative au visa des articles 1346-1 et 2367 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, et retient que « lorsque le prêteur se borne à verser au vendeur du bien financé les fonds empruntés par son client, il n’est pas l’auteur du paiement et le client devient, dès ce versement, propriétaire du matériel vendu, de sorte que le prêteur ne peut prétendre être subrogé dans les droits du vendeur et ne peut, dès lors, se prévaloir d’une clause de réserve de propriété stipulée au contrat de vente ». La Cour de cassation statue au fond, casse et annule l’arrêt d’appel en toutes ses dispositions, et confirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Versailles du 23 avril 2020.

La solution n’est pas nouvelle, mais l’arrêt permet de confirmer la jurisprudence.

La qualification du versement des fonds au vendeur

On sait que la subrogation a lieu « dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette » (C. civ., art. 1346). Lorsqu’elle opère, le tiers payeur bénéficie du transfert de la créance et de tous ses accessoires (C. civ., art. 1346-4), et la clause de réserve de propriété fait partie de ces accessoires (Com. 15 mars 1988, n° 85-18.623 P et 86-13.687 P), malgré l’apparente contrariété de genres que cette affirmation fait naître au regard de l’article 544 du code civil. Cependant, il n’est pas moins admis que la subrogation repose sur le paiement (en ce sens, v. par ex., G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du code civil, 2e éd., 2018, Dalloz, spéc. n° 1001, p. 901). Ainsi, l’article 1346-1, al. 3 du code civil reprend la règle posée autrefois par l’article 1250, 1° du code civil, et prévoit que la subrogation par le créancier doit être consentie « en même temps que le paiement ». Plus que cela, la subrogation a lieu à hauteur du paiement, ce qui expliquait en jurisprudence que le subrogé ne puisse prétendre qu’au cours des intérêts au taux légal (v. par ex., Civ. 1re, 15 févr. 2005, n° 03-11.141 P, D. 2005. 771, et les obs. image), jusqu’à ce que l’ordonnance de 2016 codifie la règle à l’article 1346-4 du code civil. Ainsi, « le paiement de la dette par le solvens constitue la condition fondamentale du mécanisme de subrogation dans les droits du créancier » (G. Chantepie et M. Latina, op. cit., spéc. n° 991, p. 892). Finalement, on peut résumer ainsi : pas de paiement, pas de subrogation ; pas de subrogation, pas de transfert ; pas de transfert, pas de clause de réserve de propriété…

Remarquons toutefois que l’inverse n’est pas vrai, puisqu’en l’absence de subrogation, il peut néanmoins se trouver un paiement, et même une action en répétition du tiers solvens. La jurisprudence l’admet même lorsque les conditions légales ou conventionnelles de la subrogation ne sont pas réunies (absence de quittance subrogative), à la condition, pour le tiers, de rapporter la preuve d’une erreur dans le « paiement » (Civ. 1re, 15 mai 1990, n° 88-17.572 P, D. 1991. 538 image, note G. Virassamy image ; 17 nov. 1993, n° 91-19.443 P, RTD civ. 1994. 609, obs. J. Mestre image ; 4 avr. 2001, n° 98-13.285 P, D. 2001. 1824, et les obs. image, note M. Billiau image ; AJDI 2001. 509 image ; RTD civ. 2001. 699, obs. N. Molfessis image ; LPA 2 avr. 2002, n° 66, p. 9, obs. A. Gosselin-Gorand). Ces règles, établies sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016, n’ont pas été contredites par la réforme. Elles permettront au tiers d’établir que la remise des fonds a été faite au titre d’un mandat, et doit être remboursée en application de l’article 1999 du code civil, ou qu’il réalisait la mise à disposition des fonds prêtés au débiteur et devant être remboursés sur le fondement de l’article 1902 du même code (en ce sens, v. M. Julienne, Régime de l’obligation, 2e éd., 2018, LGDJ, spéc. n° 531, p. 339). On relèvera que la qualification de « paiement » n’est pas écartée : ce n’est donc pas la libération du débiteur qui détermine cette qualification.

L’explication est intervenue par la voie d’un avis rendu par la Cour de cassation elle-même : « N’est pas l’auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l’acquisition d’un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés...

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Mesures d’instruction [I]in futurum[/I], droit à la preuve et vie privée

Par un arrêt du 28 juin 2023, publié au Bulletin, la chambre commerciale de la Cour de cassation reprend pour la première fois à son compte l’affirmation des chambres civiles suivant laquelle les mesures d’instruction in futurum doivent être « nécessaires à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnées aux intérêts antinomiques en présence », tout en précisant les contours de cette exigence. L’arrêt illustre, dans le même temps, l’ampleur des possibilités offertes à un requérant s’agissant de la recherche de preuves au domicile d’un tiers, et démontre combien le droit à la preuve est conquérant, ici au détriment de la protection de la vie privée.

En l’espèce, une société soupçonnant des actes de concurrence déloyale avait sollicité et obtenu, sur requête, la mise en œuvre de mesures d’instruction au domicile de l’un de ses anciens salariés. L’ordonnance avait désigné une étude d’huissiers de justice avec pour mission de se rendre à ce domicile, en présence d’un représentant de la force publique, d’un serrurier et d’un expert en informatique, de « pénétrer dans les lieux et en l’absence de tout occupant ou si ce dernier s’y oppose en présence de deux témoins », et d’y rechercher tous documents et échanges (notamment emails, SMS ou messages WhatsApp) en rapport avec les faits litigieux, délimités par l’usage de certains mots-clefs. Afin d’assurer l’efficacité de cette mesure, l’ordonnance avait par ailleurs autorisé les huissiers à accéder à l’ensemble des supports de conversation utilisés par l’ancien salarié « avec l’autorisation de "craquer" les codes PIN des téléphones portables professionnels et personnels et tout code ou mot de passe permettant d’accéder aux applications visées par l’ordonnance ». Mission était finalement confiée aux huissiers de « copier l’intégralité des documents et fichiers [pertinents] sur le lieu des opérations et procéder au tri desdits documents et fichiers en leur étude, à charge pour eux de supprimer (après le tri) les éléments ne présentant pas de lien avec la mission ».

Sans surprise, l’ancien salarié visé par cette mesure sollicitait la rétractation de l’ordonnance.

Le juge des référés, puis la Cour d’appel de Dijon, le déboutaient de cette demande.

L’ancien salarié formait alors un pourvoi en cassation, faisant valoir, triplement, (i) que la cour d’appel ne caractérisait pas suffisamment l’existence de circonstances justifiant le recours à une procédure sur requête, (ii) que les mesures sollicitées ne répondaient à aucun « motif légitime » au sens de l’article 145 du code de procédure civile, mais aussi et surtout (iii) que ces mesures n’étaient pas strictement « nécessaires à l’exercice du droit à la preuve » de la société requérante et qu’elles portaient une atteinte disproportionnée à sa vie privée.

Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation rejette dans un premier temps les griefs relatifs à la dérogation au principe du contradictoire et à l’existence d’un motif légitime. Les motifs sont ici classiques et n’appellent pas de commentaire particulier.

Dans un second temps, la Cour de cassation rejette les griefs relatifs au caractère non nécessaire des mesures ordonnées et à la disproportion de l’atteinte à la vie privée de l’ancien salarié. C’est le cœur de l’arrêt, qui justifie vraisemblablement sa publication au Bulletin.

Tout en approuvant la cour d’appel d’avoir retenu que les mesures ordonnées étaient suffisamment circonscrites dans le temps et dans leur objet, la chambre commerciale confirme en effet, pour la première fois, la nécessité de contrôler que « [c]es mesures […] étaient nécessaires à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnées aux intérêts antinomiques en présence », tout en contribuant à définir les modalités de ce contrôle.

Plusieurs enseignements peuvent en être tirés.

L’immixtion du droit à la preuve

Les chambres civiles de la Cour de cassation avaient déjà affirmé, parmi les conditions prévues par l’article 145 du code de procédure civile et plus précisément au titre de la condition tenant au caractère « légalement admissible » des mesures ordonnées, l’obligation pour les juges de vérifier que ces mesures sont « nécessaires à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnées aux intérêts antinomiques en présence » (Civ. 2e, 25 mars 2021, n° 20-14.309 P, Dalloz actualité, 14 avr. 2021, obs. T. Goujon-Bethan ; D. 2021. 1795, chron. G. Guého, O. Talabardon, F. Jollec, E. de Leiris, S. Le Fischer et T. Gauthier image ; ibid. 2022. 431, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; ibid. 625, obs. N. Fricero image ; 25 mars 2021, n° 19-20.156 ; 10 juin 2021, n° 20-11.987 P, Dalloz actualité, 29 juin 2021, obs. N. Hoffschir ; D. 2021. 1194 image ; ibid. 1795, chron. G. Guého, O. Talabardon, F. Jollec, E. de Leiris, S. Le Fischer et T. Gauthier image ; ibid. 2022. 431, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; ibid. 625, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2021. 647, obs. H. Barbier image ; 24 mars 2022, n° 20-21.925 P, Dalloz actualité, 21 avr. 2022, obs. N. Hoffschir ; Rev. prat. rec. 2022. 6, chron. C....

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Prestation compensatoire et office du juge

Si les articles 274 et suivants du code civil laissent au juge une palette de choix pour adapter les modalités de la prestations compensatoires à la variété des situations susceptibles de se présenter lors d’un divorce, ce dernier ne peut, lorsqu’il se prononce en faveur d’un capital renté (c’est-à-dire qu’il fixe un capital et qu’il prévoit que le paiement pourra être étalé dans le temps), se désintéresser du montant mensuel devant être versé.

C’est en substance ce qu’est venue affirmer la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 1er juin 2023. Les faits, tels que repris dans l’arrêt, sont particulièrement succints : un divorce a été prononcé entre deux époux en 2019. En appel, une prestation compensatoire a été accordée à l’épouse pour un montant de 160 000 €, l’arrêt d’appel précisant que l’époux pourrait s’acquitter de cette...

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Vente avec faculté de rachat : nature de l’action fondée sur l’exercice du droit de rachat

La vente immobilière sous condition suspensive est commune dans la pratique notariale ; elle l’est moins sous condition résolutoire. Notamment, le contrat de vente avec faculté de rachat (issu de la L. n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures ; anc. vente à réméré) est peu usité. Déclinaison de garantie par la propriété, ses fonctions sont diverses : lutte antispéculative ; instrument de crédit ; valorisation du patrimoine (107e Congrès des notaires de France, 2011, Rapport, p. 862 s. ; A. Bories, Le réméré, thèse, Montpellier 1, 2004, nos 920 s.).

Dans la présente affaire, des vendeurs ont cédé deux parcelles à une société civile immobilière (SCI) avec faculté de rachat de l’une d’elles pendant la durée légale maximale de cinq ans (C. civ., art. 1660). L’acquéreur devenu propriétaire a fait édifier un immeuble sur les terrains avant que les vendeurs n’exercent leur faculté de rachat dans le délai convenu. Le syndicat des copropriétaires s’y oppose. Treize ans après, les vendeurs assignent la SCI et le syndic de copropriété. Le syndicat des copropriétaires y oppose une fin de non-recevoir pour prescription de l’action. Interjetant appel, les vendeurs voient leur demande accueillie: la cour d’appel de Grenoble juge l’action...

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Bruxelles II [I]bis[/I] et responsabilité parentale : caractère subsidiaire du chef de compétence fondé sur la présence de l’enfant

En se prononçant sur la hiérarchie des chefs de compétence prévus par le règlement Bruxelles II bis en matière de responsabilité parentale, l’arrêt rendu le 1er juin 2023 par la première chambre civile de la Cour de cassation donne l’occasion de revenir sur l’articulation entre droit européen et droit interne.

En l’espèce, un homme et une femme se sont mariés en 2006 en Espagne. De cette union, deux enfants sont nés en République tchèque. Après avoir fixé leur résidence au Costa Rica, les époux se sont séparés à la fin de l’année 2018 et, en décembre de la même année, l’époux s’est installé en France tandis que sa femme est allée vivre avec les enfants aux États-Unis.

Quelques mois plus tard, le 26 juin 2019, le mari a saisi un juge aux affaires familiales d’une demande en divorce.

C’est dans ce contexte qu’aux termes d’un arrêt rendu le 1er avril 2021, la Cour d’appel de Dijon a rejeté l’exception d’incompétence internationale de la juridiction française, fixé la résidence habituelle des deux enfants au domicile de l’époux et ordonné, sous astreinte, la remise immédiate des deux enfants à leur père.

Devant la Cour de cassation, il est reproché à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté l’exception d’incompétence internationale aux motifs qu’aucune juridiction d’un État membre n’était compétente en vertu des articles 8 à 13 du règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 (ci-après Bruxelles II bis), dès lors que la résidence habituelle des enfants n’était pas encore établie en Espagne au moment où la juridiction française avait été saisie, alors que dans le même temps, la cour constatait au moment où elle statuait que la résidence habituelle des enfants se situait en Espagne et qu’ils y étaient présents depuis 18 mois. Ainsi, en ne recherchant pas si la compétence des juridictions espagnoles n’était pas, à tout le moins, établie au regard de la présence des enfants en Espagne, la cour d’appel aurait violé les articles 8, 13 et 14 du règlement Bruxelles II bis.

La question posée à la Cour de cassation visait donc à apprécier la compétence internationale du juge aux affaires familiales pour connaître de l’action en matière de responsabilité parentale.

Rappelant les règles de compétence posées aux articles 8, §§ 1 et 13, § 1, du règlement Bruxelles II bis, la Cour de cassation affirme qu’ayant constaté que les enfants avaient leur résidence habituelle aux États-Unis au moment où le juge aux affaires familiales avait été saisi, la cour d’appel n’avait pas à procéder à une recherche sur l’application de l’article 13 du...

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Précisions sur les conditions d’inscription sur la liste des experts judiciaires

Chacun sait qu’une liste des experts judiciaires est dressée par chaque cour d’appel pour « l’information des juges » (Loi n° 71-498 du 29 juin 1971, art. 2, I°). Même si les juges peuvent « désigner toute autre personne de leur choix » (Loi n° 71-498 du 29 juin 1971, art. 1), l’inscription sur la liste permet aux experts d’être connus des juges et accroît la fréquence de leur désignation. Il en découle que les décisions des assemblées générales de magistrats qui statuent sur les demandes d’inscription sur une liste d’experts font régulièrement l’objet d’un contentieux devant la Cour de cassation.

Les assemblées générales procèdent à l’inscription des personnes physiques sur les listes d’experts en considération de conditions fixées par l’article 2 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires et, indique l’article 8 du même texte, en tenant compte des besoins des juridictions du ressort de la cour d’appel. Même si la Cour de cassation laisse un large pouvoir aux assemblées pour apprécier les conditions posées par ce texte, elle n’hésite pas à annuler leur décision lorsqu’elles sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation (v. par ex., Civ. 2e, 17 juin 2021, n° 20-60.054 P, Dalloz actualité, 13 juill. 2021, obs. F. Mélin ; AJDI 2022. 456 image, obs. H. Heugas-Darraspen image ; 15 juin 2015, n° 15-60.088, publié, Dalloz actualité, 7 juill. 2015, obs. F. Mélin).

Mais la décision de refus d’inscription d’un candidat sur une liste doit être motivée avant d’être notifiée au candidat en application de l’article 2, IV°, de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires et de l’article 19 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires. À cet égard, il n’est pas rare que l’absence de motivation de la décision de l’assemblée générale conduise à son annulation par la Cour de cassation (Civ. 2e, 10 avr. 2014, n° 13-60.329, inédit ; 11 juill. 2013, n° 13-60.053, inédit). Dans un arrêt rendu le 15 juin 2023, la Cour de cassation a ainsi annulé la décision d’une assemblée générale alors que le procès-verbal de l’assemblée générale ayant refusé la demande d’inscription se référait à « en ce qu’il se réfère à un "rejet R1" » sans autre indication. Elle a surtout ajouté dans cet arrêt que « les mentions figurant sur la lettre de notification de la décision ne peuvent suppléer cette absence de motivation ».

Dans quatre autres arrêts publiés le même jour, la Cour de cassation a également fourni plusieurs précisions relatives à l’interprétation des dispositions des articles 2 et 8 du décret.

La condition de domiciliation et l’exercice d’une activité...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 26 juin 2023

Avocats

Publication du code de déontologie des avocats

Mettant en œuvre de l’article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dans sa version issue de l’article 42 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, un décret énonce les grands principes applicables aux avocats dans leurs relations avec les justiciables, leurs confrères et l’ensemble de leurs interlocuteurs, dénommés « code de déontologie des avocats ». (Décr. n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats)

Contrats

Annulation d’une vente : condamnation de l’agent immobilier dont la faute a concouru, au moins pour partie, à l’anéantissement de l’acte à en garantir le paiement en cas d’insolvabilité démontrée du vendeur

Il résulte de l’article 1382, devenu 1240, du code civil que, si la restitution du prix par suite de l’annulation du contrat de vente ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, l’agent immobilier dont la faute a concouru, au moins pour partie, à l’anéantissement de l’acte peut être condamné à en garantir le paiement en cas d’insolvabilité démontrée du vendeur. (Civ. 1re, 28 juin 2023, n° 21-21.181, FS-B)

Officiers publics et minitériels

Délivrance du certificat de fin de stage : un refus peut être justifié par la note et l’avis circonstancié donnés par le jury

Il résulte des articles 36 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1298 du 7 octobre 2022, et 40 du même décret, que, si la délivrance du certificat de fin de stage n’est pas subordonnée à l’attribution par le jury d’une note de soutenance minimale, en revanche, un refus peut être justifié par la note et l’avis circonstancié donnés par le jury. (Civ. 1re, 28 juin 2023, n° 21-24.067, FS-B)

Procédure civile

Exequatur, immunité de juridiction et office du juge

Il résulte de l’article 509 du code de procédure civile que, pour accorder l’exequatur en l’absence de Convention internationale, le juge français doit, après avoir vérifié la recevabilité de l’action, s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure, ainsi que l’absence de fraude. Dès lors, si, dans une instance en exequatur, le juge français doit s’abstenir de toute révision au fond du jugement rendu par la juridiction étrangère lorsque l’immunité de juridiction est revendiquée par un État étranger dans l’instance en exequatur, il lui incombe de statuer préalablement sur cette fin de non-recevoir, la circonstance que le juge ayant rendu la décision dont l’exequatur est sollicitée ait lui-même écarté une telle immunité de juridiction, en vertu de sa propre loi, ne dispensant pas le juge français d’exercer son pouvoir juridictionnel afin d’apprécier la fin de non-recevoir tirée de l’immunité de juridiction invoquée devant lui. Par ailleurs, une cour d’appel retient exactement qu’à supposer même que l’interdiction des actes de terrorisme puisse constituer une norme de jus cogens du droit international de nature à constituer une restriction légitime à l’immunité de juridiction, ce qui ne ressort pas de l’état actuel du droit international, il ne peut être fait une exception à l’immunité d’un État, dès lors que la condamnation de celui-ci au paiement des dommages-intérêts prononcée par la juridiction étrangère ne repose pas sur la démonstration de l’implication directe de cet État et de ses agents dans un attentat, mais seulement sur le fondement de la responsabilité civile que celui-ci devrait supporter au titre de l’aide ou des ressources matérielles apportées au groupe ayant revendiqué l’attentat. (Civ. 1re, 28 juin 2023, n° 21-19.766, FS-B)

Mesures...

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Non-représentation d’enfant : compétence territoriale et atteinte à l’ordre public international

Dans l’arrêt du 21 juin 2023, la chambre criminelle est revenue sur la compétence du juge français en matière de non-représentation internationale d’enfant ainsi que sur la caractérisation d’une telle infraction en cas d’atteinte à l’ordre public international.

En l’espèce, deux individus de nationalité syrienne se sont mariés à Damas et ont eu trois enfants. Par la suite, l’époux a fixé sa résidence à Moscou et son épouse et les enfants se sont installés à Paris. Le 2 avril 2015, l’épouse a déposé une requête en divorce au greffe du Tribunal de grande instance de Paris. Le 18 mai 2015, l’époux a introduit une demande en divorce devant une juridiction siégeant à Damas. Puis, le 21 juin 2015, il a présenté une requête afin de constater que leur fils cadet avait atteint la limite d’âge légal de placement sous la garde de sa mère. Le 22 septembre 2015, le juge de Damas, a, par voie d’ordonnance, prononcé l’expiration de la garde de la mère et la remise du mineur au père. En octobre 2015, pendant que son épouse et son fils étaient en vacances aux Émirats arabes unis, l’époux a sollicité d’un juge de Dubaï, au regard de la décision du juge de Damas, une interdiction de voyage à l’égard de son fils. Par ordonnance du 22 octobre 2015, cette demande a été accueillie. Par conséquent, le mineur a été remis à son père le 11 novembre 2015. Entre-temps, le 30 octobre 2015, le juge aux affaires familiales de Paris a, dans son ordonnance de non-conciliation, fixé la résidence du mineur au domicile de la mère et organisé au bénéfice du père un droit de visite et d’hébergement, sans indiquer le lieu où devait s’effectuer la remise de l’enfant. Par jugement du 16 août 2016, le tribunal d’un district de la ville de Moscou, saisi par l’époux, a fixé la résidence de l’enfant mineur chez son père.

Par jugement du 15 novembre 2017, le tribunal correctionnel a rejeté l’exception d’incompétence présentée pour le compte de l’époux et l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pour non-représentation d’enfant. Le mis en cause a interjeté appel de cette décision. La Cour d’appel de Paris, le 27 février 2019, a confirmé sa culpabilité et l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 € d’amende.

Toutefois, la décision de la Cour d’appel de Paris a été cassée le 17 mars 2021 (Crim. 17 mars 2021, n° 19-84.296, AJ fam. 2021. 302 image ; RSC 2023. 207, obs. A. Giudicelli image). Pour la chambre criminelle, « en écartant l’application de la décision civile rendue en Syrie, qui était invoquée devant elle, au motif inopérant que son autorité devait s’effacer devant celle d’une décision prononcée par une juridiction française saisie avant la juridiction syrienne, la cour d’appel, qui n’a pas vérifié la régularité ni la conformité à l’ordre public interne de la décision rendue à l’étranger, n’a pas justifié sa décision ».

L’affaire a alors été renvoyée devant la chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel de Paris différemment composée qui s’est prononcée le 20 octobre 2022. Dans un premier temps, pour considérer la juridiction française compétente, la juridiction du second degré a énoncé que, dès lors que l’enfant mineur résidait en France et que la décision fixant le droit de visite et d’hébergement du père ne précisait pas expressément que ce droit devait s’exercer à l’étranger, le tribunal compétent pour connaître du délit de...

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Prêts libellés en devise étrangère : précisions autour des clauses abusives et de la responsabilité du banquier

Deux arrêts rendus le 28 juin 2023 permettent de prendre la mesure de l’importance du croisement entre le droit des clauses abusives et celui de la responsabilité civile. Les développements jurisprudentiels autour des prêts libellés en devises étrangères invitent, en effet, à prêter attention aux décisions publiées à ce titre. Les deux arrêts commentés aujourd’hui doivent être lus en combinaison en ce qu’ils énoncent la même solution concernant le point de départ de la prescription applicable à l’action en responsabilité contre le banquier prêteur de deniers et en ce qu’ils permettent de mieux appréhender le périmètre du droit des clauses abusives.

Les faits du pourvoi n° 22-13.969 sont assez classiques en la matière. Par deux actes en date du 27 octobre 2005 puis du 2 juin 2006, un établissement bancaire consent à une société civile immobilière deux prêts immobiliers libellés en francs suisses qui sont remboursables en 180 mensualités pour le premier et en 240 mensualités pour le second. Cette opération a permis à la société civile immobilière (SCI) d’acquérir des immeubles à des fins d’investissement locatif. La SCI assigne en nullité l’établissement bancaire le 17 janvier 2019 en arguant que les clauses d’indexation insérées aux contrats sont abusives. Elle y ajoute une demande en réparation du préjudice subi à l’occasion de la faute commise par la banque ne l’ayant pas informée du risque de l’opération. La cour d’appel rejette la demande fondée sur les clauses abusives dans la mesure où les stipulations litigieuses étaient claires et compréhensibles. Elle déclare prescrite la demande en indemnisation en fixant le point de départ d’une telle action en responsabilité à la date d’octroi des crédits. La SCI emprunteuse se pourvoit en cassation faisant grief à la solution tant de ne pas avoir considéré les clauses d’indexation comme abusives mais également de ne pas avoir fait application d’un point de départ glissant de l’article 2224 du code civil ou de l’article L. 110-4 du code de commerce.

Les faits du pourvoi n° 21-24.720 sont assez proches de cette première affaire. On y retrouve deux prêts immobiliers in fine libellés en francs suisses conclus en 2004 et remboursables en 2016 et en 2017. Le taux d’intérêt est variable puisqu’il est indexé sur l’indice Libor trois mois. Les emprunteurs se rendent compte de la dangerosité de l’opération et souhaitent voir certaines clauses annulées en raison de leur caractère abusif. Ils assignent donc la banque en ce sens ainsi qu’en responsabilité pour manquement au devoir d’information sur les risques encourus. La cour d’appel saisie du litige déclare irrecevable l’action en responsabilité car diligentée cinq ans après la conclusion des contrats. Sur les clauses litigieuses, les juges du fond rejettent la demande des emprunteurs en précisant que la description du mécanisme permettant le paiement des échéances aurait dû alerter ces derniers et qu’ils avaient déclaré expressément avoir pris connaissance des risques de change dans un document contractuel. Là encore, les emprunteurs se pourvoient en cassation en reprochant à ce raisonnement une double violation de la loi.

Les deux arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 28 juin 2023 aboutissent à deux cassations. On y retrouve des rappels utiles sur l’exacte délimitation de la protection contre les clauses abusives, mais également une nouvelle figure de la fresque sur le point de départ glissant de la prescription quinquennale de droit commun.

Deux rappels sur le périmètre du contrôle des clauses abusives

Le cadre de la protection contre les clauses abusives repose sur plusieurs constantes conformément à la directive 93/13/CEE. Les deux arrêts du 28 juin 2023 permettent de s’intéresser tant à la qualité du demandeur qu’au contrôle des clauses portant sur l’objet principal du contrat.

Dans l’affaire n° 22-13.969, le raisonnement déployé par les parties occultait un élément important sur l’application des règles du code de la consommation. On sait qu’il faut être consommateur ou non-professionnel pour que l’article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige puisse être avancé utilement. Le même champ d’application ratione...

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Évaluation définitive d’une récompense ou d’une créance : pas d’autorité de chose jugée sans fixation de la jouissance divise

Res judicata pro veritate accipitur. S’il est vrai que l’autorité de chose jugée est tenue pour la vérité, encore faut-il déterminer le moment où une décision en est revêtue, ce qui n’est pas si simple lorsque le mécanisme de la dette de valeur entre en jeu.

Deux époux mariés sans contrat de mariage avaient divorcé en 2003 et s’étaient querellés à l’occasion de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux. Un premier jugement, devenu définitif, avait été rendu le 26 août 2011, statuant notamment sur le montant d’une récompense et d’une créance et rejetant tous les autres moyens et prétentions des parties, mais sans jamais fixer la date de jouissance divise entre les parties.

D’autres prétentions furent élevées par la suite, mais rejetées le 7 septembre 2021 par un arrêt de la Cour d’appel de Rennes en raison de l’autorité de chose jugée du jugement du 26 août 2011. Sur pourvoi, cette décision est cassée, la Cour de cassation estimant qu’aucune des trois prétentions ne se heurte à l’autorité de la chose jugée.

1/ La première de ces demandes nouvelles émanait de l’ex-époux qui sollicitait pour la première fois que lui soit reconnu une « récompense » (en réalité, une créance) pour avoir, sur ses deniers propres, remboursé par anticipation un emprunt souscrit indivisément avant le mariage par les parties. La Cour d’appel de Rennes avait rejeté sa prétention en se fondant sur l’autorité de chose jugée du jugement de 2011 qui avait « rejeté tous autres moyens et prétentions des parties ». Sauf que cette demande n’avait pas été présentée en 2011. Les juges du fond avaient certes statué sur une récompense, mais à propos d’un tout autre bien.

La Cour de cassation rappelle donc, au visa de l’article 1351, devenu 1355, du code civil et de l’article 480 du code de procédure civile, que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif » (§ 4). Elle en déduit au cas d’espèce que le jugement du 26 août 2011 ne pouvait se voir attacher l’autorité de la chose jugée à l’égard d’une demande sur laquelle il n’avait pas statué. Cassation est ainsi prononcée pour violation des textes visés (§ 6).

2/ La deuxième prétention n’était quant à elle pas totalement nouvelle : l’époux sollicitait une réévaluation de la récompense fixée à son profit en 2011 au titre du remboursement d’un solde de prêt ayant financé des travaux au profit de la communauté. Là encore, la revendication avait été balayée par la Cour d’appel de Rennes au nom de l’autorité de chose jugée du jugement de 2011.

Pourtant, l’arrêt d’appel est censuré au regard d’une argumentation pertinente soulevée par le demandeur au pourvoi que la Cour de cassation fait sienne et détaille rigoureusement. Après avoir visé les articles 829, 1469, alinéas 1er et 3, et 1351, devenu 1355, du code civil puis détaillé leur contenu sans en modifier la lettre (§ 8), elle énonce un attendu de principe irréprochable : « La décision qui se prononce sur une récompense calculée selon le profit subsistant sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l’autorité de chose jugée sur l’évaluation définitive de cette récompense » (§ 11). L’arrêt d’appel ne pouvait donc, sans violer les textes visés, retenir que le jugement de 2011 avait définitivement statué sur la valeur de cette récompense.

L’issue est parfaitement cohérente et implique de maîtriser la subtilité du mécanisme de la dette de valeur. Il arrive en effet qu’un droit à...

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Clauses abusives : exclusion du maître de l’ouvrage agissant à des fins professionnelles

Sont abusives, au sens de l’article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 212-2 du code de la consommation, les clauses ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur ou du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Toute clause abusive est réputée non écrite, sanction particulièrement lourde puisque la clause litigieuse est censée n’avoir jamais existé et que le réputé non écrit semble échapper à toute prescriptibilité (Civ. 1re, 13 mars 2019, n° 17-23.169, Dalloz actualité, 1er avr. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1033 image, note A. Etienney-de Sainte Marie image ; ibid. 1784, chron. S. Vitse, S. Canas, C. Dazzan-Barel, V. Le Gall, I. Kloda, C. Azar, S. Gargoullaud, R. Le Cotty et A. Feydeau-Thieffry image ; ibid. 2009, obs. D. R. Martin et H. Synvet image ; ibid. 2020. 353, obs. M. Mekki image ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RTD civ. 2019. 334, obs. H. Barbier image ; RTD com. 2019. 463, obs. D. Legeais image ; ibid. 465, obs. D. Legeais image ; RTD eur. 2020. 768, obs. A. Jeauneau image).

On sait que la règlementation consumériste sur les clauses abusives ne joue qu’au profit des non-professionnels et des consommateurs, à l’exclusion des professionnels. La troisième chambre civile de la Cour de cassation enseigne, dans l’arrêt commenté, que le dispositif légal de protection ne peut pas être invoqué par le maître de l’ouvrage lorsqu’il conclut un contrat en rapport direct avec son activité professionnelle.

En l’espèce, une célèbre société du secteur hôtelier a entrepris des travaux d’extension d’un hôtel dont elle assurait l’exploitation. Une procédure judiciaire a été initiée à l’encontre de différents intervenants, dont l’architecte en charge de la maîtrise d’œuvre des travaux, et leurs assureurs, en raison de retards de chantier et de l’existence de désordres. Afin de réduire le quantum des sommes mises à sa charge, l’architecte opposa la clause d’exclusion de solidarité figurant au contrat pour écarter sa condamnation in solidum avec les autres intervenants à l’acte de construire. Par arrêt du 2 juin 2021, la Cour d’appel de Paris a jugé cette clause valable et a condamné l’architecte à proportion de sa part contributive dans la survenance des dommages.

Le maître de l’ouvrage s’est pourvu en cassation, soutenant qu’une telle clause est abusive en ce qu’elle fait peser sur le maître de l’ouvrage non professionnel le risque d’insolvabilité des coauteurs du dommage auquel l’architecte, chargé d’une mission de maîtrise d’œuvre d’exécution, a contribué par ses manquements contractuels. La société hôtelière demandait donc à ce que la clause d’exclusion de solidarité soit réputée non écrite en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur en la cause.

Reste que le maître de l’ouvrage, en sa qualité d’exploitant de l’hôtel, avait conclu le contrat d’architecte dans le cadre de son activité professionnelle, ce qui a conduit la Cour de cassation à entrer en voie de rejet.

La recrudescence du critère du rapport direct

Antérieurement à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, la jurisprudence se fondait sur le critère objectif du « rapport direct » pour apprécier la qualité de professionnel ou de non-professionnel d’un cocontractant. La Cour de cassation jugeait ainsi que les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services « qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant » (Civ. 1re, 24 janv. 1995, n° 92-18.227 P, D. 1995. 327 image, note G. Paisant image ; ibid. 229, obs. P. Delebecque image ; ibid. 310, obs. J.-P. Pizzio image ; RTD civ. 1995. 360, obs. J. Mestre image ; Com. 1er juin 1999, nos 96-21.138 et 96-20.962).

Tel est le cas, par exemple, d’un commerçant qui souscrit un contrat d’assurance accessoire à des prêts professionnels pour les besoins de l’exploitation d’un fonds de commerce (Civ. 2e, 18 mars 2004, n° 03-10.327, D. 2004. 1018 image, obs. C. Rondey image ; RTD com. 2004. 802, obs. B. Bouloc image), d’un syndicat professionnel qui conclut un contrat de location de matériel informatique avec option d’achat (Civ. 1re, 15 mars 2005, n° 02-13.285 P, D. 2005. 1948 image, note A. Boujeka image ; ibid. 887, obs. C. Rondey image ; ibid. 2836, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson image ; RTD civ. 2005. 393, obs. J. Mestre et B. Fages image ; RTD com. 2005. 401, obs. D. Legeais image ; ibid. 2006. 182, obs. B. Bouloc image ; Rev. UE 2015. 434, étude P. Bourdon image ; ibid....

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Majeur protégé et saisine du juge des libertés et de la détention dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement

L’actualité des soins psychiatriques sans consentement semble légèrement plus calme depuis ces derniers mois. Une telle accalmie contraste assez fortement avec les temps tumultueux que nous avons connus pour les mesures d’isolement et de contention dont les abrogations successives ont rythmé les années 2020 et 2021 (en 2020 : Civ. 1re, QPC, 5 mars 2020, n° 19-40.039 QPC, Dalloz actualité, 15 avr. 2020, obs. C. Hélaine ; Cons. const. 19 juin 2020, n° 2020-844 QPC, Dalloz actualité, 16 juill. 2020, obs. D. Goetz ; AJDA 2020. 1265 image ; D. 2020. 1559, et les obs. image, note K. Sferlazzo-Boubli image ; ibid. 2021. 1308, obs. E. Debaets et N. Jacquinot image ; RTD civ. 2020. 853, obs. A.-M. Leroyer image ; En 2021 : Civ. 1re, QPC, 1er avr. 2021, n° 21-40.001, Dalloz actualité, 15 avr. 2021, obs. C. Hélaine ; RTD civ. 2021. 380, obs. A.-M. Leroyer image ; Cons. const. 4 juin 2021, n° 2021-912/913/914 QPC, AJDA 2021. 1176 image ; D. 2021. 1324, et les obs. image, note K. Sferlazzo-Boubli image ; v. encore en 2023 : Cons. const. 31 mars 2023, n° 2023-1040/1041 QPC, Dalloz actualité 6 avr. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 762 image, note L. Bodet et V. Tellier-Cayrol image). C’est aujourd’hui l’architecture générale des mesures psychiatriques sans consentement qui est à l’honneur dans un arrêt promis aux honneurs du Bulletin publié le 5 juillet 2023. Celui-ci permet de revenir sur le croisement du droit des majeurs protégés avec celui des hospitalisations sous contrainte.

Le 16 août 2022, une personne, placée sous une mesure de curatelle, est admise en soins psychiatriques sans consentement. La mesure prend la forme d’une hospitalisation complète par décision du directeur de l’établissement concerné sur le fondement de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. Le 22 août suivant, le même directeur d’établissement saisit le juge des libertés et de la détention pour poursuivre la mesure sur le fondement de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique. Le 25 août, le juge ordonne la poursuite de l’hospitalisation complète. L’intéressée interjette appel en estimant que le maintien de tels soins n’est pas pertinent. Le premier président de la cour d’appel saisie déclare irrecevable l’appel formé en relevant que la majeure protégée ne pouvait pas interjeter appel sans l’assistance de son curateur. L’intéressée se pourvoit en cassation, voyant là une...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 3 juillet 2023

Avocats

Fixation des honoraires d’avocats : office du juge

Ayant relevé que le client, qui n’avait pas mis fin au mandat, avait apposé la mention manuscrite « lu et approuvé bon pour accord », suivie de sa signature, sur les factures et souverainement estimé qu’il avait ainsi accepté l’honoraire après service rendu, l’absence de paiement effectif par le client étant sans incidence à cet égard, le premier président d’une cour d’appel en déduit exactement qu’il n’a pas le pouvoir de le réduire.
Le premier président, qui statuait en matière de fixation des honoraires d’avocat, n’a pas le pouvoir de se prononcer sur une contestation se rapportant à l’application de la TVA aux prestations fournies en exécution du mandat de représentation et d’assistance confié par le client à l’avocat. (Civ. 2e, 6 juill. 2023, n° 19-24.655, F-B)

Avocats exercent l’activité de mandataire en transactions immobilières et honoraires de résultat :

Il résulte de l’article 2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l’article 95 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 que lorsque les avocats exercent l’activité de mandataire en transactions immobilières, ils ne sont pas soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970.
Viole ces dispositions et l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 applicable au litige, la cour d’appel qui, pour déclarer valable la convention d’honoraires conclue entre les parties, juge que comme pour tout contrat d’agent immobilier, la convention ne fixe pas les honoraires en proportion du travail effectué ou du prix de vente, et qu’en l’espèce elle avait constaté que la convention prévoyait que uniquement de la réussite de la vente, indique avoir constaté que la convention prévoyait que l’honoraire n’était dû qu’en cas de succès de l’opération immobilière et n’avait ainsi été fixé qu’en fonction du résultat. (Civ. 2e, 6 juill. 2023, n° 21-21.768, F-B)

Contrats

Vente entre professionnels et présomption de connaissance du vice affectant la chose objet du contrat

Il résulte de l’article 1645 du code civil une présomption de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence. Le caractère irréfragable de cette présomption, qui est fondée sur le postulat que le vendeur professionnel connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, a pour objet de contraindre celui-ci, qui possède les compétences lui permettant d’apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente, répond à l’objectif légitime de protection de l’acheteur qui ne dispose pas de ces mêmes compétences, est nécessaire pour parvenir à cet objectif et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du vendeur professionnel au procès équitable garanti par l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. (Com. 5 juill. 2023, n° 22-11.621, FS-B)

Importance des servitudes occultes : portée sur la sanction de l’exigence de déclaration du vendeur

L’importance de la servitude occulte exigée par l’article 1638 du code civil, qu’il y ait lieu de présumer que l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il en avait été instruit, ne conditionne que la résiliation de la vente, et non l’indemnisation du préjudice pouvant résulter pour l’acquéreur de toute servitude non apparente et non déclarée lors de la vente. (Civ. 3e, 6 juill. 2023, n° 22-13.179, FS-B)

Personnes vulnérables

Majeur protégé et saisine du juge des libertés et de la détention dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement

Il résulte de la combinaison des articles 415 et 459 du code civil et de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique que tant la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins d’obtenir la mainlevée d’une mesure de soins sans consentement que l’appel de sa décision maintenant une telle mesure constituent des actes personnels que la personne majeure protégée peut accomplir seule. (Civ. 1re, 5 juill. 2023, n° 23-10.096, FS-B)

Procédure civile

Règlement « Bruxelles II ter » : la circulaire du 4 juillet 2023

Une circulaire du 4 juillet 2023 présente non seulement le Règlement « Bruxelles II ter », à savoir le Règlement (UE) n° 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en...

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Chronique CEDH : du prétendu laxisme de la Cour européenne des droits de l’homme dans le contentieux des étrangers

Le devoir de vigilance des utilisateurs de réseaux sociaux

Dans la série, un seul arrêt de grande chambre s’est prononcé sur le fond : l’arrêt Sanchez c/ France du 15 mai (n° 45581/15, Dalloz actualité, 24 mai 2023, obs. F. Merloz), qui approuve les limitations à la liberté d’expression d’un homme politique relativement connu adoptées pour lutter contre la propagation des discours haineux, en l’occurrence, islamophobes, sur les réseaux sociaux. En l’espèce, le responsable de la stratégie internet d’un célèbre parti d’extrême droite, devenu plus tard maire d’une petite ville du Gard, avait été condamné à une amende de 3 000 € pour n’avoir pas supprimé assez vite du mur de son compte Facebook ouvert au public pendant une campagne électorale les commentaires haineux à l’encontre d’un adversaire politique que ses amis avaient laissés sous un billet qu’il y avait publié. La grande chambre a estimé que la sanction pouvait passer pour nécessaire dans une société démocratique en raison de la notoriété du requérant qui donnait une résonance et une autorité particulières aux mots relayés par son compte Facebook et surtout parce que, techniquement, les messages publiés par ses admirateurs constituaient non seulement un fil de discussion, mais bien une forme de dialogue itératif formant un ensemble homogène, que les autorités internes avaient pu raisonnablement appréhender comme tel. L’essentiel, c’est que la formation la plus solennelle de la Cour européenne des droits de l’homme n’ait pas marqué la moindre hésitation, a admettre, dans l’esprit de l’arrêt Delfi AS c/ Estonie du 16 juin 2015 relatif aux commentaires publiés sur un portail d’actualité en ligne, que les utilisateurs de réseaux sociaux qui sont techniquement en mesure de le faire, ont la responsabilité de supprimer promptement les messages illicites et préjudiciables aux droits d’autrui que des tiers y déversent par leur truchement. La Cour souligne par ailleurs, pour les approuver, que les autorités internes avaient uniquement reproché au requérant son manque de vigilance et de réaction concernant certains commentaires publiés par des tiers. On peut donc percevoir dans l’arrêt Sanchez un signe de consécration européenne du devoir de vigilance qui pourrait avoir un retentissement sur l’interprétation à donner à la loi du 27 mars 2017, imposant, dans un tout autre contexte de responsabilités en cascade, un devoir de vigilance aux sociétés mères et aux entreprises donneuses d’ordre.

Du prétendu laxisme de la Cour européenne des droits de l’homme dans le contentieux des étrangers

Dans son commentaire de l’arrêt de grande chambre Üner c/ Pays-Bas du 18 octobre 2006, toujours retenu dans la 10e édition des Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (PUF, 2022, ss. dir. F. Sudre) pour illustrer la question des droits des étrangers au respect de la vie familiale, la professeure Aurélia Schamaneche écrit (p. 678) qu’il apporte « la démonstration du caractère inébranlable de la grande attention accordée à la souveraineté étatique dans le contentieux des étrangers ». Apparemment, l’information n’est pas remontée jusqu’aux responsables d’un parti dit de gouvernement qui viennent de proposer une réforme constitutionnelle pour « restaurer notre souveraineté en matière migratoire ». Certes le texte de la proposition de loi n° 1322 enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 2 juin 2023 vise-t-il plus explicitement à écarter la primauté du droit de l’Union afin d’assurer le respect de l’identité constitutionnelle de la France ou la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, mais dans le discours public il semble bien que Strasbourg soit mis dans le même sac que Bruxelles et Luxembourg. Or les arrêts rendus au cours des deux derniers mois par la Cour européenne des droits de l’homme témoignent toujours de la grande attention qu’elle porte à la souveraineté étatique dans le contentieux des étrangers et offrent pratiquement une nouvelle illustration du proverbe « quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage ».

La décision la plus significative à cet égard est la décision d’irrecevabilité X. et autres c/ Irlande du 22 juin (n° 23851/20). Rappelant qu’il est acceptable de soumettre à une condition de résidence la possibilité de demander à bénéficier de l’allocation familiale dans la mesure où les systèmes de sécurité sociale fonctionnent essentiellement au niveau national, la Cour à en effet écarté le grief de discrimination entre les mères titulaires d’un permis de séjour et celles en attente d’une décision sur leur statut au regard du droit des étrangers pour déclarer irrecevable la requête de ces dernières se plaignant de n’avoir pas bénéficié d’allocations familiales pour leurs enfants qui pourtant résidaient déjà régulièrement dans le pays, eux. La solution est d’autant plus remarquable que d’ordinaire l’intérêt des enfants est la principale, sinon la seule raison susceptible de pousser la Cour à se montrer moins attentive à la souveraineté étatique dans le contentieux des étrangers comme vient encore de le démontrer l’arrêt A.C et M.C. c/ France du 4 mai (n° 4249/21) qui a dressé des constats de violation de l’article 3 qui prohibe les traitements inhumains et dégradants et de l’article 5 qui consacre le droit à la liberté et à la sûreté en raison du placement en rétention administrative d’une mère et de son enfant âgé de sept mois en vue de leur transfert vers l’Espagne au titre du règlement dit « Dublin III ». La très médiatique affaire de l’imam Iquioussem a également donné à la Cour l’occasion de démentir par une décision du 15 juin (n° 37550/22) les accusations de laisser-aller xénophile régulièrement portées contre elle, en déclarant irrecevable la requête du conférencier provocateur qui tenait à faire endosser à la France la responsabilité de son expulsion vers le Maroc par la Belgique où il s’était enfui.

On relèvera aussi l’arrêt Bijan Balahan c/ Suède du 29 juin (n° 9839/22), qui refuse de considérer que l’extradition vers la Californie d’une personne accusée d’avoir provoqué un préjudice corporel aggravé de torture constituerait une violation de l’article 3 dans la mesure où il n’était pas établi qu’elle l’exposerait à une condamnation à une peine de réclusion perpétuelle.

On pourrait même ajouter la décision Saakashvili c/ Ukraine du 29 juin (n° 8113/18) déclarant irrecevable la requête d’une haute personnalité politique frappée d’une déchéance de nationalité. Bien entendu, et comme on l’a déjà vu, les étrangers n’ont pas vocation à perdre systématiquement devant la Cour de Strasbourg. C’est ce que montrent les arrêts Azzaqui c/ Pays-Bas du 30 mai (n° 8757/20, Dalloz actualité, 8 juin 2023, obs. M. Brillat) qui constatent une violation de l’article 8 parce qu’une décision révoquant un permis de séjour n’avait pas suffisamment pris en compte la maladie mentale de l’intéressé ; Ghadamian c/ Suisse du 9 mai (n° 21768/19) qui dresse le même constat en raison d’un curieux refus d’autorisation de séjour pour rentiers et Poklikayew c/ Pologne du 22 juin (n° 1103/16) qui dénonce l’inobservation des garanties procédurales accordées par l’article 1er du Protocole n° 7 dans le cas d’une procédure d’expulsion d’étrangers, vers la Biélorussie en l’occurrence.

Retentissement des violences policières et contre les policiers

Les émeutes qui ont embrasé la France à la fin du mois de juin 2023 ont été ponctuées par des épisodes dont certains venaient de trouver un écho dans la jurisprudence récente de la Cour de Strasbourg.

C’est ainsi que l’on peut relever un arrêt Yengibarian et Simonyan c/ Arménie du 20 juin (n° 2186/12) dressant un constat de violation des volets substantiel et procédural de l’article 2 protecteur du droit à la vie dans une affaire où un jeune homme avait été tué par balles tirées par un policier au cours d’une course poursuite.

On signalera encore l’intérêt de l’arrêt Kazan c/ Turquie du 6 juin (n° 5821215/11) rendu dans une affaire originale où un tribunal civil, saisi d’une action récursoire par le ministère de l’Intérieur, avait condamné une manifestante, solidairement avec quarante-cinq autres individus, à de dommages-intérêts destinés à rembourser des indemnités versées à des policiers blessés lors d’une manifestation au titre de leurs frais médicaux, alors que l’intéressée avait été acquittée à l’issue d’une procédure pénale. Une telle décision a été jugée contraire à l’article 11 qui consacre le droit, fondamental dans une société démocratique, à la liberté de réunion parce que la loi n’apportait pas de précisions suffisantes pour empêcher une aussi lourde solidarité passive de s’exercer de manière arbitraire sur les participants à la manifestation litigieuse.

Il y a également lieu de méditer, en fonction des récentes tensions survenues en France entre policiers et population, sur la solution retenue par l’arrêt Chkaratishvili c/ Géorgie du 11 mai (n° 31349/20). Estimant non violent quoique perturbateur le comportement d’un manifestant qui, refusant d’obtempérer, avait jeté des haricots sur des policiers en les traitant de « gruau pour esclaves », il a en effet jugé que son arrestation et sa condamnation à huit jours de rétention administrative avaient porté une atteinte disproportionnée à son droit à la liberté de réunion lu à la lumière de son droit à la liberté d’expression…

Intensification de la lutte contre les violences domestiques

Un peu à contre-courant, on trouve un arrêt Germano c/ Italie du 22 juin (n° 10794/12) qui a constaté une violation du droit au respect de la vie privée et familiale d’un mari parce qu’il n’avait pas bénéficié de garanties adéquates contre l’énergique avertissement pour harcèlement que la police lui avait adressé à la demande de son épouse qu’il venait de quitter.

En matière de lutte contre les violences domestiques, les mois de mai et juin ont été marqués par l’arrêt Gaidukevich c/ Géorgie du 15 juin (n° 38650/18) et surtout par l’arrêt A.E c/ Bulgarie du 23 mai (n° 53891/20, Dalloz actualité, 15 juin 2023, obs. A. Lefebvre). Le premier a combiné l’article 2 avec l’article 14 pour stigmatiser des violations de ses deux volets substantiel et procédural en raison du manquement des autorités à protéger une jeune fille contre les violences domestiques exercées si souvent par le compagnon de sa mère qu’elle avait fini par se suicider. Le second a été rendu dans une affaire dans laquelle une jeune fille de tout juste quinze ans avait été battue par l’homme de...

Présomption irréfragable de connaissance des vices cachés et droit à la preuve : un duel sous haute tension

L’actualité autour des vices cachés est importante durant cette première partie de l’année 2023 (v. Civ. 3e, 8 févr. 2023, n° 21-20.271 FS-B, Dalloz actualité, 7 mars 2023, obs. N. De Andrade ; D. 2023. 342 image ; 8 févr. 2023, n° 22-10.743 FS-B, Dalloz actualité, 16 févr. 2023, obs. T. Brault ; D. 2023. 995 image, note John-Matthieu Chandler image ; AJDI 2023. 374 image, obs. F. Cohet image). Ce constat est renforcé par la réunion d’une chambre mixte dont l’audience, filmée pour l’occasion, s’est tenue le 16 juin dernier à propos du délai dans lequel l’action en garantie peut être engagée. Cette actualité se poursuit en ce début d’été avec un nouvel arrêt rendu cette fois-ci par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 juillet 2023. Son originalité réside dans le contrôle de proportionnalité déployé dans sa motivation afin de croiser la présomption irréfragable de connaissances des vices cachés par le vendeur professionnel avec le droit à la preuve et donc l’article 6, § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales protégeant le droit à un procès équitable. Une telle intersection est rare et nécessite donc que l’on s’y attarde dans le présent commentaire.

À l’origine du pourvoi, on retrouve une société qui commande le 19 mai 2015 un tracteur avec pose d’un matériel supplémentaire, à savoir une déchiqueteuse de bois. Voici que notre acquéreur estime que le moteur du tracteur vendu est entaché d’un vice caché. Celui-ci assigne donc le vendeur en résolution judiciaire du contrat de vente, l’assureur de ce dernier intervenant volontairement à l’instance. La société venderesse estime toutefois que le vice du moteur était complètement indécelable et qu’elle n’a pas à garantir celui-ci. En cause d’appel, les juges du fond prononcent la résolution de la vente et condamnent le vendeur à la restitution du prix versé et à la reprise du matériel vendu à ses frais exclusifs en utilisant la présomption irréfragable de connaissance des vices par le vendeur professionnel. L’assureur et le vendeur se pourvoient en cassation en arguant que le droit à la preuve s’oppose à la rigidité de la conception de cette présomption irréfragable au détriment du vendeur professionnel. Ils avancent l’idée selon laquelle une telle jurisprudence porte une atteinte disproportionnée au droit au procès équitable et, plus précisément, au fameux droit à la preuve (v. à ce titre, G. Lardeux, Du droit de la preuve au droit à la preuve, D. 2012. 1596 image).

L’arrêt du 5 juillet 2023 déploie une motivation importante, particulièrement enrichie pour un arrêt qui gravite essentiellement autour d’un moyen non fondé, la cassation intervenant pour un point accessoire qui ne fera pas l’objet du présent commentaire puisque axée autour d’un...

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Pause estivale

Tout au long de la période d’interruption de l’actualité, vous pouvez continuer à consulter les articles publiés grâce, notamment, à la recherche avancée.

Cette année encore, nous...

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Contestation d’une mesure conservatoire : précisions sur l’intérêt à agir

Bien qu’elle soit très classique en droit processuel, la notion d’intérêt à agir n’en est pas moins à l’origine d’un important contentieux. La concernant, il résulte de l’article 31 du code de procédure civile que, sous réserve des actions attitrées – c’est-à-dire, des situations dans lesquelles la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé –, une « action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ». En ce qu’il s’inscrit dans le livre premier (« Dispositions communes à toutes les juridictions ») du code de procédure civile, cet article trouve également application dans le domaine des procédures civiles d’exécution et, singulièrement, à l’égard des actions portées à la connaissance du juge de l’exécution.

Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 29 juin 2023 ici présenté, la difficulté porte sur la reconnaissance de l’intérêt à agir d’une société en contestation de mesures conservatoires (C. pr. exéc., art. R. 512-1)....

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Projet de loi justice : derniers ajustements avant le vote définitif

Plus de 1 700 amendements avaient été déposés pour la séance : les débats ont donc été longs, parfois heurtés. D’autant que, comme pour d’autres textes (loi de programmation militaire, LOPMI du ministère de l’intérieur), les parlementaires avaient décidé d’amender largement le rapport d’orientation annexé à la loi, bien qu’il soit dépourvu de toute portée normative. Pour résumer : plus d’électricité que de lumière.

Si le gouvernement a du faire face à de fortes oppositions venant de sa droite comme de sa gauche, sa position centrale lui a permis, comme en commission, d’être suivi sur la plupart des votes. Une exception notable : l’article 17 qui réforme la procédure de saisie des rémunérations a été supprimé, la division du groupe LR, souvent tiraillé, permettant son rejet à deux voix près. Cet article pourrait toutefois être rétabli par la commission mixte paritaire. Cette dernière n’aura lieu toutefois qu’en octobre, en raison des élections sénatoriales du 24 septembre.

La programmation budgétaire a été validée. Les députés ont modifié le rapport annexé pour porter de 15 000 à 18 000 l’objectif de places supplémentaires du plan de construction pénitentiaire, mais la majorité a rappelé qu’il était nécessaire que certaines collectivités cessent de faire de l’obstruction à la réalisation de la première partie de ce plan. Le mécanisme de régulation carcérale a été rejeté, victime en partie du climat politique post-émeutes. Contre l’avis du gouvernement, les députés ont également souhaité étendre l’open data des décisions de justice aux conclusions des rapporteurs publics et des rapports publics des conseillers rapporteurs. Le gouvernement sera astreint à plus de transparence en matière de statistiques sur les garde à vue et les techniques d’enquête intrusives.

De nouveaux ajouts sur la procédure pénale

Sur l’activation à distance, contrairement à ce que...

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Panorama rapide de l’actualité « santé » des semaines du 26 juin et du 3 juillet 2023

par Karima Haroun, rédactrice spécialisée, Dictionnaire Permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, Éditions Législativesle 12 juillet 2023

Retrouvez toute l’actualité du droit de la santé, dans le Dictionnaire Permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, Éditions Législatives.

Responsabilité et sanctions

Contrôle juridictionnel de la sortie de l’unité pour malades difficiles

Le Tribunal des conflits juge que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de tout litige relatif aux décisions par lesquelles le préfet compétent admet dans une unité pour malades difficiles (UMD) un patient placé en soins psychiatriques sans son consentement sous la forme d’une hospitalisation complète, ou refuse sa sortie d’une telle unité. (T. confl., 3 juill. 2023, n° 4279)

Prise en charge par la solidarité nationale des conséquences anormales et graves des actes médicaux

Il incombe au juge administratif, dans le cas où il est demandé à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de réparer au titre de la solidarité nationale plusieurs dommages résultant d’un même accident médical, d’une même affection iatrogène ou d’une même infection nosocomiale, de procéder à une appréciation globale des conditions, d’une part, d’anormalité et, d’autre part, de gravité de l’ensemble de ces dommages. Si, en revanche, les dommages résultent de plusieurs accidents médicaux, affections iatrogènes ou infections nosocomiales indépendants, il incombe au juge administratif d’apprécier de façon distincte les conditions d’anormalité et de...

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Remboursement anticipé de l’emprunt souscrit pour l’achat du bien indivis par un partenaire sur ses deniers personnels: une dépense nécessaire à la conservation du bien

Dans cette affaire un couple alors uni par un pacte civil de solidarité achète en indivision un immeuble et finance l’achat par le truchement d’un crédit immobilier. En cours d’union, l’un des deux partenaires fait un remboursement anticipé au moyen de ses fonds personnels. Mais au moment où le couple a dissous son pacte civil de solidarité, il est temps de solder les comptes. À l’heure de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, une difficulté de qualification de ce remboursement anticipé s’est posée au juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Mulhouse qui devait déterminer si oui ou non, une telle opération tombait sous le coup de l’article 815-13 du code civil.

C’est dans ce cadre que la Cour de cassation devait être saisie d’une demande d’avis ainsi formulée :

« En matière de liquidation des intérêts patrimoniaux d’un couple ayant été uni par un pacte civil de solidarité et ayant acquis un immeuble en indivision au cours de cette union, dans la mesure où l’apport personnel aux fins d’acquisition du bien indivis constitue une dépense d’acquisition pour laquelle l’application de l’article 815-13 du code civil est exclue, et dans la mesure où le remboursement, par l’un des partenaires, des échéances du prêt souscrit pour le financement de ce bien constitue une dépense de conservation au sens de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil, le remboursement anticipé de l’emprunt finançant l’acquisition du bien indivis constitue-t-il une dépense de conservation au sens de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil, ou une dépense d’acquisition pour laquelle l’application de cette disposition est exclue ? »

Considérant la question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux litiges, la Cour de cassation entreprend de répondre sur le terrain de la nature du remboursement anticipé de l’emprunt souscrit pour l’achat du bien indivis par un partenaire sur ses deniers personnels.

Une dépense nécessaire à la conservation du bien au sens de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil

Le contentieux relatif à la liquidation des intérêts patrimoniaux des couples déchus est nourri devant les juridictions. Aux termes de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être...

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Clauses abusives et prêts libellés en devises étrangères : rappels

Les prêts libellés en devises étrangères ont fait l’objet d’une actualité très nourrie ces derniers mois que ce soit sur le volet de la responsabilité de l’établissement bancaire (Civ. 1re, 28 juin 2023, n° 22-13.969 et n° 21-24.720 FS-B, Dalloz actualité, 4 juill. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 1260 image) ou sur celui des clauses abusives (Civ. 1re, 1er mars 2023, n° 21-20.260 F-B, Dalloz actualité, 10 mars 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 460 image ; RDI 2023. 351, obs. J. Bruttin image). La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas en reste avec un certain nombre de décisions importantes à ce titre pour l’année 2023 (v. par ex., CJUE 8 juin 2023, aff. C-570/21, Dalloz actualité, 13 juin 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 1117 image). L’arrêt rendu le 6 juillet 2023 par la première chambre civile de la Cour de cassation permet de mettre en musique ces solutions. Notons que cette décision est accompagnée d’un communiqué en raison du caractère médiatique de ces types de prêts au risque de change élevé.

Les faits à l’origine du pourvoi sont classiques. Le 30 septembre 1999, un établissement bancaire consent à une personne physique un prêt immobilier in fine lequel a été souscrit en francs suisses et indexé sur le LIBOR, trois mois. À l’échéance, l’emprunteur ne parvient pas à rembourser l’intégralité du capital emprunté. Son créancier décide donc d’engager des voies d’exécution à son endroit. Mais celles-ci sont rapidement levées puisque l’emprunt est remboursé à l’aide d’un nouveau prêt souscrit auprès d’une seconde banque. Le 6 novembre 2014, l’emprunteur assigne son ancien créancier en constatation du caractère abusif des clauses de remboursement et de celles liées au change ainsi qu’en restitution des de la contrevaleur en euros de chacune des sommes versées selon le taux de change applicable a moment de chaque paiement. La banque estime prescrite la demande de restitution fondée sur le caractère abusif des clauses. Elle se fait débouter sur ce point par les juges d’appel. Sur le fond, les clauses concernées sont considérées abusives et l’établissement bancaire est condamné à restituer à l’emprunteur la contrevaleur en euros des deniers remboursés. L’établissement bancaire décide, sans grande surprise, de se pourvoir en cassation reprochant à ce raisonnement différentes violations de la loi tant au titre de l’examen de la prescription qu’à celui du fond de l’affaire.

L’arrêt du 6 juillet 2023 aboutit à un rejet du pourvoi par la première chambre civile de la Cour de cassation. Nous allons examiner pourquoi cette solution s’inscrit parfaitement dans la lignée jurisprudentielle dessinée tant par le droit interne que par le droit de l’Union.

Sur le problème de la prescription

L’établissement bancaire considérait que l’action tendant à la restitution des sommes versées devait se prescrire par cinq ans à compter du jour où le consommateur a été mis en mesure de pouvoir constater l’importante dépréciation de l’euro par rapport à la devise empruntée, ici des francs suisses. Le créancier considérait que cette dépréciation s’est nécessairement faite en janvier 2009 mettant ainsi l’emprunteur en position de prendre en compte le risque de change à ce moment précis. Ce raisonnement, devenu assez habituel dans la rédaction des pourvois des prêts libellés en francs suisses, est en contradiction avec la position actuelle de la Cour de justice de l’Union européenne interprétant la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives.

C’est donc fort logiquement que la Cour de cassation reprend le raisonnement de cette juridiction en citant notamment...

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Chronique CEDH : la [I]lex sportiva[/I] prise dans les mailles du filet des droits de l’homme

La lex sportiva prise dans les mailles du filet des droits de l’homme

On sait à quel point le mouvement sportif est attaché à l’autonomie de la lex sportiva, ce droit transnational centralisé par le Comité international olympique et l’Agence mondiale antidopage qui privilégie le recours à l’arbitrage et ne relève pratiquement que du Tribunal arbitral du sport (TAS) établi à Lausanne dont les sentences font seulement l’objet d’un contrôle restreint par le Tribunal fédéral suisse. Naturellement cette soif d’autonomie pousse irrésistiblement à placer les valeurs sportives et les intérêts économiques bien compris du mouvement sportif au dessus de tout, même et y compris au dessus des droits de l’homme priés de fermer les yeux sur les atteintes les plus sidérantes à la vie privée ou, notamment, au droit à un procès équitable des sportives et des sportifs indisciplinés.

Or, le droit européen des droits de l’homme, qui avec l’effet dit horizontal de la plupart des articles de la Convention trouve le moyen de s’insinuer dans toutes les relations publiques ou privées pour se mêler de ce qu’il s’y passe, s’ingénie depuis quelques années à corriger les incartades que la lex sportiva se permet en matière de droit de l’homme. Ainsi, la patrouille européenne a-t-elle rattrapé le droit transnational du mouvement sportif dans un certain nombre d’affaires plus ou moins retentissantes (CEDH, 2 oct. 2020, Mutu et Pechstein c/ Suisse, nos 40575/10 et 67474/10, Dalloz actualité, 16 oct. 2018, obs. N. Nalepa ; D. 2018. 2448, obs. T. Clay image ; RTD civ. 2018. 850, obs. J.-P. Marguénaud image ; 28 janv. 20220, Ali Riza c/ Turquie, n° 30226/10 ; 18 mai 2021, Sedat Dogan c/ Turquie, n° 48909/14). Un nouveau coup vient d’être porté à la lex sportiva par l’arrêt Semenya c/ Suisse du 11 juillet (n° 10934/21, Dalloz actualité, 11 sept. 2023, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2023. 1360, et les obs. image ; AJ fam. 2023. 421, obs. A. Dionisi-Peyrusse image). Il a été ajusté avec des arguments si foudroyants que, sauf renvoi en Grande chambre, elle risque bien, cette fois, de rester K.O. debout.

L’affaire concerne l’athlète sud-africaine Caster Semenya, double championne olympique et triple championne du monde du 800 mètres, à qui la Fédération internationale d’athlétisme amateur avait imposé, au nom des exigences d’éthique sportive, de réduire son taux naturel de testostérone par des traitements hormonaux pour pouvoir continuer à participer aux épreuves internationales dans la catégorie féminine. Or, en raison des sérieux effets secondaires ressentis au cours du traitement qu’elle avait commencé à suivre, la spécialiste mondiale du demi-fond, décida de l’interrompre. En conséquence, elle fut obligée de renoncer à disputer ses chances aux championnats du monde de 2019, tout en criant à la discrimination fondée sur le sexe et les caractéristiques sexuelles que, en dépit du soutien du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le TAS, comptant pourtant parmi ses membres des juristes éminents, refusa d’admettre parce que la discrimination lui avait semblé nécessaire, raisonnable et proportionnée pour assurer une compétition équitable entre des femmes que la nature n’aurait pas dotées d’un taux de testostérone hors du commun. S’en tenant à un contrôle restreint des sentences du TAS, le Tribunal fédéral suisse rejeta la requête de Caster Semenya qui, ayant épuisé les sommaires voies de recours internes, devait saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Au grand dam du mouvement sportif qui croit pouvoir faire rectifier les aspects les plus intimes de l’intégrité physique des athlètes pour les plier à ses propres objectifs, la jeune sud-africaine à obtenu à Strasbourg ce que Lausanne lui avait refusé. Elle pourra en effet ajouter à son palmarès un double constat de violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 de la Convention et de l’article 13 qui consacre le droit à un recours effectif, au regard de l’article 14 combiné avec l’article 8. C’est surtout la force des arguments mobilisés pour justifier cette victoire juridique qui doit être soulignée.

Les plus déterminants sont ceux relatifs à la compétence ratione personnae et ratione loci de la Cour que le gouvernement de l’État défendeur contestait d’abord parce que, en sa qualité de cour suprême du sport, le TAS, organisation de nature privée, connaît des litiges opposant des acteurs privés provenant des quatre coins du globe qui ne présentent très souvent aucun lien avec la Suisse (exception faite du siège du TAS), ni même parfois avec des États membres du Conseil de l’Europe ; ensuite parce que tenir la Suisse pour responsable de la mise en œuvre de l’ensemble des garanties matérielles de la Convention dans des affaires de ce type, remettrait entièrement en cause la notion même d’arbitrage et la nature du système mis en place dans le domaine du sport. La réfutation de cette argumentation tout imprégnée de l’autonomie de la lex sportiva est cinglante et catégorique : en dépit des avantages d’un système centralisé empêchant les juridictions ordinaires de servir de contrepoids aux clauses imposant l’arbitrage forcé en matière sportive, l’incompétence de la Cour pour connaître ce type de requêtes ne serait conforme ni à l’esprit, ni à l’objet ni au but de la Convention. Une telle conclusion serait par ailleurs « à peine conciliable avec l’idée de la Convention en tant qu’instrument constitutionnel de l’ordre public européen, dont les États parties sont tenus de garantir au moins les fondements à tous les individus sous leur juridiction en vertu de l’article 1er ». Parfaitement consciente d’avoir affaire à la mise en cause de la conformité à la Convention d’un règlement sportif établi par une association de droit privé et appliqué par un tribunal arbitral qui n’est pas non plus une organisation étatique, la Cour affirme sans hésiter que les griefs invoqués par la requérante relèvent de la « juridiction » de la Suisse au sens de l’article 1er de la Convention, et ce même si la Haute juridiction suisse ne s’est pas explicitement référée aux dispositions de la Convention.

Dès lors, par une référence appuyée à son rôle de gardienne de l’ordre public européen, la Cour reproche à la Suisse les manquements aux exigences conventionnelles que son Tribunal fédéral a commis notamment en transposant à l’arbitrage sportif, reposant sur des relations très hiérarchisées entre les athlètes et de puissantes organisations sportives, l’approche retenue pour l’arbitrage commercial où des entreprises qui se trouvent généralement sur un pied d’égalité s’accordent sur une base volontaire pour régler leurs litiges de cette manière ; en ne répondant pas de façon suffisamment approfondie à l’argument des effets secondaires du traitement hormonal imposé à la double championne olympique notamment au regard de la Convention d’Oviedo du 4 avril 1997, premier instrument international contraignant pour la protection de la dignité, des droits et des libertés de l’être humain contre toute application abusive des progrès biologiques et médicaux ; en méconnaissant l’obligation de prévenir et de remédier effectivement à des actes discriminatoires même émanant de personnes ou d’entités privées ou en s’abstenant de soulever le défaut de différenciation par les instance sportives de la situation des sportives intersexes et des sportives transgenres dont la requérante ne fait pas partie.

Les mailles du filet des droits de l’homme se sont à ce point resserrées sur la lex sportiva sous l’étendard de l’ordre public européen et en raison de la localisation du TAS en Suisse, qu’il ne faudrait pas être autrement surpris si le mouvement sportif songeait à le déplacer dans quelque émirat extérieur au Conseil de l’Europe pour les desserrer. Ce serait alors un divorce à la portée dévastatrice entre l’olympisme et les droits de l’homme…

La lutte contre la constitution d’un « casier judiciaire virtuel » au moyen des archives numériques de la presse

Après le célèbre arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne Google Spain du 13 mai 2014, beaucoup d’encre a coulé à propos du « droit à l’oubli » qui permettrait de limiter le droit à la liberté d’expression pour l’empêcher de remettre sur le devant de la scène médiatique le passé douloureux de certains. La Cour européenne des droits de l’homme qui, dans plusieurs affaires importantes, avait plutôt pris la défense de la liberté d’expression de la presse contre les menées de ce nouveau concurrent un peu nébuleux comme par exemple dans l’arrêt M. L. et W. W. c/ Allemagne du 28 juin 2018 (n° 60798/10, D. 2019. 1673, obs. W. Maxwell et C. Zolynski image ; AJ pénal 2018. 462, note L. François image ; Dalloz IP/IT 2018. 704, obs. E. Derieux image ; RSC 2018. 735, obs. J.-P. Marguénaud image) relatif au maintien des informations relatives au passé des assassins récemment libérés d’un acteur célèbre, vient d’aborder frontalement la question par l’un des deux seuls arrêts de Grande chambre de la série estivale Hurbain c/ Belgique du 4 juillet (n° 57292/16, Dalloz actualité, 13 juill. 2023, obs. M. Brillat ; D. 2022. 2002, obs. W. Maxwell et C. Zolynski image ; Légipresse 2021. 393 et les obs. image ; ibid. 536, étude N. Mallet-Poujol image ; ibid. 2022. 188, étude E. Tordjman, O. Lévy et J. Sennelier image ; ibid. 253, obs. N. Mallet-Poujol image ; ibid. 510, chron. C. Bigot image). Il a été rendu à la requête de l’éditeur responsable du célèbre quotidien belge Le Soir condamné à anonymiser dans les archives numériques constituées et laissées en accès libre en 2008, le nom d’un médecin responsable d’un accident mortel de la circulation figurant dans un article publié en 1994.

La Cour européenne des droits de l’homme a d’abord profité de l’occasion solennelle qui se présentait pour procéder à une rude mise au point d’ordre terminologique. Ainsi faudra-t-il désormais se tenir pour dit que la prétention à l’oubli ne constitue pas un droit autonome protégé par la Convention et que l’article 8 ne peut que lui faire l’aumône d’une protection dans certaines situations et pour certaines informations. Elle précise également que pour s’entendre avec elle sur ce terrain effroyablement technique, il faut comprendre que le déréférencement désigne les mesures prises par les exploitants de moteurs de recherche tandis que la désindexation se rapporte à celles mises en place par l’éditeur de presse en charge du site internet rendant accessible un article litigieux.

Elle invite également à distinguer selon que le pseudo « droit à l’oubli » est menacé par la reprise dans la presse d’informations à caractère judiciaire déjà divulguées dans le passé ou de la présence permanente dans les archives numériques dont aucun organe de presse ne peut désormais se dispenser d’informations nominatives que tout un chacun peut découvrir en deux clics. C’est face à cette seconde modalité de résurrection d’un passé plus ou moins flatteur que l’on invoque communément le « droit à l’oubli » numérique. C’est celui que le médecin belge avait fait valoir pour qu’une désindexation consistant à modifier ses archives numériques pour faire disparaître son nom soit imposée au responsable de l’édition du quotidien Le Soir.

Sur le fond, la Grande chambre a réalisé un courageux équilibre entre le droit à la liberté d’expression de la presse et le « droit à l’oubli ». À la presse, elle a confirmé qu’elle doit pouvoir établir et maintenir des archives complètes pour pouvoir remplir la nouvelle fonction de formation de l’opinion démocratique à l’histoire contemporaine et reconnu que, en règle générale, ces archives doivent rester authentiques, fiables et intègres. Au justiciable soucieux de ne pas laisser le tout-venant se repaître de son passé officiellement pardonné, elle a apporté une protection raisonnable et proportionnée grâce à un remarquable travail d’approfondissement des critères de mise en balance des deux droits d’inégale portée conventionnelle en présence. Ce souci d’équilibre, qui n’a pas été partagé par cinq juges dissidents défenseurs jusqu’au-boutistes de la liberté de la presse, a conduit la Cour à refuser de dresser un constat de violation du droit de la liberté d’expression aux termes de cette conclusion : si la réhabilitation d’une personne ne peut justifier à elle seule la reconnaissance d’un « droit à l’oubli », l’archivage électronique d’un article relatif au délit commis ne doit pas créer une sorte de « casier judiciaire virtuel », alors que le condamné a purgé sa peine et qu’il a été réhabilité. Dès lors, une simple obligation d’anonymiser un article qui, sans le supprimer, suffit à neutraliser la constitution d’un tel casier judiciaire aux allures de tunique de Nessus électronique, constitue une atteinte proportionnée et nécessaire dans une société démocratique au droit que la presse tient de l’article 10 de la Convention.

La reconnaissance européenne des vertus du référé-liberté pour contrôler l’exercice des fouilles corporelles intégrales

Pour assurer la sécurité dans un établissement pénitentiaire, des fouilles corporelles intégrales peuvent s’avérer nécessaires pour vérifier que le moindre contact d’un détenu avec des personnes extérieures ne lui a pas fourni l’occasion d’introduire, par tous les orifices que la nature lui a donnés, des objets ou des substances interdits. Comme, pour les subir, il doit se mettre nu et adopter des gestes et des postures facilitant notamment des inspections anales, il est placé dans une situation particulièrement humiliante, attentatoire à sa dignité appelant à n’en pas douter la protection de l’article 3 de la Convention interdisant la torture et les traitements inhumains ou dégradants. C’est bien ce qu’avait admis, notamment, l’arrêt Frérot c/ France du 12 juin 2007 (n° 70204/01, Dalloz actualité, 22 juin 2007, obs. A. Darsonville ; D. 2007. 2632 image, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi et S. Mirabail image ; ibid. 2008. 1015, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon image ; AJ pénal 2007. 336, obs. M. Herzog-Evans image ; RSC 2008. 140, obs. J.-P. Marguénaud et D. Roets image ; ibid. 140, obs. J.-P. Marguénaud et D. Roets image ; ibid. 404, chron. P. Poncela image) qui a constaté une violation de l’article 3 en raison des conditions arbitraires dans lesquelles les fouilles corporelles intégrales étaient réalisées en France au début du XXIe siècle. En conséquence, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 les a-t-elle strictement encadrées en proscrivant les investigations corporelles internes qui ne peuvent plus être pratiquées que par un médecin extérieur à l’établissement pénitentiaire requis par l’autorité judiciaire quand il existe un impératif spécialement motivé et en soumettant celles que le chef d’établissement peut continuer à ordonner à titre subsidiaire à la condition d’être strictement nécessaires, proportionnées...

[PODCAST] Nouvelle loi de bioéthique - Épisode 10 - 2[SUP]e[/SUP] partie : le droit d’accès aux origines des enfants issus d’une AMP avec tiers donneur Publié

Dans cette seconde partie, Laurence Brunet, spécialiste en droit de la bioéthique et Bérengère Ducrocq, médecin, responsable du CECOS de Lille et membre de la CAPADD, reviennent sur...

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Servitude occulte : indemnisation du préjudice en cas de manquement au devoir d’information

Par l’arrêt du 6 juillet 2023 rapporté, la troisième chambre civile de la Cour de cassation censure la Cour d’appel de Chambéry pour avoir rejeté la demande d’indemnisation par des acquéreurs à la suite du préjudice subi par une servitude occulte.

Cette décision rappelle l’importance de l’article 1638 du code civil concernant le droit à l’indemnisation sur une servitude non apparente lors d’une vente.

Selon l’arrêt attaqué, les acquéreurs ont acquis la propriété d’une maison édifiée sur une parcelle dans le sous-sol de laquelle ils ont découvert, à l’occasion de la réalisation d’un projet d’extension, l’existence d’une canalisation enterrée faisant partie du réseau public des eaux usées empêchant la réalisation des travaux tels qu’envisagés. Ils ont assigné les vendeurs en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la garantie de l’article 1638 du code civil au titre des servitudes non apparentes non déclarées et pour manquement du vendeur à son devoir d’information.

Le 13 janvier 2022, la Cour d’appel de Chambéry a rejeté la demande des acheteurs du bien au motif qu’il était nécessaire que la servitude occulte soit d’une importance telle que le bien n’aurait pas été acquis si l’acheteur en avait eu...

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Éric Dupond-Moretti détaille les augmentations d’effectifs

Encore en discussion au parlement, le projet de loi d’orientation et programmation du ministère de la Justice 2023-2027 prévoit 10 000 créations nettes d’emplois au ministère de la Justice d’ici à 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers. Des augmentations importantes, qui bénéficient aussi à d’autres ministères régaliens, alors que, pour le reste du gouvernement, il y a des menaces d’austérité.

Fin août, lors d’un discours à Colmar, Éric Dupond-Moretti s’est fait plus disert sur la répartition des effectifs, en annonçant les augmentations par cours d’appel. Sur les 1 500 emplois de magistrats créés, la répartition de 1 350 d’entre eux a ainsi été annoncée. Le garde des Sceaux a également indiqué celle des 1 500 postes de greffiers qui seront créés d’ici 2027 et la localisation des 1 100 postes d’attachés de justice à pourvoir d’ici 2025. Le ministre a indiqué que ces données se fondent « sur une multitude de facteurs », pour prendre en compte « à la fois l’activité de vos cours dans...

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Panorama rapide de l’actualité « santé » des semaines du 4 septembre et du 11 septembre 2023

par Karima Haroun, rédactrice spécialisée, Dictionnaire Permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, Éditions Législativesle 18 septembre 2023

Retrouvez toute l’actualité du droit de la santé, dans le Dictionnaire Permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, Éditions Législatives.

Produits de santé

Financement et régulation des produits de santé

La Mission régulation des produits de santé a rendu un rapport dans lequel elle appelle à un « New Deal » garantissant un accès égal et durable des patients à tous les produits de santé. Elle formalise douze convictions qui doivent être prises en compte pour moderniser le système de régulation. Elle considère que la conciliation des objectifs sanitaires, industriels, écologiques et financiers requiert un New Deal avec tous les acteurs pour les produits de santé et que l’accès des patients à tous les produits - dont les produits innovants – doit être un objectif majeur de la régulation. (Rapp. Mission régulation des produits de santé, août 2023)

Personne et corps humain

Interdiction de l’AMP post mortem et de l’exportation de gamètes et d’embryons

La Cour européenne des droits de l’homme juge que la France n’a pas violé la Convention européenne des droits de l’homme en refusant l’exportation de gamètes ou d’embryon en vue d’une AMP post mortem à l’étranger. Elle considère que les autorités internes ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, et l’État défendeur n’a pas outrepassé la marge d’appréciation dont il disposait. Néanmoins, la Cour reconnaît que l’ouverture, depuis 2021, par le législateur de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules pose de manière renouvelée la pertinence de la justification du maintien de l’interdiction dénoncée par les requérantes. La Cour rappelle que malgré l’ample marge d’appréciation dont bénéficient les États en matière de bioéthique, le cadre juridique mis en place par ces États doit être cohérent. (CEDH, 14 sept. 2023, n° 22296/20 et...

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Ventilation du prix de cession d’entreprise et exercice du droit de suite

En ce qu’il a trait à la ventilation en quotes-parts du prix de cession d’entreprise et au rang dévolu au titulaire d’un droit de suite lors de la répartition qui s’ensuit, l’arrêt ci-dessus référencé est aussi intéressant d’un point de vue théorique qu’important sur le plan pratique.

En l’espèce, un plan de cession, incluant uniquement un fonds de commerce grevé d’un nantissement inscrit du chef de son précédent propriétaire, est arrêté dans le cadre d’un redressement judiciaire, ouvert à l’endroit du tiers acquéreur et peu après converti en liquidation judiciaire. Par la suite, le bénéficiaire de cette sûreté assigne le liquidateur afin d’être colloqué en premier rang sur le prix de vente, approuvé en cela par la cour d’appel qui précise que cette collocation doit porter, non sur le prix de vente du fonds, mais sur la quote-part du prix de cession que le tribunal aurait dû, et devra, affecter à cet actif.

Sur pourvoi principal du liquidateur, et pourvoi incident du titulaire du nantissement, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Elle estime, d’une part, que le tribunal n’est pas tenu de définir une telle quote-part dans la mesure où seul le fonds de commerce est compris dans la cession, et, d’autre part, que le créancier inscrit du chef du précédent propriétaire ne prime pas les créanciers personnels du sujet de la procédure collective. À cet égard, même si à s’en tenir aux titrages et résumés officiels de la décision, l’absence de priorité du créancier d’un propriétaire antérieur en constitue l’élément essentiel, son autre aspect, relatif à l’absence d’obligation d’affecter une quote-part du prix de cession, mérite également une attention particulière.

L’absence d’obligation d’affecter une quote-part du prix de cession d’entreprise

De prime abord, il paraît curieux de désavouer au visa du premier alinéa de l’article L. 642-12 du code de commerce une décision enjoignant au tribunal d’affecter une quote-part du prix de cession à un fonds de commerce nanti, puisqu’il s’agit précisément de ce que prescrit cette disposition. Pour rappel, en effet, celle-ci prévoit que si des actifs grevés de sûretés spéciales figurent dans le périmètre d’un plan de cession, le tribunal affecte à chacun d’eux une quote-part du prix pour permettre l’exercice des droits de préférence lors de sa répartition. L’emploi du présent de l’indicatif et l’absence de terme rattaché au champ lexical de la faculté révélant l’existence d’une obligation à la charge du tribunal (P.-M. Le Corre, Le créancier titulaire d’une sûreté spéciale victime de l’absence d’affectation d’une quote-part du prix de cession, Gaz. Pal. 8 janv. 2011, p. 13), la cour d’appel se serait ainsi contentée de rappeler la règle et, surtout, de s’y conformer.

Certes, dans le sens de la Haute juridiction, pourrait-on relever que le texte n’envisage littéralement que l’hypothèse où la cession porte sur plusieurs actifs grevés de sûretés. Si bien que par une sorte de raisonnement a contrario, il serait inapplicable dès lors qu’elle en englobe seulement un. Mais outre que l’arrêt sous examen ne repose pas dessus, une telle interprétation ne saurait être retenue. L’explication réside dans ce qui permet de comprendre la présente solution, qui en appelle en réalité moins à la lettre de l’alinéa en cause qu’à son esprit.

Comme le souligne plus loin la Cour régulatrice, ce texte a pour fonction de faire apparaître l’assiette des droits de préférence dont sont investis les bénéficiaires de sûretés assises sur les actifs compris dans le plan de cession. Il faut effectivement bien voir qu’en raison de son caractère global et forfaitaire (ibid.), le prix de cession représente la valeur propre de l’entreprise, et non celle des divers biens transmis (v. not., C. Saint-Alary-Houin, M.-H. Monsèrié-Bon et C. Houin-Bressand, Droit des entreprises en difficulté, 13e éd., LGDJ, 2022, n° 1291). De sorte que sans correctif, les créanciers munis de sûretés spéciales ne pourraient exercer leurs droits de préférence lors de la répartition du prix de cession, faute d’apparition de leur assiette, c’est-à-dire la valeur des actifs grevés. Ce qui reviendrait in fine à les priver totalement du bénéfice de leurs garanties dans la mesure où le paiement complet du prix de cession emporte purge des inscriptions (C. com., art. L. 642-12, al. 2 et 3). Pour cette raison, a été institué un...

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Audience de règlement amiable et césure du procès : entre conviction et déception

L’annonce avait été faite le 5 janvier 2023. Dans la présentation à la presse de son plan d’action issu des Etats généraux de la justice, le ministre de la Justice, M. Dupond-Moretti avait affirmé vouloir lancer une véritable politique de l’amiable marquée notamment par la création de deux nouveaux modes de résolution amiable des litiges. C’est chose faite. Le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 inscrit dans le code de procédure civile l’audience de règlement amiable (ARA ; C. pr. civ., nouv. art. 774-1 s.) et la césure du procès (CP ; C. pr. civ., nouv. art. 807-1 s). La question s’est alors posée de la pertinence d’instaurer de nouveaux modes judiciaires de règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire (Nouveaux MARD : réaction mitigée de l’USM, Gaz. Pal. 29 août 2023, p. 4). En effet, à côté du très général article 21 du code de procédure civile qui énonce qu’« il entre dans la mission du juge de concilier les parties » et des articles 127 et 127-1 du même code qui confèrent, à tout juge, des pouvoirs d’incitation et d’injonction en matière de conciliation et de médiation, on trouve d’autres textes plus spécifiques. C’est le cas de l’article 750-1 du code de procédure civile qui, après avoir été mis en sommeil pendant huit mois, est à nouveau applicable pour les litiges inférieurs à 5 000 € ainsi que pour les litiges et les conflits de voisinage (G. Maugain, L’extraordinaire histoire de l’article 750-1 du code de procédure civile : le rétablissement, Dalloz actualité, 23 mai 2023). Pour toutes les autres hypothèses, les articles 820 et suivants du code de procédure civile permettent au justiciable d’adresser, au greffe du tribunal judiciaire, une requête aux fins de tentative préalable de conciliation. Mais compte tenu des avantages d’une solution consensuelle (obtenue plus rapidement, confidentiellement, mieux acceptée et plus facilement exécutée) et d’un intérêt de la pratique jugé encore trop faible, l’apparition de nouveaux modes facultatifs de résolution amiable ne peut être que saluée. L’idée est qu’en démultipliant l’offre, les parties, leurs avocats, les juges s’en saisissent plus volontiers, non pour réguler les flux, mais pour parvenir à des décisions de qualité. Il se pourrait que l’audience de règlement amiable, plus aboutie, remplisse cet office. Pour la césure de procès, telle qu’elle est consacrée dans le décret, cela semble plus incertain.

L’audience de règlement amiable

L’audience de règlement amiable (ARA) s’inspire de la Conférence de règlement amiable en matière civile (CRA) existant au Québec. Il s’agit de permettre aux parties, à tout moment de la procédure et pour des droits dont elles ont la libre disposition, de se retrouver devant un juge pour régler amiablement tout ou partie de leur litige. L’ARA telle qu’issue du décret du 29 juillet 2023 comporte de véritables points forts qui emportent la conviction malgré quelques doutes.

La conviction

Intégrée dans les dispositions communes à toutes les procédures se déroulant devant le tribunal judiciaire, l’ARA est un véritable instrument aux mains du juge « horloger du règlement du litige, [à] qu’il revient d’user de l’ensemble des possibilités que lui offrent les modes alternatifs aux règlements des litiges » (G. Bolard, De la déception à l’espoir : la conciliation, in Mélanges P. Hébraud, Toulouse, 1981, spéc. p. 121).

Cela se voit, premièrement, dans le déclenchement de l’ARA. C’est au juge, que ce soit le président de l’audience d’orientation, le juge de la mise en état, le juge du fond ou le juge des référés, que reviendra cette...

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Prescription de l’action en contrefaçon : quel point de départ ?

La prescription extinctive est définie comme étant « un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps » (C. civ., art. 2219).

Il s’agit d’une fin de non-recevoir qui par conséquent « tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond » (C. pr. civ., art. 122).

Le défendeur dénie au demandeur le droit d’agir, c’est-à-dire le droit d’être entendu sur ses prétentions au fond par le juge pour que ce dernier les dise bien ou mal fondées. Il souhaite ainsi faire rejeter les demandes sans examen. C’est un élément de procédure qui précède le débat.

La prescription extinctive peut être proposée par le défendeur en tout état de cause, même en appel, mais sans intention dilatoire (C. pr. civ., art. 123). Les juges ne peuvent cependant pas suppléer d’office le moyen résultant de la prescription (C. civ., art. 2247).

En ce qui concerne l’action civile en contrefaçon, la prescription est soulevée devant le juge, ou le conseiller, de la mise en état. Mais tant la durée que le point de départ de la prescription extinctive varient en fonction des droits de propriété.

Concernant le droit d’auteur et la concurrence déloyale

À l’occasion d’un litige portant sur une œuvre musicale, la Cour d’appel de Paris a tout dernièrement interprété strictement les dispositions applicables. Plusieurs personnes exposaient être respectivement les auteurs, compositeurs, coéditeurs et adaptateur du générique de « Code Lyoko », série télévisée d’animation française, et avoir découvert une reproduction de celui-ci par le groupe The Black Eyed Peas au sein du titre « Whenever » de l’album « The Beginning », sorti en 2010.

Par lettre recommandée avec accusé de réception de leur Conseil du 30 décembre 2011, elles ont alors mis en demeure les éditeurs et producteurs musicaux de ce titre, d’avoir notamment à cesser l’exploitation de celui-ci et à verser une provision de 200 000 €. Pour elles, la reprise de la mélodie du générique de « Code Lyoko » par le titre « Whenever » était constitutive de contrefaçon de sorte que sans solution transactionnelle sous huit jours, une action judiciaire serait engagée.

La lettre est demeurée infructueuse. Aucun accord amiable n’a été trouvé. Ce n’est que six ans plus tard, le 6 juin 2018, que les auteurs dudit courrier assignaient les destinataires en contrefaçon de droit d’auteur, devant le Tribunal judiciaire de Paris.

En défense, il était soutenu que la prescription était acquise, de sorte que les débats sur la caractérisation d’un droit d’auteur, sa reproduction, les mesures indemnitaires ou...

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Donation-partage anticipée : le partage doit être le fruit de la volonté du donateur sous peine de requalification

Les vicissitudes de la vie familiale conduisent souvent à l’émergence de conflits quand s’ouvre le temps de la transmission et de l’héritage. Les vivants ont parfois tendance à juger de l’amour que le défunt leur portait à l’aune de ce qu’ils en reçoivent. Il n’est pas toujours question d’argent dans ces instants où le deuil nous frappe mais presque toujours de ce que beaucoup qualifient de « question de principe ».

Dans cette affaire, tous les éléments étaient réunis pour mener à un conflit des plus passionnés : des enfants issus d’unions différentes, un patrimoine paternel important et une anticipation successorale quelque peu approximative. Il suffisait d’une étincelle pour que la situation dégénère. En l’espèce, un homme décède en laissant une fille issue de son premier mariage, deux fils du deuxième et sa troisième épouse. De son vivant, le défunt avait voulu anticiper sa succession ayant conscience que des difficultés pouvaient advenir après sa mort. Ainsi, le 7 novembre 1995, il avait consenti à ses trois enfants une donation-partage anticipée. À sa fille, il avait attribué quatre biens mobiliers (des meubles d’exception et des œuvres d’art) pour un montant de 359 779,68 € (2 360 000 francs). À ses deux fils, il a donné la nue-propriété de la moitié indivise d’un bien immobilier laquelle avait été évaluée, pour chacun, au même montant que les donations reçues par leur demi-sœur. Le 10 janvier 2008, leur père avait pris soin de faire un testament olographe suivi d’un codicille afin de déterminer les droits que son épouse aurait dans sa succession. Le 17 janvier 2008, l’un des deux fils cède sa quote-part indivise en nue-propriété sur le bien immobilier visé par la donation-partage à son frère. Le père intervient à l’acte en sa qualité de donateur afin de renoncer à l’action révocatoire ainsi qu’à l’exercice du droit de retour. Le 14 mars 2013, le père décède.

De nombreuses difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession. En juin 2015, la fille aînée a alors assigné ses deux cohéritiers en partage judiciaire. Le Tribunal de grande instance de Paris, par un jugement du 29 mars 2018, prononce le partage judiciaire de la succession. La juridiction déclare non écrite après un contrôle de proportionnalité la clause pénale testamentaire visant les droits sur la quotité disponible que le défunt avait intégré dans son testament à l’encontre de ses héritiers. À ce titre, elle déboute la demande des fils de priver leur cohéritière de ses droits sur la quotité disponible. En outre, elle rejette les demandes de la fille tendant à obtenir le rapport successoral et la reconnaissance d’actes de recels. En appel, les magistrats (Paris, 26 mai 2021, n° 18/16950) ont confirmé l’exclusion de la clause pénale testamentaire et prononcent le partage judiciaire de la succession. Toutefois, sensibles à l’argumentaire de la requérante, ils ont considéré que l’acte de « donation-partage » de 1995 ne pouvait opérer un partage à lui seul puisqu’il n’avait attribué aux deux fils du donateur que des droits indivis. Les juges du fond considèrent alors qu’il convient d’analyser l’acte conjointement avec l’acte de vente intervenu entre les deux fils. Au regard des faits, la cour relève alors que si le père avait donné son consentement à l’acte de vente entre ses fils, il n’en avait pas été à l’initiative et que le...

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[PODCAST] Nouvelle loi de bioéthique - Épisode 10 - 1[SUP]re[/SUP] partie : le droit d’accès aux origines des enfants issus d’une AMP avec tiers donneur

Dans ce dixième épisode, première partie, Laurence Brunet, spécialiste en droit de la bioéthique et Bérengère Ducrocq, médecin, responsable du CECOS de Lille et membre de la CAPADD, nous éclairent sur l’accès aux origines des enfants nés grâce à une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur.

Écouter le podcast

Voir déjà les épisodes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9.

Sur la réforme de la loi bioéthique, v. aussi notre dossier «

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Répudiation prononcée à l’étranger : conditions de l’opposabilité en France

Depuis une vingtaine d’années, la Cour de cassation s’est attachée à définir le régime de la reconnaissance ou de l’opposabilité en France des jugements de dissolution du lien matrimonial rendus dans des États qui connaissent ou qui ont connu un mode de rupture laissé à la seule initiative de l’époux.

S’il n’est pas envisageable, dans cette brève note, de retracer avec précision sa jurisprudence, rappelons que par un arrêt du 17 février 2004, (n° 01-11.549, D. 2004. 824 image, concl. F. Cavarroc image ; ibid. 815, chron. P. Courbe image ; ibid. 2005. 1192, obs. P. Courbe et H. Chanteloup image ; AJ fam. 2004. 140, obs. S. David image ; Rev. crit. DIP 2004. 423, note P. Hammje image ; RTD civ. 2004. 367, obs. J.-P. Marguénaud image ; JDI 2004. 1200, note L. Gannagé ; JCP 2004. II. 2128, note H. Fulchiron), la Cour de cassation a, à propos d’une répudiation prononcée en Algérie, approuvé une cour d’appel d’avoir retenu que, même si elle résultait d’une procédure loyale et contradictoire, une décision constatant une répudiation unilatérale du mari sans donner d’effet juridique à l’opposition éventuelle de la femme et en privant l’autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d’aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial, était contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnu par l’article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n° 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, et donc à l’ordre public international réservé par l’article 1er, d, de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964, dès lors que, comme en l’espèce, les deux époux étaient domiciliés sur le territoire français.

La formulation a ensuite été affinée : au visa de cette même convention franco-algérienne, il a été retenu que le jugement algérien, fondé sur le droit pour le mari de mettre fin de façon discrétionnaire au mariage, est contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage que la France s’est engagée à garantir à toute personne relevant de sa juridiction, et donc à l’ordre public international, dès lors que les époux de nationalité algérienne sont domiciliés sur le territoire d’un État contractant, même s’ils sont séparés (Civ. 1re, 4 juill. 2018, n° 17-16.102, AJ fam. 2018. 469, obs. C. Roth image ; Dr. fam. 2018. Comm....

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 11 septembre 2023

Contrats

Mauvaise exécution d’un contrat assorti d’une condition suspensive : date d’appréciation du défaut

La règle suivant laquelle l’engagement affecté d’une condition suspensive sans terme fixe subsiste aussi longtemps que la condition n’est pas défaillie et ne peut prendre fin par la volonté unilatérale de l’une des parties ne prive pas celles-ci du bénéfice des stipulations du contrat prévoyant une faculté de résiliation unilatérale. Dans ce cas, le sort de la condition s’apprécie à la date de la résiliation. (Civ. 3e, 14 sept. 2023, n° 22-18.642, FS-B)

Clause résolutoire insérée dans un contrat de vente viagère : portée

La restitution de la chose et du prix constituant une conséquence légale de la résolution du contrat, elle constitue un moyen de pur droit, recevable devant la Cour de cassation. Ayant constaté que la clause résolutoire insérée dans un contrat de vente viagère prévoyait qu’en cas de résolution, seuls les arrérages versés demeuraient acquis au vendeur, viole les articles 1134 et 1183 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la cour d’appel qui laisse au bénéfice du vendeur le « bouquet » et les arrérages échus et impayés au jour de la résolution, sans avoir retenu qu’ils constituaient des dommages-intérêts. (Civ. 3e, 14 sept. 2023, n° 22-13.209, FS-B)

Règlement (UE) n° 1215/2012 - Compétence spéciale en matière contractuelle : notion de contrat de « fourniture de services » et résiliation d’un avant-contrat relatif à la conclusion future d’un contrat de franchise

L’article 7, point 1, sous b), du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’un avant-contrat, relatif à la conclusion future d’un contrat de franchise, prévoyant une obligation de paiement d’une pénalité contractuelle fondée sur la non-exécution de cet avant-contrat, obligation contractuelle dont la violation sert de base à une demande en justice, ne relève pas de la notion de contrat de « fourniture de services », au sens de cette disposition. Dans un tel cas, la compétence judiciaire à l’égard d’une demande à laquelle cette obligation sert de base se détermine, conformément à l’article 7, point 1, sous a), de ce règlement, au regard du lieu d’exécution de ladite obligation. (CJUE 14 sept. 2023, aff. C‑393/22)

Règlement (UE) n° 1215/2012 : compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs et notion d’« autre partie au contrat » - Règlement (CE) n° 593/2008 : choix de la loi applicable et contrat conclu avec un consommateur et portant sur des droits d’utilisation à temps partagé de logements touristiques par un système de points

L’article 18, § 1er, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que l’expression « autre partie au contrat », figurant à cette disposition, doit être comprise comme visant uniquement la personne, physique ou morale, partie au contrat en cause et non d’autres personnes, étrangères à ce contrat, même si elles sont liées à cette personne.
L’article 63, § 1er et 2, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que la détermination, conformément à cette disposition, du domicile de l’« autre partie au contrat », au sens de l’article 18, § 1er, de ce règlement, ne constitue pas une limitation du choix pouvant être exercé par le consommateur au titre de cet article 18, § 1er. À cet égard, les précisions fournies à cet article 63, § 2, concernant la notion de « siège statutaire » constituent des définitions autonomes.
L’article 3 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une clause de choix de la loi applicable figurant dans les conditions générales d’un contrat ou dans un document distinct auquel ce contrat renvoie et qui a été remis au consommateur, à condition que cette clause informe le consommateur du fait qu’il bénéficie, en tout état de cause, en vertu de l’article 6, § 2, de ce règlement, de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays où il a sa résidence habituelle.
L’article 6, § 1er, du règlement (CE) n° 593/2008 doit être interprété en ce sens que lorsqu’un contrat de consommation répond aux conditions énoncées à cette disposition et à défaut de choix valide de la loi applicable à ce contrat, cette loi doit être déterminée conformément à ladite disposition, qui peut être invoquée par les deux parties audit contrat, y compris le professionnel, et ce nonobstant la circonstance que la loi applicable au même contrat conformément aux articles 3 et 4 de ce règlement est susceptible d’être plus favorable au consommateur. (CJUE 14 sept. 2023, aff. C-821/21)

Règlement (CE) n° 593/2008 : loi applicable aux obligations contractuelles et contrats d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé

Les dispositions du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), sont applicables, dans le cadre d’un litige devant une juridiction d’un État membre, à des contrats dont les deux parties sont ressortissantes du Royaume-Uni, pour autant qu’ils comportent un élément d’extranéité.
L’article 6, § 2, du règlement (CE) n° 593/2008 doit être interprété en ce sens que :
– lorsqu’un contrat de consommation répond aux conditions énoncées à cet article 6, § 1er, les parties à ce contrat peuvent, conformément à l’article 3 de ce règlement, choisir la loi applicable audit contrat, sous réserve toutefois que ce choix n’ait pas pour résultat de priver le consommateur concerné de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base dudit article 6, § 1er, qui prévoit qu’un tel contrat est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle ;
– eu égard au caractère impératif et...

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La rétractation du consentement à l’adoption hors délai est (presque) sans effet…

L’arrêt de rejet rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 12 juillet 2023 intervient dans un contexte classique – mais en principe voué à disparaître, nous y reviendrons – de constitution d’une famille homoparentale dans un couple de femmes par le biais de l’adoption de l’enfant du conjoint. En l’espèce, un couple de femmes marié en 2017 accueillait l’année suivante un enfant ; l’arrêt ne précise pas les modalités de sa conception. La femme ayant accouché, et donc, à ce titre, mère de l’enfant en vertu de l’article 311-25 du code civil, a, le 2 janvier 2020, consenti par acte notarié à l’adoption de l’enfant par son épouse. Par requête du 16 mars 2021, cette dernière a sollicité le prononcé de l’adoption plénière de l’enfant.

On comprend à la lecture de l’arrêt que, entre-temps, les relations entre les deux femmes se sont dégradées au point qu’elles se trouvent en instance de divorce et que la mère s’oppose désormais à l’adoption. Pour être plus précis, il ressort de l’arrêt sous examen que la mère de l’enfant avait semble-t-il changé d’avis après la décision du tribunal prononçant l’adoption puisqu’elle en avait fait appel en faisant valoir qu’elle s’opposait désormais à celle-ci. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans son arrêt du 16 septembre 2021, a néanmoins confirmé le prononcé de l’adoption. La mère a alors formé un pourvoi en cassation. Elle soutenait essentiellement que le consentement à l’adoption ne devenait irrévocable qu’à la date à laquelle le jugement prononçant cette adoption passait en force de chose jugée et qu’ainsi, lorsque le parent formait appel du jugement prononçant l’adoption, la cour d’appel devait « d’office », selon les termes rapportés par l’arrêt, annuler l’adoption prononcée en première instance. Aussi, en confirmant l’adoption, la cour d’appel aurait violé les 370-3 et 359 du code civil. La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Une rétractation sans effet sur la poursuite de la procédure

Il n’y a guère à dire sur les articles invoqués à l’appui du pourvoi tant on perçoit mal comment ils auraient pu mener à la cassation de l’arrêt d’appel. Il nous semble plus opportun de revenir sur le raisonnement de la Cour de cassation. S’appuyant sur les articles 345-1, 1°, 348-1 et 348-3 du code civil dans leur version alors applicable, la Cour de cassation rappelle que l’adoption plénière de l’enfant du conjoint nécessite le consentement du représentant légal de l’enfant et que ce consentement ne peut être rétracté que pendant deux mois. L’affirmation ne surprend pas pour au moins trois raisons.

Tout d’abord, elle n’est que la reprise des termes de l’article 348-3 du code civil (qui s’appliquait à toute adoption) dans sa version de l’époque. On ajoutera simplement sur ce point que le délai de rétractation, désormais exprimé à l’article 348-5 du code civil, n’a pas été modifié par la réforme de l’adoption (issue de la loi n° 2022-219 du 21 févr. 2022 visant à réformer l’adoption puis de l’ord. n° 2022-1292 du 5 oct. 2022 prise en application de l’art. 18 de ladite loi) et qu’il s’applique toujours à l’adoption de l’enfant par « l’autre membre du couple » – selon la formule dorénavant consacrée par le code civil – en vertu d’un renvoi opéré par l’article 370 de ce code. Ensuite, cette impossible rétractation au-delà du délai prévu est cohérente avec le fait que le consentement à l’adoption « survive » au décès de celui qui l’a exprimé en vertu de l’article 353-1 du code civil (principe lui aussi applicable à l’adoption de l’enfant par l’autre membre du couple en vertu du renvoi opéré par l’art. 370 c. civ.). Surtout, deux mois plus tôt, la Cour de cassation avait approuvé une cour d’appel d’avoir retenu que le consentement à l’adoption « ne comportait aucune limite dans le temps ni ne se rattachait à une instance particulière, de telles réserves n’étant pas prévues par la loi » (Civ. 1re, 11 mai 2023, n° 21-17.737, Dalloz actualité, 5 juin 2023, obs. M. Mesnil ; D. 2023. 949 image ; AJ fam. 2023. 337, obs. F. Eudier image ; ibid. 302, obs. A. Dionisi-Peyrusse image).

Il est donc conforme aux textes et acquis en jurisprudence que, une fois écoulé le délai de deux mois, la rétractation du consentement à l’adoption de son enfant – par son conjoint uniquement à l’époque de l’arrêt, par son partenaire ou son concubin aussi depuis le 23 février 2022 – est sans effet sur la suite de la procédure d’adoption engagée (sous réserve des questions liées à l’élévation du contentieux, sur lesquelles, v. F. Berdeaux, obs. sous TJ Évry, 7 juin 2021, n° 20/06815, AJ fam. 2021. 429, obs. F. Berdeaux image). Cela ne signifie pas qu’elle ne peut avoir aucun effet sur son issue.

Une rétractation qui peut potentiellement affecter le fond

En effet, une phrase de l’arrêt sous examen nous paraît devoir être soulignée. Selon la Cour de cassation « à défaut de rétractation dans le délai légal, l’opposition du conjoint ne lie pas le juge qui doit seulement vérifier que les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant ». Affirmer que « l’opposition du conjoint ne lie pas le juge », c’est reconnaître qu’elle est un élément à prendre en compte pour prononcer – ou pas – l’adoption plénière de l’enfant. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ?

Même s’il ne figure pas dans l’arrêt, la Cour de cassation reprend ici les termes de l’article 353 du code civil (devenu art. 353-1 depuis l’ord. n° 2022-1292 du 5 oct. 2022, préc.) dans sa version applicable à l’époque et qui disposait que « l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal judiciaire qui vérifie […] si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant ». Conformément aux exigences internationales – en tête desquelles se trouve l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant – l’intérêt de l’enfant doit donc être au cœur de la décision du juge sollicité pour prononcer une adoption...

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Assignation introductive, sursis à statuer et durée de l’interruption de la prescription

Les causes d’interruption et de suspension de la prescription extinctive sont essentielles à surveiller pour les praticiens du droit (v. not., F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, 13e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2022, p. 1956, n° 1785). Toutefois, la chose n’est pas aisée quand on sait que la matière est régie par des règles parfois difficiles à mettre en musique entre elles.

L’arrêt rendu le 12 juillet 2023 par la première chambre civile de la Cour de cassation permet de clarifier un point important quand l’assignation introductive, interruptive de prescription au sens de l’article 2241 du code civil, n’est pas suivie de l’extinction de l’instance même plusieurs années plus tard et ce en raison d’un sursis à statuer.

Les faits ayant donné lieu à ce pourvoi débutent le 1er mars 2007 par un acte notarié entre un établissement bancaire et un couple qui prévoit l’octroi de deux prêts immobiliers au profit de ce dernier. Les emprunteurs deviennent rapidement insolvables. Le créancier assigne donc ses débiteurs devant le Tribunal de grande instance de Grasse les 9 et 12 décembre 2011 en paiement des sommes dues au titre des deux prêts. Par ordonnance du 16 novembre 2012, le juge de la mise en état prononce un sursis à statuer pour attendre une décision pénale à la suite d’une information judiciaire et de la constitution de partie civile des deux emprunteurs. Le 25 juin 2019, la banque inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur l’un des immeubles financés par l’un des prêts et procède à une saisie-attribution de certaines sommes que les emprunteurs percevaient et ce par procès-verbaux du 20 août 2019. Les 23 juillet et 26 septembre...

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Incompatibilité des quasi-injonctions [I]anti-suit[/I] avec le règlement Bruxelles I

En l’espèce, le 3 mai 2006, un navire a fait naufrage avec sa cargaison au large de l’Afrique du Sud. Les sociétés propriétaire et exploitante du navire ont sollicité auprès des assureurs le versement d’une indemnité au titre de la réalisation du sinistre. En raison du refus qui leur a été opposé, la société propriétaire a engagé à leur égard une action en justice au Royaume-Uni et déposé dans le même temps une demande d’arbitrage. Alors que les affaires étaient pendantes, les parties ont conclu un accord transactionnel, prévoyant le paiement de l’indemnité prévue par les contrats d’assurance. Ces accords ont été validés le 14 décembre 2007 et le 7 janvier 2008 par le juge anglais, lequel a par ailleurs ordonné la suspension de toute procédure ultérieure en lien avec l’affaire.

À la suite de ces accords, les sociétés propriétaire et exploitante ont intenté devant les juridictions grecques plusieurs actions, notamment dirigées contre le cabinet de conseil qui avait assuré, devant le juge anglais, la défense des assureurs du navire. À ce titre, ils lui reprochent d’avoir fait circuler sur le marché des assurances, lorsque les affaires étaient pendantes, de fausses rumeurs, et notamment celle selon laquelle le naufrage du navire était dû à certains défauts du navire dont ses propriétaires avaient connaissance.

De leur côté, les assureurs et le...

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Enlèvement international d’enfant : questions de compétence

Le règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale énonce diverses règles de compétence dans cette dernière matière.

Son article 8 pose une règle générale : les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

L’article 9 prévoit le maintien de la compétence des juridictions de l’État membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant.

L’article 10 porte sur la compétence en cas d’enlèvement d’enfant : « En cas de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant, les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites conservent leur compétence jusqu’au moment où l’enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État membre et que a) toute personne, institution ou autre organisme ayant le droit de garde a acquiescé au déplacement ou au non-retour ou b) l’enfant a résidé dans cet autre État membre pendant une période d’au moins un an après que la personne, l’institution ou tout autre organisme ayant le droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, que l’enfant s’est intégré dans son nouvel environnement » et que, par ailleurs, l’une des quatre autres conditions visées par l’article 10 est remplie (par exemple, dans un délai d’un an après que le titulaire d’un droit de garde a eu connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, aucune demande de retour n’a été faite auprès des autorités compétentes de l’État membre où l’enfant a été déplacé ou est...

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Acquiescement du professionnel à une demande du consommateur et dépens en matière de clauses abusives

Le 13 juillet 2023, la Cour de justice de l’Union européenne a pu rendre deux décisions intéressant les clauses abusives (v. égal., CJUE 13 juill. 2023, aff. C-265/22, Dalloz actualité, 15 sept. 2023, obs. C. Hélaine). L’arrêt que nous commentons aujourd’hui s’intéresse à une question régulièrement soumise à l’interprétation de la Cour, celle des dépens que doit supporter le consommateur. La difficulté peut être importante quand on connaît la dimension protectrice de la directive 93/13/CEE, laquelle est régulièrement rappelée pour. On peut citer à ce titre, une décision intéressante rendue il y a quelques mois quand le consommateur obtient satisfaction par voie extrajudiciaire (CJUE 22 sept. 2022, aff. C-215/21, Dalloz actualité, 30 sept. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 616, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image). Les faits de l’arrêt que nous analysons aujourd’hui prennent place en Espagne et intéressent l’article 395 de la Ley 1/200 de Enjuiciamiento Civil (abrégé LEC) sur l’acquiescement par une partie avant d’élever une contestation.

L’arrêt CAJASUR Banco SA c/ JO et MI du 13 juillet 2023 permet d’explorer les contours de l’application de cet article avec le droit des clauses abusives. Les faits sont les suivants. Deux personnes physiques concluent avec un établissement bancaire un prêt hypothécaire à une date qui nous importe peu. En 2018, les emprunteurs introduisent un recours devant le Juzgado de Primera Instancia n° 18 bis de Málaga (le tribunal de première instance n° 18 bis de Malaga en Espagne) afin de solliciter l’annulation de la clause insérée dans les conditions générales de ce contrat relative aux frais hypothécaires et au remboursement du montant acquitté au titre de la clause. Ils avancent que cette stipulation serait abusive sur le fondement de la directive 93/13/CEE. Comme c’est régulièrement le cas en Espagne, la banque reconnaît le caractère abusif de la clause après l’assignation introductive mais en amont du dépôt d’un mémoire en défense. Toutefois, cette dernière considère que le montant réclamé par les consommateurs est excessif. Elle refuse ainsi la demande en paiement des emprunteurs et souhaiterait la voir cantonnée à un certain montant. Le tribunal saisi décide d’annuler la clause concernée et condamne l’établissement bancaire à restituer seulement une partie du montant réclamé et à payer les entiers dépens de la procédure. La banque introduit un recours devant l’Audiencia Provincial de Málaga (la cour provinciale de Malaga en Espagne) mais en réservant son appel à la seule question des...

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Quelles propositions pour le Rapport annuel 2022 de la Cour de cassation ?

La Cour de cassation n’est pas avare, ces dernières années, en rédaction de rapports divers et variés sur des suggestions concernant l’amélioration de la Justice en France (v. par ex., Renouer un dialogue serein et fécond entre magistrats et avocats, Dalloz actualité, 29 juin 2022 ; ou encore le Rapport « Cour de cassation 2030 », Dalloz actualité, 15 juill. 2021, obs. C. Hélaine). Toutefois, un document est particulièrement attendu par la doctrine chaque année, à savoir le fameux Rapport annuel. Ce fascicule permet de découvrir non seulement les arrêts qui sont destinés au plus haut niveau de publication (ceux estampillés de la fameuse lettre « R ») mais également les principales statistiques de l’activité de la Cour et les propositions formulées par celle-ci afin de modifier notre droit positif. Dans son discours prononcé lors de l’audience solennelle de début d’année judiciaire le 9 janvier 2023, le premier Président de la Cour de cassation rappelait le rôle fondamental de la Cour de cassation « dans une position d’écoute, d’attention et d’ouverture constante » (page 15 du rapport). Ce document est bien le signe des efforts déployés pour parvenir à cet objectif essentiel pour la juridiction chargée d’uniformiser l’interprétation de la loi comme l’indique la page d’accueil de son site internet.

Le Rapport annuel comporte, pour le cru 2022 comme pour les années précédentes, deux grandes séries d’informations outre les arrêts les plus importants de l’année.

les premières sont des données chiffrées, sur lesquelles nous reviendrons très rapidement. Il faut, en effet, noter le grand intérêt pour la pratique de découvrir les chiffres d’activité de l’année 2022 dans le Livre IV, pages 223 et suivantes du rapport. Le lecteur y trouvera des informations intéressantes. Par exemple, devant les chambres civiles, un demandeur au pourvoi sur cinq se désiste (20,1 % des procédures sont abandonnées avant orientation : 13,6 % de désistements, 7,1 % de déchéances). Devant les mêmes chambres civiles, le taux de cassation est du tiers des pourvois enregistrés avec des taux particulièrement hauts en matière de contentieux des étrangers notamment (plus de la moitié des pourvois). On retrouve, par ailleurs, des chiffres comparables à la période précédant la crise sanitaire notamment dans l’évolution des affaires enregistrées en matière pénale (7 500 affaires en 2022 dans ce domaine) ; le second point d’intérêt majeur de chaque Rapport annuel restent les propositions formulées par la Cour de cassation en matière d’évolution de notre droit positif. Dalloz actualité revient sur les principales propositions formulées cette année en matière civile, commerciale et sociale puis en matière pénale.

En matières civile, commerciale et sociale

Suivi des propositions déjà élaborées

On retrouve en tête de proue la fameuse question de la procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire dans ce que l’on peut appeler les « dossiers à délais contraints » (p. 25 s.), à savoir en matière d’hospitalisation sans consentement ou de rétention. On note donc page 27 une proposition déjà formulée les années passées qui consisterait à ne pas recourir systématiquement au sursis à statuer dans ces domaines pour solliciter l’avis de la Cour de cassation. D’abord réservée par l’idée, la Direction des affaires civiles et du Sceau (DACS) émet désormais un avis favorable à la question en rappelant toutefois qu’une telle modification devra appeler une mise en cohérence avec les autres procédures pour avis. L’idée est éventuellement séduisante puisqu’elle fait penser à la procédure régissant les questions prioritaires de constitutionnelles quand la législation ou le règlement impose un délai contraint au juge pour statuer. À dire vrai, l’essentiel du problème réside surtout probablement dans les difficultés de mise en jeu des procédures d’avis que les magistrats rechignent parfois à utiliser. La réflexion devrait, en tout état de cause, être menée probablement à plus grande échelle que les délais contraints.

C’est, également sans surprise, le retour d’un serpent de mer, celle de la proposition d’abandon du régime dérogatoire de prescription en matière de droit des assurances en faveur de celui du droit commun et ce notamment afin de simplifier le droit positif. Si la DACS est favorable à la proposition, le Rapport note que le maintien du texte de l’article L. 114-1 du code des assurances en l’état aboutit à une situation défavorable pour l’assuré qui est souvent « un consommateur inexpérimenté » (p. 39 du rapport). On retrouve également plusieurs propositions concernant les experts et médiateurs judiciaires afin notamment de mieux élaborer les listes de médiateurs, de...

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Responsabilité du fait d’une chose : anormalité d’un sol couvert de verglas

Si le code civil de 1804 ne prévoyait expressément que deux régimes spéciaux de responsabilité du fait d’une chose (la responsabilité du fait des animaux – ancien art. 1385, devenu 1243 – et la responsabilité du fait des bâtiments en ruine – ancien art. 1386, devenu 1244), la jurisprudence a par la suite « découvert », en se fondant sur l’alinéa 1er de l’ancien article 1384, devenu 1242, un principe général de responsabilité du fait d’une chose afin d’adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux liés à l’industrialisation (Civ., 16 juin 1896, Teffaine) puis au développement de la circulation automobile (Cass., ch. réun., 13 févr. 1930, Jeand’heur). Les évolutions techniques ont en effet révélé les insuffisances des règles prévues dans le code civil, un dommage pouvant survenir sans qu’aucune faute n’ait été commise dans une situation comportant des risques. A la suite des travaux de Saleilles et de Josserand, l’idée que les personnes qui créent un risque par leur activité soient tenues d’indemniser les victimes sans avoir à prouver une faute fut ainsi consacrée.

Objectif, le principe général de responsabilité du fait d’une chose est détaché de toute idée de faute : les dommages causés par une chose engagent désormais « automatiquement » la responsabilité civile de leur gardien. Encore faut-il, toutefois, qu’un rôle actif de la chose soit établi (Civ. 19 févr. 1941, Cadé). Là était la principale difficulté dans l’affaire soumise à la deuxième chambre civile le 15 juin 2023 (n° 22-12.162, D. 2023. 1222 image).

En l’espèce, une personne glisse sur le sol enneigé et verglacé dans l’enceinte d’une société qui l’avait conviée à une réception. La cour d’appel déclare la société responsable du dommage corporel de la victime. Elle relève que le chemin, « couvert de verglas caché par la neige et très glissant », avait joué un rôle causal dans la chute de la victime. Elle retient ensuite que « la société est gardienne du sol à l’intérieur de sa propriété, et que cette chose inerte, en position normale lorsqu’elle permet le passage de piétons, ce qui est sa destination fonctionnelle, est en position anormale lorsque le passage est dangereux en raison de l’état de la chose, notamment lorsqu’il a été rendu glissant par des intempéries » (pt 5).

Dans son pourvoi en cassation, la société conteste, d’une part, sa qualité de gardienne : la neige et le verglas, à l’origine de l’accident, seraient des choses sans maître (res nullius), la société étant seulement gardienne du sol. La cour d’appel aurait ainsi violé l’ancien article 1384 du code civil. Elle souligne, d’autre part, que la responsabilité du « gardien d’une chose inerte tel que le sol recouvert de neige verglacée suppose que sa présence ait eu un caractère anormal », ce qu’il...

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Condition suspensive et faculté de résiliation unilatérale

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseillele 19 septembre 2023

Civ. 3e, 14 sept. 2023, FS-B, n° 22-18.642

Les questions intéressant le régime général de l’obligation deviennent assez rapidement complexes en raison de leur âpreté. Parmi elles, les obligations conditionnelles posent de sérieuses difficultés à la pratique quand les parties s’opposent sur la mise en jeu de celles-ci notamment dans le contexte des contrats conclus sous condition suspensive d’obtention d’un prêt (v. dans un autre domaine en droit du cautionnement personnel dernièrement, Civ. 1re, 5 janv. 2022, n° 19-17.200 F-B, Dalloz actualité, 19 janv. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 68 image ; ibid. 1724, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers image ; AJDI 2022. 290 image). L’arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation permet de croiser la thématique de la condition avec le droit du crédit immobilier.

Les faits commencent autour d’un contrat de maîtrise d’œuvre conclu le 24 octobre 2017 entre une personne physique et une société d’architectes. L’objet du contrat réside dans l’aménagement d’un domicile personnel ainsi que sur la mise en conformité d’un local professionnel aux normes d’accessibilité des personnes à mobilité réduite. Le contrat comportait une clause prévoyant une faculté de résiliation unilatérale au profit de la société. Le 12 juin 2018, celle-ci fait jouer ce droit et sollicite la fin du contrat. Son cocontractant avance toutefois que la convention conclue méconnaît les articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation et que le contrat devait être considéré comme comportant une condition suspensive, à savoir celle de l’obtention d’un prêt pour financer les travaux de mise aux normes. Or, à la date de la résiliation, la personne physique n’avait pas encore obtenu son prêt. Elle sollicite donc désormais en justice le remboursement des sommes versées à titre d’honoraires et le rejet des demandes de la société d’architectes qui...

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Droit de l’enfant à connaître ses origines contre anonymat du don de gamètes avant 2021 : la position de la Cour européenne des droits de l’homme

L’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 7 septembre 2023 fera date en raison de son importance. Il se prononce en effet sur deux requêtes mettant pareillement en cause l’impossibilité, pour des enfants conçus par Assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur, avant l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, de lever l’anonymat du donneur sans le consentement de ce dernier. Ces deux requêtes ont été soumises à la Cour de Strasbourg en 2016 et 2017.

Préalablement à la saisine de la Cour, les deux requérants, français, nés respectivement en 1980 et 1989 des suites d’une AMP avec tiers donneur, avaient entrepris, en 2010, peu après la révélation par leurs parents des circonstances de leur conception, des démarches auprès des Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS) concernés en vue d’obtenir des informations sur les donneurs de gamètes à l’origine de leur conception.

Plus précisément, l’un voulait connaître l’identité du donneur ainsi qu’accéder à d’autres informations non identifiantes, comme son âge, sa situation professionnelle, sa description physique, les motivations de son don, le nombre de personnes conçues à partir de ses gamètes ainsi que des données sur ses antécédents médicaux. Il souhaitait notamment savoir si son frère, lui-même né en 1977 par AMP, était issu du même donneur que le sien.

L’autre requérant voulait lui aussi connaître l’identité du donneur, ses antécédents médicaux et d’autres informations non identifiantes, comme ses motivations, sa situation familiale et sa description physique. Tous deux, se heurtant à un refus des CECOS, dénoncèrent une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en tant qu’il consacre le droit d’accès aux origines, et une discrimination contraire à l’article 14.

Empruntant un parcours similaire, les requérants saisirent, en vain, d’abord la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) puis les juridictions administratives ; le Conseil d’État, dans ces deux affaires et par deux décisions des 12 novembre 2015 et 23 décembre 2016 ayant confirmé le rejet de leurs recours. Examinant ces affaires sous l’angle du dispositif antérieur à la loi du 2 août 2021, le Conseil d’État avait alors considéré qu’en réservant au seul médecin l’accès à des informations médicales non identifiantes concernant le donneur en cas de nécessité thérapeutique, et en interdisant toute divulgation d’informations sur les données personnelles du donneur de gamètes, le législateur avait établi un juste équilibre entre les intérêts en présence et que, dès lors, ce dispositif n’était pas incompatible avec les stipulations des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Rien de surprenant à l’époque. Le Conseil d’État s’était déjà prononcé en ce sens dans un avis en 2013 (CE, avis, 13 juin 2013, n° 362981, Dalloz actualité, 25 juin 2013, obs. R. Grand ; Lebon image ; AJDA 2013. 1246 image ; D. 2013. 1626, obs. R. Grand image ; ibid. 2014. 1171, obs. F. Granet-Lambrechts image ; AJ fam. 2013. 405, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RFDA 2013. 1051, concl. E. Crépey image). Il a ultérieurement réitéré cette position dans une autre décision du 28 décembre 2017 en jugeant qu’il n’y avait pas dans la législation française d’atteinte disproportionnée aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme en raison des considérations d’intérêt général ayant conduit le législateur, dans les articles 16-8 du code civil et L. 1211-5 du code de la santé publique, à interdire la divulgation de toute information sur les données personnelles du donneur de gamètes, notamment la sauvegarde de l’équilibre des familles, le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation, le risque d’une baisse substantielle des dons de gamètes, ainsi que celui d’une remise en cause de l’éthique qui s’attache à toute démarche de don d’éléments ou de produits du corps (CE 28 déc. 2017, n° 396571, Dalloz actualité, 11 janv. 2018, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon image ; AJDA 2018. 5 image ; ibid. 497 image, chron. S. Roussel et C. Nicolas image ; D. 2018. 528, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 2019. 505, obs. M. Douchy-Oudot image ; AJ fam. 2018. 181, obs. J. Houssier image ; ibid. 68, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2018. 86, obs. A.-M. Leroyer image).

Mais ça, c’était avant ! Depuis ces décisions, la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique est venue mettre fin à l’absoluité de l’anonymat du don de gamètes. L’article 5 de cette loi organise désormais un système d’information à la disposition des enfants issus de dons de gamètes une fois devenus majeurs. Surtout, il permet également aux enfants nés sous l’ancien dispositif de faire une demande d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur. Ce dispositif est entré en vigueur le 1er septembre 2022.

L’examen des requêtes soumises à la CEDH devait inéluctablement s’en trouver affecté. Cela n’a d’ailleurs pas tardé puisque quelques semaines après l’entrée en vigueur du nouveau dispositif législatif, la Cour était informée par l’un des requérants d’une saisine de la nouvelle Commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (CAPADD) d’une demande d’accès à ses origines. Cependant, quelques mois après, la CAPADD lui a répondu qu’elle n’était pas en mesure de lui donner une réponse favorable dès lors qu’il ressortait des informations recueillies que le donneur était décédé, et qu’elle ne pouvait pas, en l’absence de consentement personnel et exprès de ce dernier, et en l’état actuel de la législation, lui communiquer les données identifiantes et non identifiantes, sans toutefois préciser si le décès du donneur était antérieur ou non à la date de sa saisine. Quant à l’autre requérant, il n’avait pas, semble-t-il, encore saisi la CAPADD.

C’est dans ce contexte que la CEDH a été conduite à statuer sur les deux requêtes dont elle était saisie depuis 2016 et 2017, lesquelles, étant similaires en fait et en droit, ont été jointes dans le même arrêt. Devant la Cour, les requérants, dont l’un n’avait pu accéder à ses origines en raison du décès de son géniteur et dont l’autre n’avait pas encore formulé de demande en ce sens, soutiennent que l’impossibilité d’obtenir des informations sur leur géniteur en l’absence de son consentement porte atteinte au droit au respect de leur vie privée et familiale, tel que garanti par l’article 8 de la Convention.

Ils prétendent aussi subir, du fait de leur mode de conception, une discrimination dans le droit au respect de leur vie privée par rapport aux autres enfants, en raison de l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent d’obtenir des informations non identifiantes sur le tiers donneur, et en particulier des informations médicales sur ce dernier. Ils invoquent à cet égard l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8.

De ces deux griefs, un seul, la violation alléguée de l’article 8, donne lieu dans l’arrêt rapporté à une réponse circonstanciée mais défavorable de la CEDH. Celle-ci, écartant le grief pris de la violation de l’article 8, ne se prononce donc pas sur la combinaison de ce texte avec l’article 14. Pour elle, ce second grief, « au vu des conclusions auxquelles elle est parvenue sous l’angle de l’article 8 de la Convention, ne soulève aucune question distincte essentielle » et elle en conclut « qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur ce point ».

La décision rendue n’a cependant pas fait l’unanimité au sein de la Cour : quatre voix contre trois pour conclure à l’absence de violation de l’article 8. C’est dire que l’opinion dissidente de trois juges sur sept dans cette affaire, publiée à la suite de l’arrêt, est loin d’être anecdotique et révèle l’extrême sensibilité des questions posées.

Pas de violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme

Au terme d’un long rappel de l’évolution du droit français, du droit international et du droit comparé pertinents concernant le droit d’accès aux origines et le principe d’anonymat du don de gamètes, la CEDH écarte en préalable un argument d’irrecevabilité que le gouvernement français avait tenté de faire valoir à l’encontre des deux requêtes et qui consistait à soutenir que les requérants avaient perdu la qualité de victimes du fait des modifications législatives intervenues en 2021 puisqu’ils pouvaient désormais présenter, auprès de la CAPADD, une demande personnelle d’accès à leurs origines sur le fondement de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique. L’argument est balayé par la Cour qui renvoie à sa jurisprudence constante selon laquelle une décision ou une mesure favorable...

Chefs de jugement critiqués et objet de l’appel, l’OVNI de la Cour de cassation

Une société, qui avait été placée en liquidation judiciaire, releva appel d’une ordonnance du juge-commissaire ayant admis une créance de prêt à titre privilégié. L’acte d’appel tendait à « réformer l’ordonnance rendue le 5 décembre 2018 par le juge-commissaire du Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a admis la créance de la Banque Havilland SAM à titre hypothécaire à hauteur de 2 569 093,85 € ». Pourtant, par arrêt du 10 mars 2020, la Cour d’appel de Paris annula l’ordonnance déférée et, statuant au fond en raison de l’effet dévolutif de l’appel, n’admit la créance de la banque au passif de la procédure collective qu’à titre chirographaire à hauteur de 2 000 000 € au principal, outre intérêts et frais. Demanderesse au pourvoi, la banque reprochait à la Cour d’avoir annulé le jugement alors qu’elle n’était saisie que d’un appel réformation. En formation de Section, la deuxième chambre civile répond :

« 9. En premier lieu, il résulte des articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile que la déclaration d’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est
indivisible.
10. En second lieu, il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l’appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement.
11. Il en résulte que la déclaration d’appel qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués délimite l’étendue de l’effet dévolutif de l’appel quand les conclusions, par l’énoncé dans leur dispositif, de la demande d’infirmation ou d’annulation du jugement déterminent, quant à elles, la finalité de l’appel, qui tend à l’annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d’appel.
12. Il en découle que lorsque la déclaration d’appel vise l’ensemble des chefs de dispositif du jugement, l’appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l’annulation de cette décision.
13. Ayant relevé qu’elle était saisie par voie de conclusions d’une demande d’annulation de l’ordonnance d’un juge-commissaire et que la déclaration d’appel visait l’ensemble des chefs de dispositif de l’ordonnance critiquée, c’est sans excéder ses pouvoirs que la cour d’appel a statué sur la demande d’annulation de l’ordonnance figurant dans les conclusions de l’appelant.
14. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé ».

Objet volant identifié

Il est des choses certaines. Tout au moins si l’on se réfère aux derniers arrêts de la Cour de cassation. La déclaration d’appel fonde l’effet dévolutif de l’appel, solution dégagée avant même l’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017 venu imposer d’y détailler les chefs de jugement critiqués (Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-25.799, Dalloz actualité, 19 oct. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2018. 1919 image). Avec une différence de taille : là où l’appel total d’hier offrait la garantie d’un effet dévolutif qui jouait pleinement, l’appel total d’aujourd’hui, c’est-à-dire sans indication des chefs de jugement critiqués, est donc privé d’effet dévolutif. Ainsi, sauf lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, « lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas », de sorte que la cour d’appel n’est pas saisie (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 image ; ibid. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon image ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry image ; ibid. 458, obs. N. Cayrol image ; Procédures, n° 4, avr. 2020, obs. H. Croze). Le 25 mars 2021, confrontant l’acte d’appel et les conclusions, la deuxième chambre civile insistait : sans égard aux conclusions de l’appelant, il résulte de l’article 562 du code de procédure civile, qui définit le contour de l’effet dévolutif de l’appel, qu’en l’absence d’énonciation expresse des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d’appel qui sollicite seulement la réformation, la cour d’appel n’est saisie d’aucun litige et n’a pas à confirmer la décision attaquée (Civ. 2e, 25 mars 2021, n° 20-12.037 F-P, Dalloz actualité, 26 avr. 2021, obs. R. Laffly ; Rev. prat. rec. 2021. 6, chron. O. Cousin, A.-I. Gregori, E. Jullien, F. Kieffer, A. Provansal et C. Simon image). Il ne suffit pas de mentionner l’objet de l’appel qui doit tendre à la réformation ou à l’annulation, il faut encore préciser les chefs du jugement critiqués, ce qui implique, non pas une motivation de l’appel, mais le seul visa des chefs de jugement critiqués comme vient de le rappeler la Cour de...

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La CEDH sonne le glas de l’interdiction de la procréation [I]post mortem[/I]

Des hypothèses différentes de procréation post mortem

La procréation post mortem s’entend aussi bien de l’insémination par la femme avec les spermatozoïdes de son conjoint décédé que du transfert des embryons constitués à partir des gamètes du couple dont l’homme est mort : la première requête vise précisément une demande d’exportation des spermatozoïdes tandis que la seconde porte sur les embryons du couple.

Dans la première situation (n° 22296/20), la requérante était en couple depuis de nombreuses années avec un homme, qui, atteint d’une tumeur cérébrale, procède à une conservation de ses spermatozoïdes avant le début de son traitement par chimiothérapie fin 2016. Le décès du mari, survenu le 23 mars 2019, fait obstacle à la deuxième tentative d’insémination.

Dès le 25 mai 2019, la veuve demande l’exportation des gamètes de son mari vers un établissement de santé espagnol au centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS), qui transmet tardivement sa requête à l’Agence de la biomédecine. En l’absence de réponse de l’Agence de la biomédecine, la femme saisit le juge des référés du tribunal administratif car elle ne peut procéder en Espagne à une AMP post mortem que dans les douze mois suivant le décès de son mari soit, en l’espèce, jusqu’au 23 mars 2020. Sa demande est rejetée par le juge administratif, en première instance (TA Marseille, 10 févr. 2020) et en cause d’appel (CE 28 févr. 2020, n° 438854) dans la mesure où le délai de deux mois dont dispose l’Agence de la biomédecine pour se prononcer n’est pas encore écoulé.

Dans la seconde situation (n° 37138/20), l’homme n’a pas procédé à une autoconservation de gamètes en raison d’un traitement médical pouvant altérer sa fertilité mais était déjà engagé avec sa compagne dans un parcours d’AMP alors qu’il était atteint d’une leucémie. Après la naissance de leur deuxième enfant, né en décembre 2018, à la suite d’une fécondation in vitro (FIV), les époux ont procédé à la conservation de cinq embryons en février 2018 et renouvelé la conservation de ces derniers en février 2019. Après le décès de son mari, le 21 avril 2019, la requérante demande le transfert des embryons dans un hôpital à Barcelone afin de poursuivre leur projet familial.

Elle saisit, à cette fin, la justice administrative en référé mais sa requête est rejetée en première instance, dans une ordonnance du 20 décembre 2019, puis en appel par le Conseil d’État, le 24 janvier 2020 (n° 437328, D. 2021. 657, obs. P. Hilt image ; AJ fam. 2020. 88, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2020. 355, obs. A.-M. Leroyer image) : les juges relèvent, à chaque fois que, la demande d’exportation vise à contourner la loi française car la femme, de nationalité française, n’entretient aucun lien avec l’Espagne et ne fait état d’aucune circontance particulière qui justifierait de considérer que l’interdiction porte atteinte à son droit au respect de la vie privée protégée par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales.

Une interdiction absolue de la procréation post mortem

En joignant ces deux affaires, la CEDH est ainsi amenée à se prononcer sur le caractère absolu de l’interdiction de la procréation post mortem en droit français, qui empêche non seulement de mettre en œuvre une telle pratique en France mais également de procéder à l’exportation des gamètes (insémination post mortem) et/ou des embryons (gestation post mortem) à l’étranger.

Pour mémoire, les conditions d’accès à l’AMP applicables aux requérantes étaient celles en vigueur juste avant les modifications apportées par la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique : à l’époque, « l’homme et la femme formant le couple d[evaient] être vivants » et « le décès d’un des membres du couple » faisait « obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons » (CSP, art. L. 2142-2). Une fois que les gamètes ont été préservés, leur exportation doit être autorisée par l’Agence de la biomédecine. Une telle autorisation est délivrée uniquement si « les gamètes et les tissus germinaux [sont] recueillis et destinés à être utilisés conformément aux normes de qualité et de sécurité en vigueur, ainsi qu’aux principes mentionnés aux articles L. 1244-3, L. 1244-4, L. 2141-2, L. 2141-3 et L. 2141-11 du présent code [CSP] et aux articles 16 à 16-8 du code civil ». De même, l’Agence de la biomédecine peut autoriser l’exportation d’embryons en dehors du territoire national mais « ces déplacements d’embryons sont exclusivement destinés à permettre la poursuite du projet parental de ce couple » (CSP, art. L. 2141-9).

L’interdiction de la procréation post mortem, ici implicite, résulte de la mention du projet parental du couple ; elle est toutefois à mettre en perspective avec les options offertes au membre survivant du couple en cas de décès de l’autre, à savoir permettre leur accueil par un autre couple, qu’ils fassent l’objet d’une recherche ou mettre fin à leur conservation (CSP, art. L. 2141-4).

L’interdiction de la procréation post mortem a été introduite en droit français par les premières lois de bioéthique de 1994, à la suite d’une affaire marquante dans laquelle une femme avait obtenu la restitution du sperme de son mari décédé (aff. Parpalaix). Sa remise en cause a, depuis cette date, été discutée à plusieurs reprises.

Les éternuements du droit français

À chacune des révisions de la loi de bioéthique, il a été discuté de l’opportunité de lever l’interdiction de la procréation post mortem. Il s’agissait plus spécifiquement de permettre le transfert d’embryons post mortem lorsque ces derniers ont été conçus alors que le géniteur était encore vivant : cette possibilité avait été introduite lors de la discussion parlementaire des lois de 2004 et de 2011, sans pour autant être finalement adoptée. En parallèle, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est prononcé, dans quatre avis différents, en faveur du transfert d’embryons post mortem (Avis CCNE n° 40 du 17 déc. 1993 ; n° 60 du 25 juin 1998 ; n° 67 du 18 janv. 2001 ; n° 113 du 10 févr. 2011).

Mais c’est surtout à l’occasion d’un contentieux que le Conseil d’État a, compte tenu des circonstances très particulières de...

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Faut-il appliquer la fixation unilatérale du prix de l’article 1165 aux missions de l’expert-comptable ?

Les applications de certaines dispositions phares de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de la loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018, sont toujours scrutées avec une certaine attention par la doctrine en droit des obligations (v. sur l’art. 1171 nouv. par ex., Com. 26 janv. 2022, n° 20-16.782 F-B, Dalloz actualité, 1er févr. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 539 image, note S. Tisseyre image ; ibid. 725, obs. N. Ferrier image ; ibid. 1419, chron. S. Barbot, C. Bellino, C. de Cabarrus et S. Kass-Danno image ; ibid. 2255, obs. Centre de droit économique et du développement Yves Serra (EA n° 4216) image ; ibid. 2023. 254, obs. R. Boffa et M. Mekki image ; RTD civ. 2022. 124, obs. H. Barbier image). Si la réforme a déjà plus de sept années au compteur depuis l’ordonnance, les affaires régies par le droit nouveau peinent parfois encore à atteindre de hauts niveaux de publication à hauteur de cassation. C’est donc logiquement que nous nous intéressons aujourd’hui à un arrêt rendu le 20 septembre 2023 par la chambre commerciale de la Cour de cassation et promis aux honneurs tant du Bulletin que des sélectives Lettres de chambre. Cette décision vient, en effet, utiliser le nouvel article 1165 du code civil et sa fixation unilatérale du prix pour les contrats de prestation de service. Elle résonne, comme nous allons le voir, comme un rendez-vous manqué pour dissiper les différents doutes à ce sujet.

Les faits à l’origine du pourvoi sont les suivants. Par acte du 8 juillet 2021, une société d’experts-comptables assigne un de ses clients aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 756 € pour trois factures de frais de domiciliation et à lui régler la somme de 2 910 € pour trois factures d’interventions comptables. La société sollicite également plus de 645 € pour les frais de recouvrement engagés. Le Tribunal de commerce de Versailles, par jugement du 19 novembre 2021, ne fait droit que très partiellement à la demande de la société en ne condamnant le client qu’à diverses sommes parmi celles sollicitées. La société d’experts-comptables décide de se pourvoir en cassation, taux du ressort oblige. Elle estime que dans le contexte des honoraires de sa profession, le tribunal a violé les dispositions légales régissant la fixation unilatérale du prix de l’article 1165 du code civil nouveau issu de la loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018.

Dans son arrêt du 20 septembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation rend une solution équilibrée qui appelle plusieurs observations.

Le principe : l’article 1165 du code civil n’est pas applicable aux prestations de...

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Restrictions au droit de propriété et publication au fichier immobilier

La publication d’un document au service de la publicité foncière est une étape aux conséquences importantes, qu’il ne faut jamais négliger. L’arrêt vient ici nous le rappeler.

Dans le cadre d’une opération immobilière, la société civile de construction vente (la SCCV) a obtenu l’autorisation de construire dix maisons sur un terrain dont elle était propriétaire, qu’elle a divisé et vendu par lots en l’état futur d’achèvement, notamment aux consorts T. et à M. K.

Se plaignant d’une violation, par la SCCV et M. K, de règles contractuelles du groupement d’habitations, M. et Mme T. les ont assignés aux fins de démolition de la maison de M. K. et paiement de dommages-intérêts.

La Cour d’appel de Riom, saisie en appel, a rejeté leur demande en démolition des ouvrages appartenant à M. K. ainsi que leurs demandes indemnitaires.

Insatisfait de la décision de la cour d’appel, les consorts T. se sont pourvus devant la Cour de cassation pour faire valoir leur intérêt. Ils estimaient que les documents afférents à un groupe d’habitations (Règlement de l’ensemble résidentiel et Plan de composition) sont opposables à tout propriétaire d’un lot au sein du groupe, dès lors qu’ils ont donné lieu aux formalités de la publicité foncière.

Ce n’est pas le raisonnement que la cour d’appel avait retenu. Selon elle, les...

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La mission confiée au technicien désigné par le juge-commissaire et le principe du contradictoire

En vertu de l’article L. 621-9 du code de commerce, le juge-commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence et lorsque la désignation d’un technicien est nécessaire, il peut y procéder en vue d’une mission qu’il détermine, sans préjudice de la faculté pour le tribunal prévue à l’article L. 621-4 du même code de désigner un ou plusieurs experts.

Le juge-commissaire a donc le monopole de la désignation d’un technicien. Et le législateur prend le soin d’opérer une distinction sémantique et conceptuelle en qualifiant d’expert ou de technicien des tiers désignés selon qu’ils le seront par le juge-commissaire ou le tribunal. Le régime procédural de désignation diffère et, par conséquent, sa mise en œuvre, dont la finalité est propre, également. L’expert du code de procédure civile dont la désignation est une mesure d’instruction prévue au titre de l’administration judiciaire de la preuve, tant que le techicien du Livre VI du code de commerce est une mesure d’investigation diligentée qu’à « titre de simple renseignement » (Com. 23 avr. 2013, n° 12-13.256).

Malheureusement, la confusion des concepts employés souvent comme synonyme, alimente encore et toujours l’ambigüité. Mais la mission du technicien en procédures collectives est dominée par un impératif de célérité et d’efficacité qui conduit à un allègement du formalisme procédural.

En l’espèce, par jugements des 25 octobre 2016 et 8 novembre 2016, les sociétés A et B ont été placées en redressements puis convertis en liquidations judiciaires respectivement les 23 décembre 2016 et 18 septembre 2017. À la requête des liquidateurs, M. O. a été désigné par le juge-commissaire de la...

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La signature électronique des actes de divorce par consentement mutuel passera désormais impérativement par l’outil e-DCM

1. Depuis la loi du 23 mars 2019, la convention de divorce par consentement mutuel contresignée par avocat et celle de séparation de corps, également marquée du contreseing, peuvent être formalisées sur un support électronique (dérogation prévue par l’art. 1175 c. civ.). S’agissant plus spécialement du divorce, seul le support de l’acte est concerné dans la mesure où, légalement, la conclusion de la convention ne peut pas se tenir à distance. Cette prohibition de la distance contractuelle est doublement assumée : tant par l’article 1175 du code civil visant la « présence » des avocats et des parties, que par l’article 1145 du code de procédure civile qui précise que la convention est « signée ensemble, par les époux et leurs avocats, réunis à cet effet ensemble ».

Dans ce dernier texte, la redondance du mot « ensemble » entérine certainement le souhait du législateur de faire de la condition de réunion physique des parties une exigence de fond. Du reste, le CNB a rappelé cette contrainte à la fois spatiale et temporelle (v. RIN, art. 7.2).

Il n’en demeure pas moins que la possibilité, du moins théorique, de recourir au medium électronique pour signer les divorces par consentement mutuel est possible depuis 2019. En pratique, l’implantation du e-DCM a été plus tardive puisqu’elle a été réellement assumée en juin 2022 (par un avenant du 15 juin 2022 à la charte commune signée entre le CSN et le CNB sur le divorce par consentement mutuel du 23 déc. 2020).

En effet, depuis le 21 juin 2022, une nouvelle fonctionnalité a été intégrée au sein de la plateforme e-Act afin d’assurer l’effectivité de la signature électronique du divorce par consentement mutuel. Outre la formation des avocats à l’outil l’électronique et la création d’un guide pour le e-DCM, on remarque que, depuis cette date, le Conseil national des barreaux affine progressivement les outils techniques permettant la réalisation électronique de l’acte.

En ce...

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Règlement Bruxelles I [I]bis[/I] : notion de contrat de fourniture de services

L’article 7 du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale prévoit qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

« 1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ; b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ; pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ».

Les notions de contrat, de contrat de vente de marchandises et de contrat de fourniture de services sont des notions autonomes du droit de l’Union, qu’il faut interpréter à la lumière de la genèse, des objectifs et du système du règlement (CJCE 23 avr. 2009, aff. C-533/07, § 20, Falco Privatstiftung c/ Weller-Lindhorst, D. 2009. 1489 image ; ibid. 2384, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2010. 1585, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke image ; RJDA 12/09, n° 1141 ; RDC 2009. 1558, obs. E. Treppoz).

Elles sont à l’origine de difficultés de qualification, à propos desquelles la jurisprudence est régulièrement appelée à intervenir, notamment en ce qui concerne la fourniture de...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 18 septembre 2023

Article


le 27 septembre 2023

Associations

Décision portant sur la délivrance des cartes de membre d’une association communale de chasse agrée et compétence juridictionnelle

Si l’appréciation de la légalité des décisions prises par les associations communales de chasse agréées, qui sont des personnes morales de droit privé, peut relever de la compétence des juridictions de l’ordre administratif, lorsqu’elles traduisent l’exercice de prérogatives de puissance publique, en revanche, celles ayant trait aux décisions portant sur la délivrance des cartes de membre, relatives aux rapports de droit privé entre l’association et ses membres, relèvent de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire. En cas de fusion de communes, il résulte des dispositions de l’article L. 422-21 du code de l’environnement que l’adhésion à l’association intercommunale de chasse agréée ayant son siège sur le territoire de la nouvelle commune ne peut être refusée au titulaire d’un permis de chasser y ayant également son domicile, peu important que ce dernier soit situé en dehors du périmètre de chasse de l’association. (Civ. 3e, 21 sept. 2023, n° 22-16.945, FS-B)

Contrats

Non-applicabilité de fixation unilatérale du prix de l’article 1165 aux missions de l’expert-comptable ?

Selon l’article 1165 du code civil, dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. Selon l’article 151, alinéa 1er, du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable, l’expert-comptable passe avec son client un contrat écrit définissant sa mission et précisant les droits et obligations de chacune des parties. Il en résulte que les dispositions de l’article 1165 du code civil ne sont,...

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Action directe contre l’assureur : compétence et loi applicable

La fabrication d’un fermenteur a été confiée par une société française à une deuxième société française, qui a fait appel à un sous-traitant et qui a commandé des tubes auprès d’une société de droit allemand, ayant un assureur allemand.

Le fermenteur présentant des défauts constatés au cours de l’année 2008, les deux sociétés françaises, le sous-traitant et leurs assureurs ont transigé et certains d’entre eux ont cédé aux autres leurs créances sur la société allemande et son assureur.

Les cessionnaires ont alors saisi un juge français, dont la compétence a été discutée sur le fondement du règlement Bruxelles I Bruxelles I (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Dans ce cadre assez banal, la Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi en cassation à l’encontre de la décision d’appel qui avait, d’une part, retenu la compétence du juge français et, d’autre part, jugé irrecevable l’action directe engagée par l’un des assureurs cessionnaires des créances.

Son arrêt du 12 juillet 2023, rédigé avec un souci pédagogique évident, retiendra l’attention des internationalistes et des spécialistes du droit des assurances car il énonce des principes ayant une portée générale, relatifs à l’action directe. Ils seront présentés ici sans respecter l’ordre des moyens de cassation car les circonstances procédurales importent peu en définitive.

Avant de procéder à leur présentation, il est utile de rappeler que le règlement Bruxelles I comporte une section consacrée à la compétence en matière d’assurances et énonce notamment les règles suivantes :
- Article 8 : « En matière d’assurances, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5 ».
- Article 9 : « 1. L’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait : a) devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile, ou b) dans un autre État membre, en cas d’actions intentées par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant le tribunal du lieu où le demandeur a son domicile, ou c) s’il s’agit d’un coassureur, devant le tribunal d’un État membre saisi de l’action formée contre l’apériteur de la coassurance. 2. Lorsque l’assureur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de...

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Revirement : absence d’imputabilité de la rente invalidité sur le déficit fonctionnel permanent

La solution était attendue. Annoncé par une doctrine autorisée, le revirement opéré par la deuxième chambre civile le 6 juillet 2023 aligne le traitement de la pension d’invalidité dans le cadre du recours des tiers payeurs sur celui de la rente accident du travail et maladie professionnelle (ATMP).

En l’espèce, la victime d’un accident de la circulation signe une transaction avec l’assureur du responsable, aux termes de laquelle son droit à indemnisation est fixé à hauteur de 75 % de son préjudice en raison de sa faute contributive (absence de ceinture de sécurité et imprégnation alcoolique). Elle assigne ensuite l’assureur en indemnisation de ses préjudices. Quatre problèmes, d’inégale importance, se sont alors posés.

Rappel des modalités d’exercice du droit de préférence de la victime en cas de partage de responsabilité

En premier lieu, la cour d’appel limite à 45 € l’indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles. Après avoir énoncé qu’une somme de 60 € était restée à la charge de la victime concernant l’achat d’un fauteuil roulant, les juges du fond appliquent le pourcentage d’indemnisation de 75 % sur cette somme, pour en conclure que seuls 45 € devaient être versés à la victime. Dans son pourvoi, cette dernière soutient que son préjudice subsistant, égal à son reste à charge (60 €), aurait dû être intégralement réparé puisqu’il était inférieur à l’indemnité laissée à la charge du tiers responsable (107 841,13 €), le tiers payeurs ne pouvant exercer son recours, dans un second temps, que sur le reliquat (107 781,13 €).

La cour d’appel aurait ainsi violé l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006. Visant ledit article, la deuxième chambre civile casse la décision des juges du fond sur ce point. Après avoir rappelé que, d’après ce texte, la victime peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé, elle affirme que la cour d’appel l’a violé « en appliquant la limitation du droit à indemnisation de la victime sur le solde resté à sa charge après déduction des prestations versées par la caisse » (pt 9).

Le droit de préférence de la victime est l’une des deux avancées majeures de la réforme du recours des tiers payeurs par la loi du 21 décembre 2006 (avec le recours poste par poste). Renversant la solution antérieurement retenue par loi Badinter (Civ. 2e, 7 oct. 1992, n° 91-19.705 ; 23 juin 1993, n° 91-19.703), elle permet de conformer le recours des tiers payeurs aux principes généraux applicables en matière de subrogation. L’article 1346-3 du code civil (reprenant l’ancien art. 1252) dispose en effet que « la subrogation ne peut nuire au créancier ». La victime, n’ayant été indemnisée qu’en partie par les tiers payeurs, doit pouvoir agir prioritairement contre le responsable afin d’obtenir le complément de son indemnisation.

Comme le rappelle encore la deuxième chambre civile en l’espèce, « dans le cas d’une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l’indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ». La solution est constante depuis 2009 (Civ. 2e, 24 sept. 2009, n° 08-14.515, D. 2009. 2431 image ; ibid. 2010. 532, chron. J.-M. Sommer, L. Leroy-Gissinger, H. Adida-Canac et S. Grignon Dumoulin image ; RTD civ. 2010. 122, obs. P. Jourdain image).

Précisons qu’il n’y a atteinte à la réparation intégrale que si la victime reçoit une somme supérieure à l’intégralité de la créance de réparation. Autrement dit, le principe de réparation intégrale n’empêche pas la victime de recevoir une somme supérieure à la part que lui laisse le partage de responsabilité. Une telle solution est justifiée par le fait que « l’indemnisation de la victime a ici, en quelque sorte une double source : les règles de la responsabilité civile, mais aussi la législation sociale. Or, au regard de cette dernière, la faute de la victime n’a pas de rôle à jouer puisque son droit à prestation est le même » (Y. Lambert-Faivre et S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, 9e éd., Dalloz, 2022, n° 364, p. 369).

Les derniers projets de réforme de la responsabilité civile envisagent de modifier une telle règle : la faute de la victime pourrait réduire son droit à indemnisation, mais seulement « sur la part de son préjudice qui n’a pas été réparée par les prestations du tiers payeur » (Projet de réforme de la responsabilité civile, mars 2017, art. 1276 ; Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile, enregistrée à la Présidence du Sénat le 29 juillet 2020, art. 1278).

L’indemnisation du préjudice au titre de l’assistance de l’époux pour son activité professionnelle

En deuxième lieu, la cour d’appel limite à 6 528,25 € l’indemnisation au titre des pertes de gains professionnels actuels (PGPA) en déboutant la victime de sa demande en paiement de 7 789,50 € au titre des besoins d’assistance complémentaire nécessaires pour maintenir le...

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L’efficacité du droit de l’environnement toujours en débat

Introduction du préjudice écologique, déjà reconnu par la jurisprudence, dans le code civil, loi sur le devoir de vigilance des sociétés donneuses d’ordre, introduction de nouveaux délits, dont l’écocide, extension de la Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale… Avec le développement du droit de l’environnement, de nouveaux contentieux arrivent désormais devant les tribunaux français.

Devant les tribunaux judiciaires et administratifs

Dans l’Affaire du siècle, le Tribunal administratif de Paris a jugé que l’État français doit réparer le préjudice causé par le non-respect des objectifs de réduction de 40 % des gaz à effet de serre d’ici 2030. Dans l’affaire Grande Synthe, le Conseil d’État a jugé que l’État a failli à certaines de ses obligations liées aux risques climatiques et prononcé une astreinte pour que la décision soit exécutée.

Quant au juge judiciaire, à l’origine de la décision historique rendue par la Cour de cassation dans l’affaire Erika, il connaît aujourd’hui de plusieurs actions engagées contre des acteurs économiques sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance.

Le Tribunal judiciaire de Paris a ainsi rendu trois décisions en 2023 : le 28 février, en référé,...

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Assistance par tierce personne : rappel de la nécessaire prise en compte de l’ensemble des actes de la vie quotidienne

L’assistance par tierce personne (ATP) suscite un contentieux foisonnant. Il est vrai que les enjeux économiques, mais aussi humains, sont d’importance. Les payeurs ont tendance à tenter de limiter l’étendue de ce préjudice aux seuls besoins vitaux de la victime. Le principe de réparation intégrale s’y oppose, comme le rappelle de nouveau clairement la deuxième chambre civile le 6 juillet 2023.

En l’espèce, la victime d’un accident de la circulation assigne l’assureur du responsable en indemnisation de ses préjudices. La cour d’appel limite à 4 014 € la somme due au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne, refusant toute indemnisation après le 23 novembre 2016 au motif que la victime peut, depuis lors, « assumer sans aide les actes ordinaires de la vie quotidienne ». Pour débouter la victime de sa demande d’indemnisation au titre de l’ATP après consolidation médico-légale fixée au 18 janvier 2017, elle souligne par ailleurs que cette dernière n’est pas dans l’impossibilité de réaliser les tâches ménagères légères.

Dans son pourvoi, la victime soutient que l’ATP « ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne » (pt 4). Retenant cette argumentation,...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 25 septembre 2023

Famille

Suspension des procédures d’adoption internationale concernant les enfants résidant au Mali

L’arrêté de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères suspend toutes les procédures d’adoption internationale concernant des enfants ayant leur résidence habituelle au Mali par toute personne résidant habituellement en France. Par dérogation à l’article 1er, cette mesure de suspension ne s’applique pas aux procédures ayant donné lieu, à la date de la publication du présent arrêté, à un apparentement par le ministère de la Promotion de la Femme et de l’Enfant, Autorité centrale malienne pour la mise en œuvre de la Convention de La Haye du 29 mai 1993. (Arr. du 25 sept. 2023 portant suspension des procédures d’adoption internationale concernant les enfants résidant au Mali)

Trois propositions pour pérenniser le logement de la famille adoptées par la troisième commission du Congrès des notaires

Le 119e congrès des notaires s’est achevé vendredi dernier. Côté famille, les trois propositions présentées par Agnès MAURIN, notaire à Gignac, Emmanuelle Courchelle, notaire à Saint-André-Lez-Lille, et Vincent Morati, notaire à Annecy, ont été adoptées :
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Absence de prescription de l’action contre le producteur en cas de pathologie évolutive

L’action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux est soumise à un double délai. Conformément à la directive du 25 juillet 1985 (Dir. 85/374/CEE du Conseil), l’article 1245-16 du code civil (anc. art. 1386-17) prévoit un délai de prescription de trois ans « à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir, connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur ». Ce délai est particulièrement court par rapport à ceux retenus en droit commun. L’action en responsabilité se prescrit en effet, en principe, par cinq ans « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (C. civ., art. 2224), voire même, en cas de dommage corporel, par dix ans à compter de la consolidation du dommage (C. civ., art. 2226). Ce délai de prescription triennal doit, en outre, être articulé avec le délai de forclusion de dix ans prévu par l’article 1245-15 du code civil (anc. art. 1386-16) : plus aucune action n’est possible contre le producteur dix ans après la mise en circulation du produit, sauf à réussir à démontrer l’existence d’une faute.

Cherchant à renforcer la protection des victimes, la première chambre civile précise, dans un arrêt du 5 juillet 2023 que le point de départ du délai triennal doit s’entendre comme la date de la consolidation en cas de dommage corporel et en déduit, qu’en présence d’une pathologie évolutive rendant impossible la fixation de la consolidation, le délai ne peut pas commencer à courir.

En l’espèce, une patiente vaccinée contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite le 20 mars 2003 éprouve ensuite différents troubles, imputés par elle à une myofasciite à macrophages consécutive à la vaccination. Elle assigne alors le producteur du vaccin en responsabilité et indemnisation le 17 juin 2020. Ce dernier lui oppose la prescription de l’action.

La cour d’appel constate l’irrecevabilité de l’action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux. Elle retient que la victime « a subi, en 2013, de multiples examens et bilans de ses différentes pathologies, dont la plupart étaient apparues entre 2004 et 2007 et qu’au plus tard le 15 octobre 2013, jour du dernier examen médical, elle avait donc une connaissance précise de son dommage » (pt 7). Plus de trois ans...

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Résolution d’une vente à charge de rente viagère : les prévisions des parties ne peuvent être méconnues

Les rédacteurs du code civil voyaient dans l’article 1978 de ce code, qui exclut la résolution pour inexécution de l’obligation de paiement de la rente viagère, une protection du crédirentier (v. le discours du tribun Duveyrier, in P.-A Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du code civil, t. XIV, 1827, spéc. p. 564). Depuis plusieurs années, cet article 1978 n’est pas analysé de la même manière. Bien au contraire, la clause résolutoire est devenue « de style » dans les contrats de vente à charge de rente viagère (sur la licéité de la clause, v. not., Civ. 1re, 10 oct. 1995, n° 94-10.649).

Découlent de sa mise en œuvre un anéantissement rétroactif du contrat (comp., C. civ., art. 1229 issu de l’ord. du 10 févr. 2016), des restitutions mais aussi, parfois un « préjudice de résolution » (v. T. Genicon, La résolution du contrat pour inexécution, LGDJ, 2007, n°s 1029 s.).

Le plus souvent, les parties ont adjoint à la clause résolutoire, une clause pénale.

Dans cette hypothèse, les juges ne peuvent occulter les prévisions des parties. C’est ce que vient rappeler la Haute juridiction dans l’arrêt sous étude.

Dans cette affaire, une vente en viager libre est conclue en 1992. La rente n’étant pas payée régulièrement, les parties ont convenu, vingt ans plus tard, qu’en cas de vente du bien par les débirentiers, les crédirentiers renonceraient à la rente en contrepartie d’une somme déterminée. Trois ans plus tard, le bien n’étant pas vendu et la rente ayant cessé d’être réglée, les vendeurs assignent l’acquéreur en résolution de la vente, en expulsion et en paiement des arrérages impayés.

La cour d’appel prononce la résolution de la vente, ordonne la restitution de l’immeuble au vendeur et condamne l’acquéreur au paiement d’une somme correspondant aux arrérages non versés ainsi qu’à une indemnité d’occupation pour la période courant de l’acquisition de la clause résolutoire à la remise des clés.

L’acquéreur se pourvoit en cassation. Il reproche aux juges du fond d’une part de ne pas avoir ordonné la restitution du bouquet et, d’autre part, de l’avoir condamné à verser les arrérages échus et impayés alors que la...

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Jugement : de l’importance de sa qualification…

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 janvier 2023 vient rappeler l’importance de la qualification, ici à propos d’un jugement. De la qualification dépend le régime de ce jugement. L’arrêt lui-même n’est pourtant pas tout à fait limpide, évoquant le tribunal de commerce et le Tribunal de grande instance de Montpellier comme auteur du jugement mal qualifié : il semble que ce soit plutôt la juridiction civile et non consulaire qui ait statué…

Un entrepreneur est convoqué – pas à personne – à une audience, le 25 novembre 2016, à laquelle il ne se présente pas. Le 2 décembre 2016, le tribunal prononce d’office la liquidation judiciaire du défaillant et désigne un liquidateur (le tribunal a sans doute fait application de l’article L. 631-15 du code de commerce qui lui permet de prononcer à tout moment de la période d’observation, soit la cessation partielle de l’activité, soit la liquidation judiciaire lorsque le redressement est manifestement impossible ; cette faculté pour le juge d’exercer certains pouvoirs d’office dans le cadre de l’instance dont il est saisi ne méconnaît pas le principe d’impartialité dès lors qu’elle est justifiée par un motif d’intérêt général et exercée dans le respect du principe du contradictoire, Cons. const. 6 juin 2014, n° 2014-399 QPC, Dalloz actualité, 12 juin 2014, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2014. 527, obs. L. C. Henry image).

Le jugement n’est pas signifié dans les six mois de sa date, mais le débiteur s’aperçoit nécessairement de sa mise à exécution. Dès lors, il saisit un juge de l’exécution (JEX) à fin de voir déclarer la décision non avenue en application de l’article 478 du code de procédure civile, faute de lui avoir été signifiée dans les six mois de sa date. Le JEX rejette la demande du débiteur, qui forme appel devant la Cour d’appel de Montpellier : celle-ci confirme la décision considérant « que le jugement querellé est dit contradictoire, et que la sanction prévue par l’article 478 n’a pas vocation à s’appliquer ».

Le débiteur se pourvoit : la deuxième branche de son moyen reproche à la cour d’appel une violation des articles 473 et 478 du code de procédure civile.

Au visa de ces deux textes, la Cour de cassation casse l’arrêt et rappelle les principes en la matière.
« 4. Selon le premier de ces textes, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne. Le jugement...

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Pénalités de retard de l’article L. 441-10 et pouvoirs du juge de l’exécution

La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a pour principale mission de « donner des avis ou de formuler des recommandations sur les questions, les documents commerciaux ou publicitaires et les pratiques concernant les relations commerciales entre producteurs, fournisseurs, revendeurs, qui lui sont soumis » selon les quelques lignes de présentation de son site internet. Composée de parlementaires, de magistrats, de personnes qualifiées comme de plusieurs enseignants-chercheurs, de représentants d’entités administratives, de grossistes et de distributeurs ainsi que de fournisseurs, la Commission est particulièrement marquée par son pluralisme. Sa saisine se veut simple puisqu’elle peut être réalisée soit par lettre simple, voire par courriel, adressé au président de la Commission. Bien évidemment, quand un procès est déjà diligenté, seule la juridiction saisie est compétente « pour apprécier l’opportunité de demander, elle-même, un avis à la CEPC » selon la doctrine de recevabilité de la CEPC. Diverses personnalités peuvent être à l’origine de la saisine, à savoir le ministre chargé de l’économie, celui chargé d’un secteur économique précis, toute personne morale, une entreprise s’estimant lésée par une pratique commerciale ou par le président de l’Autorité de la concurrence (v. Fiches d’orientation, v°Commission d’examen des pratiques commerciales, Dalloz, juin 2023). La CEPC ne délivre, par ailleurs, des avis, que sur les questions de principe. Elle développe également une mission différente, celle d’adopter des recommandations pour introduire de nouvelles bonnes pratiques commerciales.

Dalloz actualité s’intéresse aujourd’hui à l’avis n° 23-8 rendu le 15 septembre 2023 qui concerne l’article L. 441-10 du code de commerce. La CEPC a été saisie par lettre du 2 décembre 2022 par un cabinet d’avocats afin de rendre un avis sur les pénalités de retard prévues par ce texte en droit commercial.

L’identification du problème

L’article L. 441-10 du code de commerce prévoit les pénalités de retard et une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. Nous avons croisé dans ces colonnes plusieurs itérations de renvois préjudiciels rendus par la Cour de justice de l’Union européenne sur la directive 2011/7 laquelle est intrinsèquement liée à ces interrogations (CJUE 1er déc. 2022, aff. C-370/21 et C-419/21, Dalloz actualité, 15 déc. 2022, obs. C. Hélaine ; 20 oct. 2022, aff. C-585/20, Dalloz actualité,...

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Règlement Rome I : précisions sur la loi applicable aux contrats de consommation

Deux consommateurs britanniques, qui résident au Royaume-Uni, ont conclu avec une société anglaise un contrat qui leur permettait de se voir attribuer des points grâce auxquels ils pouvaient occuper, pendant une durée déterminée, un logement situé dans différents pays d’Europe, en particulier en Espagne, et qu’ils devaient choisir dans un catalogue de logements.

Un litige est apparu entre les parties, quant aux conditions d’application du règlement Rome I (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

Dans le cadre d’une procédure judiciaire menée en Espagne, la Cour de justice a été saisie de différentes questions, qu’il est possible de présenter en les regroupant.

Champ d’application du règlement Rome I

En premier lieu, il a été demandé à la Cour de justice si les dispositions du règlement Rome I sont applicables à des contrats dont les deux parties sont des ressortissants du même État, en l’occurrence le Royaume-Uni.

La question est quelque peu surprenante tant la réponse qui doit lui être apportée semble évidente.

L’article 1, § 1er, du règlement dispose en effet que ce texte « s’applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale ».

Comme l’indique l’arrêt (pt 51), les dispositions de ce règlement sont donc applicables à toute relation contractuelle comportant un élément d’extranéité, sans que l’article 1 ne contienne de précision ou d’exigence quant à un éventuel lien de cet élément...

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La construction prétorienne d’un régime procédural de l’indivisibilité en première instance

Dans quel délai la partie qui saisit la juridiction de droit commun à la suite d’une décision du juge commissaire se déclarant incompétent ou dénué de pouvoir juridictionnel doit-elle mettre en cause les autres parties ? Telle était l’intéressante question posée à la Cour de cassation dans l’arrêt sous commentaire. La haute juridiction répond en substance que dès lors que la juridiction a été saisie dans le délai d’un mois visé à l’article R. 624-5 du code de commerce, la mise en cause des parties omises peut s’opérer après l’expiration de ce délai et ce, jusqu’à ce que le juge statue.

Il est utile de revenir sur la qualification de la situation d’indivisibilité procédurale qui fonde la solution adoptée ; celle-ci explique tant la nécessité d’appeler l’ensemble des parties à la contestation de créances devant la juridiction de droit commun que la faculté de le faire à l’expiration du délai de forclusion pour saisir la juridiction.

Qualification d’une indivisibilité procédurale

Il est constant que le contentieux de la vérification des créances se caractérise par une indivisibilité procédurale entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur (Com. 29 sept. 2015, n° 14-13.257 P, Dalloz actualité, 14 oct. 2015, obs. X. Delpech ; D. 2015. 2007 image ; 13 déc. 2017, n° 16-17.975 F-P+B, Dalloz actualité, 16 janv. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2018. 5 image ; 8 avr. 2021, n° 19-23.395). Cette indivisibilité persiste lorsque le juge commissaire se déclare incompétent ou dénué de pouvoir juridictionnel devant la juridiction de droit commun qui doit être saisie dans le délai d’un mois (C. com., art. R. 624-5) dans la mesure où « l’instance introduite devant la juridiction compétente par l’une des parties à la procédure de vérification des créances sur l’invitation du juge-commissaire s’inscrit dans cette même procédure » (Com. 5 sept. 2018, n° 17-15.978 P+B, Dalloz actualité, 19 sept. 2018, obs. X. Delpech ; D. 2018. 1751 image ; ibid. 2019. 1903, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli image).

La notion d’indivisibilité n’en demeure pas moins complexe, au point que Gérard Cornu et Jean Foyer ont souligné son « obscurité légendaire » (G. Cornu et J. Foyer, Procédure civile, PUF, coll. « Thémis », 1996, p. 380). Doctrine et jurisprudence permettent d’esquisser une définition. L’indivisibilité est une situation qui apparaît « lorsque la situation juridique qui est l’objet du procès intéresse plusieurs personnes, de telle manière que l’on ne peut la juger sans que la procédure et le jugement retentissent sur tous les intéressés » (S. Guinchard et T. Debard [dir.], Lexique des termes juridiques, 31e éd., 2023, Dalloz, p. 570). Cela renvoie à la « nécessité impérative d’une solution identique à un litige pour tous les protagonistes » (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, 36e éd., 2022, Dalloz, coll. « Précis », p. 1024, n° 1357), le critère technique étant « l’impossibilité d’exécuter séparément les dispositions du jugement concernant chacune des parties » (Civ. 2e, 7 avr. 2016, n° 15-10.126, Dalloz actualité, 3 mai 2016, obs. M. Kebir).

À la lecture de ces éléments, l’on comprend pourquoi la vérification du passif se traduit par une indivisibilité. C’est que, comme l’expose Benjamin Ferrari, il est « impossible de statuer différemment sur une créance à l’encontre du mandataire, du...

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Réitération de l’appel, la chute de l’histoire se profile

Un appelant d’un jugement du conseil de prud’hommes avait formé un premier appel sans mention des chefs de jugement critiqués, erreur rectifiée, le même jour, par un nouvel appel. Rien d’exceptionnel jusque-là puisque si le premier appel avait été effectué dans le délai imparti, le second, qui corrigeait le tir, l’était de facto.

Mais la Cour d’appel d’Aix-en-Provence estima qu’elle n’était pas saisie du fait de l’absence d’effet dévolutif et qu’il n’y avait pas lieu à statuer. Le moyen du pourvoi reprenait un attendu, déjà connu, de la deuxième chambre civile, en faisant grief à la cour d’appel d’avoir ainsi jugé alors « que la déclaration d’appel, nulle, erronée ou incomplète, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai pour conclure ; que la seconde déclaration d’appel s’incorpore à la première, de sorte que la cour d’appel, valablement saisie par la première déclaration d’appel, est saisie de la critique des chefs du jugement mentionnés dans la seconde ».

La Cour de cassation, sans considération pour le moyen, casse l’arrêt et renvoie en livrant la solution suivante :

« 4. Selon l’article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d’appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. En application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.
5. En application de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l’acte d’appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.
6. Il en résulte que les mentions prévues par l’article 901, 4°, du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d’appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul.
7. Pour constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel principal, l’arrêt relève que la déclaration d’appel ne précise pas les chefs de jugement critiqués mais procède par renvoi implicite à une annexe en indiquant uniquement que "l’appel est limité aux chefs du jugement expressément critiqués" sans plus de développement ni indication sur ceux-ci ni viser une quelconque annexe et transmettant, par le réseau virtuel privé avocat, le même jour un document intitulé "déclaration d’appel devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence" indiquant que l’objet de l’appel est la réformation de la décision en ce qu’elle a débouté Mme [C] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux entiers dépens.
8. L’arrêt ajoute que l’appelante ne démontre pas avoir été dans l’impossibilité de faire figurer ces mentions dans la déclaration elle-même, laquelle pouvait contenir l’intégralité des chefs de jugement critiqués.
9. En statuant ainsi, alors qu’à la suite d’une première déclaration d’appel qui ne mentionnait pas les chefs de dispositif critiqués, une nouvelle déclaration d’appel a été adressée au greffe le même jour, dans le délai d’appel, par le réseau virtuel privé avocat, comportant les mentions énumérées à l’article 901 du code de procédure civile, dont l’indication des chefs de dispositif expressément critiqués, et se suffisant ainsi à elle-même, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien

Tant que la sanction n’est pas tombée, l’appelant se nourrit d’espoirs. Durant la chute, défilent devant ses yeux les arrêts publiés qui fixent les contours de la déclaration d’appel et les modes de régularisation en cas d’erreur commise. Sans être certain de la réception tant la jurisprudence peut être délicate à appréhender. On connaît pourtant l’histoire, l’important n’est pas la chute mais l’atterrissage. Cet arrêt du 14 septembre 2023 a le grand mérite d’affirmer haut et fort le caractère autonome de l’acte d’appel comme le droit à l’erreur de l’appelant. Et sans doute celui de dégager le futur d’une question essentielle, celle du délai imparti à l’appelant pour régulariser cette erreur.

Il est en tous cas étonnant de voir, encore, comment certaines cours d’appel, à la suite d’une première déclaration d’appel que l’on qualifiera, génériquement, d’irrégulière, entendent priver l’appelant de la possibilité de rectifier son erreur au moyen d’un nouvel acte d’appel, sans même s’interroger sur l’expiration du délai d’appel. Comme si, dans une culture du « one shot », le premier jet devait être parfait, comme si l’avocat de l’appelant ne saurait bénéficier d’un droit à l’erreur au moment de passer sa déclaration d’appel par le Réseau privé virtuel avocats (RPVA).

Alors posons les choses d’emblée : oui, bien sûr, cette erreur peut être corrigée et un appel peut être réitéré. Tout n’est que question de délai.

Si la problématique de la réitération de l’acte d’appel dépasse celle de l’hypothèse d’une absence de mention des chefs de jugements critiqués, il faut bien reconnaître que c’est celle-ci, précisément, qui occupe les esprits. Car si l’erreur affectant un acte d’appel est quasiment infinie (de l’erreur orthographique, à celle sur la forme sociale, du défaut de capacité ou de pouvoir d’une partie à celle relative à une mention du jugement, de celle concernant l’identification de l’intimé à l’absence de l’intimé lui-même…), la jurisprudence dégagée au fil du temps en pareils cas ne surprend plus. On sait la sanction comme la façon de faire face. Mais avec l’avènement des chefs de jugement critiqués, la réécriture de l’article 901 du code de procédure civile et l’arrêt de principe de la Cour de cassation (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 image ; ibid. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon image ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry image ; ibid. 458, obs. N. Cayrol image ; Procédures, n° 4, avr. 2020, obs. H. Croze), l’erreur sur les chefs de jugement critiqués est devenue fatale : sauf lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas et la cour d’appel n’est donc pas saisie.

La Cour d’Aix-en-Provence, qui s’était placée sur le terrain de l’absence d’effet dévolutif, avait ici observé que la déclaration d’appel « ne précise pas les chefs de jugement critiqués mais procède par renvoi implicite à une annexe en indiquant uniquement que "l’appel est limité aux chefs du jugement expressément critiqués, sans plus de développement ni indication sur ceux-ci ni viser une quelconque annexe ». Car si le RPVA mentionne effectivement que l’appel est limité aux chefs du jugement expressément critiqués, encore faut-il les ajouter ensuite ! Pas besoin de grande analyse, la cour pouvait constater l’absence des chefs de jugement critiqués et dire qu’elle n’était pas saisie par ce premier acte d’appel. Mais son erreur, tout aussi évidente, était de faire fi de la seconde...

Responsabilité du gestionnaire de patrimoine : point de départ du délai de prescription

« Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir » affirmait Pierre Dac. Ce ne sont certainement pas les gestionnaires de patrimoine qui le contrediront : en une période économique compliquée, en particulier pour les investissements immobiliers, leur risque d’être exposé au mécontentement de leurs clients apparaît particulièrement fort.

Au cas présent, diverses sociétés de conseil en gestion de patrimoine avaient fait investir leurs clients dans une résidence de tourisme. Au moment de revendre ces actifs et en constatant que la valeur de commercialisation n’atteignait pas celle annoncée, les propriétaires ont saisi le Tribunal judiciaire de Bordeaux pour voir désigner un expert sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, afin d’examiner les projections de rentabilité fournies lors de l’achat et la gestion de l’immeuble depuis.

Une telle demande se comprenait bien : fort heureusement pour les gestionnaires de patrimoine, leur responsabilité n’est pas engagée du seul fait que leurs projections ne se sont pas réalisées. Pour le dire autrement, ils ne sont pas soumis à une obligation de résultat. Ils sont, en revanche, à la fois soumis à une obligation d’information et de conseil et à une obligation de moyens, appréciée en fonction des données disponibles à l’époque à laquelle l’opération a été décidée (P. le Tourneau [dir.], Droit de la responsabilité et des contrats. Régimes d’indemnisation, 13e éd.,...

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La CPVE, de la procédure civile avant tout : nouveau rappel en matière de procédure d’appel sans représentation obligatoire

L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 5 octobre 2023 est sans surprise. Comme un précédent arrêt du 8 juin 2023 (Civ. 2e, 8 juin 2023, n° 21-19.997 FS-B, Dalloz actualité, 28 juin 2023, obs. C. Bléry ; D. 2023. 1179 image) la publication de l’arrêt est peut-être due à la volonté de la Cour de cassation de rappeler que « La communication par voie électronique, [c’est] de la procédure civile avant tout ! » (C. Bléry et J.-P. Teboul, JCP 2012. 1189). Il atteste que le domaine d’application de la CPVE facultative n’est pas encore évident, même pour la déclaration d’appel qui a pourtant toujours pu être dématérialisée en procédure orale.

Procédure d’appel sans représentation obligatoire

Le 17 août 2020 le juge des enfants du Tribunal judiciaire de Saint-Pierre rend un jugement en matière d’assistance éducative.

Le 4 novembre 2020, l’avocat des parents interjette appel de ce jugement par voie électronique.

Le 10 février 2021, la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, déclare l’appel irrecevable. Selon elle, l’appel ne pouvait être formé que « par déclaration au greffe de la cour d’appel ou par courrier recommandé adressé au même greffe », sans « aucune exception à ce principe » ; elle ajoute que « la procédure devant la chambre des mineurs, statuant en matière d’assistance éducative, est orale, la voie du RPVA, strictement réservée aux procédures écrites, ne saurait être admise pour se substituer à la déclaration au greffe ou au courrier recommandé avec accusé de réception ».

Les parents forment un pourvoi en cassation pour violation des articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile, ensemble les dispositions de l’article 2 de l’arrêté du 20 mai 2020 : « dans les procédures sans représentation obligatoire en matière civile, et notamment en matière d’assistance éducative, la déclaration d’appel peut être valablement adressée au greffe de la cour d’appel par la voie électronique par le biais du réseau privé virtuel des avocats (RPVA) ».

Le 5 octobre 2023, la deuxième chambre civile casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 748-1 du code de procédure civile et l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel et renvoie les parties devant la Cour d’appel de Basse-Terre. La Haute juridiction rappelle que « en matière d’appel contre un jugement d’assistance éducative, régi par la procédure sans représentation obligatoire conformément à l’article 1192 du code de procédure civile, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique par le biais du « réseau privé virtuel des avocats » (RPVA) dans les conditions techniques fixées par l’arrêté susvisé » et en déduit que la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Article 748-1 du code de procédure civile

L’article 748-1 du code de procédure civile, énoncé in extenso par...

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Dans la mort, il faut attendre

C’est comme toujours une histoire tragique qui offre au Conseil d’État, dans une décision du 19 septembre 2023, la possibilité de clarifier les règles applicables à la conservation du corps des enfants nés sans vie.

Le 7 août 2013, une femme de vingt ans accouche d’un enfant mort-né. La parturiente quitte l’hôpital le lendemain en signant, avec son conjoint, un document autorisant l’établissement à « effectuer en leur lieu et place les formalités d’inhumation de l’enfant ». Fort de ce formulaire, l’hôpital fait procéder à la crémation de la dépouille cinq jours plus tard. Cinq ans après, la femme engage la responsabilité de l’établissement arguant d’un préjudice moral lié au fait de ne pas avoir pu elle-même procéder aux funérailles ni y assister.

Après un rejet de sa demande en première instance comme en appel, la requérante saisit le Conseil d’État qui trouve dans cette affaire l’occasion de préciser le contour des obligations des établissements hospitaliers confrontés à une telle situation.

Conditions complexes du traitement funéraire des enfants nés sans vie

Le destin des corps des fœtus morts avant la naissance obéit, en droit français, à une réglementation complexe. De façon originale, le devenir de ces corps n’est pas lié à l’établissement effectif d’un acte mais à la possibilité que cet acte soit établi. En l’occurrence, l’article R. 1112-75 du code de la santé publique conditionne la remise du corps à des fins funéraires au fait que soient remplies les conditions de l’établissement d’un acte d’enfant né sans vie, quand bien même cet acte, qui est optionnel pour les « parents », n’aurait pas été demandé (C. civ., art. 79-1).

C’est donc « en creux » que l’on comprend que la possibilité d’un traitement funéraire des corps n’est possible que si la gestation a dépassé un certain stade – celui au-delà duquel l’établissement de l’acte d’enfant sans vie est autorisé (sur l’application de ces textes, v. P. Charrier, G. Clavandier, M. Girer et G. Rousset [dir.], Administrer une question incertaine : le cas des enfants sans vie, Rapport final du projet PÉRISENS, Mission de recherche Droit et Justice, 2019).

Au regard du modèle de certificat médical nécessaire à son établissement, un acte d’enfant sans vie peut être dressé si la fin de la grossesse est due à un « accouchement spontané » et, à l’inverse, ne peut l’être en cas de fausse couche précoce. La...

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Un rappel toujours utile de la libre révocation du mandat

Les arrêts publiés au Bulletin portant sur le mandat ne sont pas légion. Ainsi, tout arrêt qui en explore les contours intéresse la pratique utilisant très fortement ce « contrat aux mille visages » (F. Collart Dutilleul et P. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, 11e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2019, p. 553, n° 621). Parmi les difficultés issues des textes du code civil régissant la question, on connaît la règle tout à fait particulière dérogeant au droit commun de l’article 2004 du code civil selon lequel « Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble et contraindre, s’il y a lieu, le mandataire à lui remettre soit l’écrit sous seing privé qui la contient, soit l’original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l’expédition, s’il en a été gardé minute ». Les juges du fond ont parfois tendance à s’écarter des conséquences d’une telle disposition en revenant au droit commun de la résiliation des contrats à durée indéterminée. L’arrêt rendu le 4 octobre 2023 par la chambre commerciale permet de s’en rendre parfaitement compte à travers une cassation pour violation de la loi aussi sévère que justifiée.

À l’origine du pourvoi, on retrouve une association qui confie à une société la communication et la publicité de la célèbre foire nationale à la brocante et aux jambons de Chatou qui a lieu deux fois par an. Le contrat initial a été conclu en 1979. Mais voici que le 21 novembre 2013, l’association notifie la rupture du mandat à la société de communication. Cette dernière assigne devant le tribunal compétent son mandant en réparation de son préjudice. En cours d’instance, la société mandataire est placée en redressement judiciaire. L’association a donc appelé en garantie le gérant de la société après le plan de continuation de son ancien partenaire économique, plan arrêté le 26 octobre 2016. En cause d’appel, les juges du fond déclarent brutale la rupture de la relation contractuelle en retenant que la résiliation unilatérale d’un contrat à durée indéterminée ne peut intervenir que si le délai de préavis retenu est raisonnable. Or, le courrier du 21 novembre 2013 ne précise pas de motifs et ne prévoit pas de préavis selon la Cour d’appel de Paris dans son arrêt rendu le 28 janvier...

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Le droit pénal face à l’adoption « fa’a’amu »

L’adoption « fa’a’amu » fait référence à l’adoption traditionnelle en Polynésie, laquelle est décrite comme « une conception de l’adoption sans abandon : une famille donne la vie, et confie à une autre le soin d’élever l’enfant » (Rép. civ., v° Adoption, par F. Eudier n°s 246 et 247 ; N. Gagné, Le fa’a’amu, défi judiciaire. Les juges face au « confiage » d’enfants en Polynésie française, in Délibérée, vol. 18, La Découverte, 2023, p. 55 s. ; v. égal., S.-F. Ribot-Astier et M.-N. Charles, Le placement en vue de l’adoption des enfants de Polynésie française est-il conforme au droit français ?, JCP 1997. I. 4073 ; P. Gourdon, Quelques réflexions sur l’amélioration du processus d’adoption des enfants polynésiens, Dr. fam. 2004. Étude 18). Si l’adoption « fa’a’amu » soulève des questions principalement en matière civile, elle n’échappe pas au droit répressif, ainsi qu’en témoigne l’arrêt rendu par la chambre criminelle le 27 septembre 2023.

En l’espèce, deux hommes résidant en Polynésie française avaient pris contact avec la cellule d’adoption de la Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité (DSFE) et déposé une demande d’agrément qu’ils ont confirmée avant de l’annuler quelques mois plus tard. Par la suite, ce couple a fait l’objet d’un signalement, auprès de la DSFE, par le centre hospitalier de la Polynésie française pour avoir distribué, à la maternité de cet établissement, des cartes de visite sur lesquelles il était mentionné qu’ils cherchaient à adopter un « enfant fa’a’amu » suivi de leurs coordonnées. Grâce à l’intervention d’un intermédiaire, les deux hommes sont entrés en contact avec une femme, alors enceinte, et son époux. Il a été convenu qu’à sa naissance, l’enfant serait remis aux deux individus afin de réduire les difficultés d’une procédure d’adoption et que l’un d’eux reconnaîtrait l’enfant comme le sien, ce qu’il fit, par une reconnaissance anticipée de paternité.

L’homme ayant reconnu l’enfant a accompagné la future mère à la clinique où elle a donné naissance à une fille qui est sortie de l’établissement avec le couple, la mère ayant regagné son domicile la veille. La DSFE a adressé un signalement au procureur de la République après la visite d’un travailleur social au domicile de la mère biologique. Celle-ci lui a, en effet, déclaré qu’elle a « donné son bébé » à l’homme qui a reconnu l’enfant comme étant le sien auprès des services de l’état civil.

Le procureur de la République a ordonné l’ouverture d’une enquête et l’enfant a fait l’objet d’un placement provisoire sur une décision du juge des enfants.

Deux procédures étaient engagées par le procureur de la République, l’une devant les juridictions civiles (Tr. civ. Papeete, 13 sept. 2021, n° 21/00399 ; Papeete, 28 juin 2022, n° 21/00370) et l’autre devant les juridictions pénales. En effet, les parents biologiques ainsi que le couple ayant emmené l’enfant ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel. Les juges du premier degré ont relaxé les prévenus. Le procureur général a relevé appel de cette décision. En cause d’appel, la cour a confirmé le jugement de première instance, relaxant les prévenus des chefs de provocation à l’abandon d’enfant, faux document administratif et obtention indue de document administratif.

Le procureur général près la Cour d’appel de Papeete s’est pourvu en cassation.

Le rejet de la provocation à l’abandon d’enfant

L’arrêt d’appel a énoncé que les parents biologiques avaient pris...

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Calcul de l’indemnité par la CIVI et réparation intégrale

S’il est bien admis que l’indemnité calculée par une Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) est soumise aux principes commun de la responsabilité civile (Civ. 2e, 5 févr. 2004, n° 02-14.181, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions c/ Appol, D. 2004. 471 image), notamment le principe de réparation intégrale, la mise en œuvre de cette règle peut soulever des difficultés.

En l’espèce, un homme avait été victime d’une agression par arme à feu. L’auteur des faits a, par la suite, été reconnu coupable de façon définitive. Les faits en cause entrant dans le périmètre défini par l’article 706-3 du code de procédure pénale, la victime de l’infraction avait saisi une CIVI pour obtenir que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) indemnise son préjudice découlant de l’infraction ainsi que celui de ses enfants.

Le principe de l’indemnisation par le FGTI ne soulevait pas de difficulté. Ses conditions en revanche étaient source de désaccord.

Par arrêt du 8 novembre 2021, la Cour d’appel de Cayenne avait accordé au demandeur une rente trimestrielle mais, et le désaccord résidait sur ce point, avait subordonné son versement à la production annuelle d’une attestation de la collectivité territoriale de Guyane et de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Guyane indiquant que la victime de l’infraction n’avait perçu aucune somme au titre de la prestation de compensation du handicap ou, dans le cas contraire, le montant ainsi perçu au cours de l’année écoulée.

L’arrêt est censuré sur ce point, la Cour de cassation affirmant l’impossibilité de subordonner le versement d’une...

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Lois Justice : les éléments du compromis entre députés et sénateurs

Conclusions des États généraux de la justice, les débats sur les projets de loi d’orientation de la justice et le texte organique sur le statut des magistrats s’étaient assez paisiblement déroulés. Sénat comme Assemblée avaient globalement suivi les orientations gouvernementales, permettant d’envisager, sur les deux textes (projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, projet de loi organique relatif à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire), un compromis en Commission mixte paritaire (CMP). Comme nous l’a indiqué la co-rapporteure du Sénat, Dominique Vérien, « l’exercice était facilité par le fait que la version adoptée par l’Assemblée avait repris en bonne partie le texte du Sénat ».

D’autant que l’article 1er du projet de loi prévoit une programmation budgétaire intéressante. La trajectoire adoptée par l’Assemblée a été retenue, mais les sénateurs ont obtenu raison sur un point : cette programmation prévoira la création de 1 800 postes de greffiers, quand le gouvernement ne voulait initialement s’engager que sur 1500.

Pénal

L’activation à distance des objets électroniques est le point qui a fait l’objet des plus vifs débats. Le Sénat souhaitait qu’elle ne soit possible que pour les délits passibles de dix ans de prison. La CMP est revenue à cinq, comme le souhaitait l’Assemblée. Les appareils électroniques utilisés par les...

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Comment prendre en compte les usages professionnels dans un contrat ?

L’article 1194 nouveau du code civil, selon lequel « les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi », ne donne pas lieu à une jurisprudence pléthorique ces derniers mois. Comme l’écrivent certains auteurs, « le code civil invite-t-il l’interprète à combler les lacunes du contrat en prenant appui sur les suites que lui attache l’équité, l’usage ou la loi » quand la convention est silencieuse sur une question au cœur d’un litige entre les parties (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, 13e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2022,  p. 715, n° 613) ?

Parmi le triptyque de l’article 1194, l’usage fait figure de cas particulier tant sa force obligatoire peut parfois paraître délicate à cerner dans bien des situations (v. par ex., P. Malinvaud et N. Balat, Introduction à l’étude du droit, 22e éd., LexisNexis, coll. « Manuel », 2022, p. 187, n° 196).

L’arrêt rendu le 4 octobre 2023 par la chambre commerciale de la Cour de cassation permet de parfaitement s’en rendre compte en matière d’usages professionnels.

Les faits ayant donné lieu au pourvoi sont les suivants. En novembre 2017, une société accepte un devis établi par une société spécialisée dans la confection d’armatures pour un montant de 80 456 €, somme payée le 8 décembre 2017. Le devis portait sur la fabrication spécifique et la pose d’armatures en acier en vue de la construction d’une plate-forme logistique. Le 8 janvier 2018, un nouveau devis est émis pour le même chantier avec des quantités et des prix différents sans pour autant être accepté. La société ayant accepté le premier devis résilie le contrat en avançant que les conditions de celui-ci avaient...

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« Simplification » de la procédure d’appel en matière civile - Épisode 2 : la procédure à bref délai

Il faut toujours se méfier d’un texte dit de simplification. Le titre cache souvent la forêt. Ce décret n’échappe pas à la règle et si le procédé n’était pas paru ironique, le terme de simplification eut mérité a minima de figurer entre guillemets. C’est un décret mieux rédigé que les précédents, mais toutes les sanctions demeurent en dépit des effets d’annonces. De nouvelles charges pèsent sur les avocats et des sanctions inédites pourraient d’ailleurs bien surgir à leur tour. On le sait, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

Points clés :

Le décret est applicable aux instances d’appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter du 1er septembre 2024. Il opère un partage entre procédure à bref délai et procédure avec mise en état. Il détache les compétences du juge de la mise en état et du conseiller de la mise en état en supprimant les renvois aux dispositions applicables devant le tribunal judiciaire pour consacrer les pouvoirs du conseiller de la mise en état et opère diverses coordinations dans le code des procédures civiles d’exécution, dans le code de commerce et dans de le code de la consommation. Il augmente à deux mois les délais pour conclure dans la procédure à bref délai et permet l’augmentation par le magistrat compétent de l’ensemble des délais pour conclure dans les procédures avec mise en état et à bref délai. Il définit les pouvoirs du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président dans la procédure à bref délai et clarifie ceux du conseiller de la mise en état, qui ne connaîtra plus généralement des fins de non-recevoir. Il crée une invitation systématique des parties à conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état en appel et aménage l’interruption des délais Magendie en cas d’injonction de rencontrer un médiateur. Il redéfinit le périmètre de l’effet dévolutif de l’appel en permettant sa modulation au moyen des premières conclusions déposées dans les délais Magendie. Il supprime l’exception liée à l’indivisibilité du litige s’agissant de l’indication des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d’appel. Il impose le visa de l’objet de l’appel dans la déclaration d’appel. Il impose de formuler une prétention à la réformation ou à l’annulation au dispositif des conclusions d’appel et de préciser, lorsque la réformation est requise, les chefs de jugement critiqués dans ce même dispositif. Il maintient les sanctions procédurales et impose de nouvelles charges aux avocats. Il modifie la numérotation d’une partie importante des articles propres à la procédure d’appel (v. la table de correspondances jointe).

La procédure à bref délai

S’agissant de la procédure à bref délai, la première innovation du décret « Appel » réside précisément dans la modification de l’article 902 du code de procédure civile, sur laquelle on ne revient pas (supra).

Venons-en à la procédure à bref délai à proprement parler.

L’article 904-1 devient l’article 905. Au fond, aucune modification substantielle n’intervient, hormis le fait que l’avis adressé aux avocats quant à l’orientation de l’affaire contiendra à présent une invitation à conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état et reproduira l’article 915-3, pris en ses premier et troisième alinéas (aux termes desquels les délais Magendie sont interrompus lorsqu’il est justifié de la conclusion d’une telle convention entre tous les avocats constitués).

L’article 905 devient l’article 906. Trois modifications sont à signaler, d’importance inégale.

Tout d’abord, le premier alinéa de l’article 906 précise désormais que, outre les cas précisés aux 1° à 6°, l’appel est à bref délai « lorsqu’une disposition spéciale le prévoit ». La précision est plutôt inutile au fond ; elle a pour seul mérite d’attirer l’attention des praticiens sur l’existence de cas d’appel à bref délai hors des prévisions de l’article 906 du code de procédure civile (v. not., C. pr. exéc., art. R. 121-20 et R. 311-7 ; C. com., art. R. 153-9, R. 661-6 et R. 823-5 ; C. consom., art. R. 623-4 ; v. l’art. 11 du décr. « Appel » qui procède au toilettage de ces dispositions).

Ensuite, un nouveau cas de bref délai de droit est créé et figure au 7° de l’article 906 : l’appel est à bref délai lorsqu’il est relatif à une ordonnance de protection.

Enfin, le dernier alinéa de l’article 905 est purement et simplement supprimé, qui opérait renvoi à certaines dispositions applicables devant le tribunal judiciaire. Cette suppression est dans la logique d’une autonomisation des textes relatifs à la procédure d’appel, en général, et relatifs à la mise en état, en particulier.

L’article 905-1 devient l’article 906-1. Plusieurs modifications d’importance sont à signaler ici.

Tout d’abord, le délai pour signifier la déclaration d’appel passe à vingt jours, au lieu de dix (C. pr. civ., art. 906, al. 1er). Cette augmentation est salutaire.

Ensuite, le libellé du premier alinéa de l’article 905-1 a été subtilement modifié.

À première vue, est purement formelle la modification, consistant à passer la dernière incise du premier alinéa de l’actuel article 905-1 dans un alinéa distinct, aux termes duquel « Si l’intimé constitue avocat avant la signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat. ». En réalité, il s’est agi de consacrer la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., avis, 12 juill. 2018, n° 18-70.008, Dalloz actualité, 12 sept. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2018. 1558 image ; ibid. 2048, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle image ; ibid. 2019. 555, obs. N. Fricero image ; AJ fam. 2018. 570, obs. M. Jean image ; Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-16.336, Dalloz actualité, 11 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 1472 image) rejointe par le Conseil d’État (CE 13 nov. 2019, nos 412255, 412286,...

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Péremption : contribution à la notion de diligence interruptive

Depuis quelques mois la péremption est « à l’honneur » à la Cour de cassation (v. Dalloz actualité, 18 déc. 2023, obs. M. Barba, à propos de Civ. 2e, 23 nov. 2023, n° 21-21.872 FS-B, D. 2023. 2090 image). L’arrêt n° 21-23.816, rendu le 21 décembre 2023 par la deuxième chambre civile, fait partie des arrêts qui statuent sur cet incident d’instance aux lourdes conséquences. Rappelons, en effet que la péremption constitue une cause d’extinction de l’instance engagée et que, selon l’article 386 du code de procédure civile, « l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant 2 ans ». Il est donc primordial de savoir comment calculer ce délai, comment l’interrompre, par quel acte utile… De fait, les litiges portent souvent sur ces questions.

Récemment, la deuxième chambre à dû statuer sur :

le point de départ du délai de péremption après interruption de l’instance (v. Civ. 2e, 21 déc. 2023, n° 17-13.454 FS-B et n° 21-20.034 FS-B, Dalloz actualité, 23 janv. 2024, obs. C. Bléry ; D. 2024. 14 image) ; la notion de diligence interruptive de la péremption : l’arrêt du 23 novembre précité jugeait que « si, en principe, l’interruption de la péremption ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompant la péremption de l’autre instance »… mais, il n’y avait pas « interdépendance d’instances » (M. Barba). L’arrêt n° 21-23.816 du 21 décembre 2023 qui sera commenté ici répond, lui, à la question de savoir si, quand une affaire a été retirée du rôle, les conclusions tendant à sa réinscription constituent des diligences interruptives…

La deuxième chambre aura à nouveau, bientôt, l’occasion de revenir sur la péremption, des amicii curiae ayant été entendus le 19 décembre 2023 sur une autre question dont la réponse « fâche » depuis 2016 (v. Civ. 2e, 16 déc. 2016, n° 15-26.083 FS-P+B+I, Dalloz actualité, 10 janv. 2017, obs. F. Mélin ; D. 2017. 141 image, note C. Bléry image ; ibid. 422, obs. N. Fricero image ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero image ; et n° 15-27.917, FS-P+B+, Dalloz actualité, 5 janv. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 141 image, note C. Bléry image ; ibid. 422, obs. N. Fricero image ; ibid. 605, chron. E. de Leiris, N. Palle, G. Hénon, N. Touati et O. Becuwe image ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero image ; v. aussi Civ. 2e, 1er févr. 2018, n° 16-17.618, Dalloz actualité, 23 févr. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2019. 555, obs. N. Fricero image ; AJ fam. 2018. 262, obs. M. Jean image) : la Cour de cassation estime en effet que les parties doivent effectuer des diligences interruptives lorsque l’affaire n’est pas encore fixée, alors même qu’elles ont accompli les charges procédurales qui leur incombaient. Avec Maxime Barba (Dalloz actualité, 18 déc. 2023, préc.), il est permis d’espérer « une reconfiguration de cette jurisprudence inique ».

L’affaire n° 21-23.816

Dans l’affaire n° 21-23.816, c’est au stade de l’appel que la péremption est invoquée par un intimé, à l’encontre des appelants et d’intervenants volontaires.

Le 31 mai 2018, l’affaire, enrôlée sous le n° 16/2505, est retirée du rôle.

Le 30 janvier 2020, les appelants et les intervenants déposent au greffe d’une part, des conclusions aux fins de réinscription de l’affaire au rôle, d’autre part, des conclusions au fond. L’affaire est rétablie sous le n° 20/00662.

Le 28 janvier 2021, saisi par un des intimés, un conseiller de la mise en état rend une ordonnance constatant la péremption de l’instance.

Les appelants et les intervenants défèrent alors cette ordonnance à la cour d’appel.

La cour d’appel constate à son tour la péremption par arrêt du 10 août 2021. Elle juge que « la diligence au sens de l’article 386 du code de procédure civile, susceptible d’interrompre le délai de péremption, est...

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Encadrement de la pratique des IVG instrumentales par les sages-femmes

Retrouvez toute l’actualité du droit de la santé, dans le Dictionnaire Permanent Santé, bioéthique, biotechnologies, Éditions Législatives.

 

Le décret du 16 décembre 2023 relatif à la pratique des interruptions volontaires de grossesse instrumentales par des sages-femmes en établissement de santé est pris pour l’application de l’article 2 de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement. Cette dernière loi s’inscrit dans une évolution législative destinée à faciliter l’accès à l’IVG et l’une de ses mesures les plus emblématiques a consisté en l’allongement du délai légal de douze à quatorze semaines de grossesse. Mais d’autres mesures importantes ont également été prises dans la continuité de certaines réformes précédentes, notamment l’extension de la compétence des sages-femmes aux IVG instrumentales encadrée par le présent décret.

Tandis que l’IVG est en effet restée pendant très longtemps un acte médical qui ne pouvait être pratiqué que par un médecin, les difficultés d’accès à l’IVG et notamment le manque croissant de médecins acceptant de...

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Décision médicale de fin de vie : des conditions strictes sont à respecter

Ce genre d’affaire n’est pas nouveau. Les recours tendent même à se multiplier, ce qui ne surprendra personne tant est grave la décision médicale de mettre fin à la vie d’une personne, en particulier lorsque celle-ci est hors d’état d’exprimer sa volonté.

Sans doute une telle décision ne peut-elle être prise par un médecin que sous couvert d’une procédure collégiale et, pour la fonder, d’une obstination déraisonnable à poursuivre les soins et traitements de maintien en vie. Elle interroge néanmoins sous l’angle du respect des droits fondamentaux de la personne concernée. Ce type de décision est également et souvent fort mal vécue par la famille ou les proches de celui dont la mort en sera la conséquence, surtout lorsque la décision sera perçue comme ayant été prise un peu trop rapidement, sans que toutes les investigations médicales nécessaires et souhaitables aient été réalisées.

L’affaire rapportée illustre à nouveau le scénario. Cependant, l’ordonnance du Conseil d’État du 10 janvier 2024 montre une fois de plus, outre l’importance du recours en référé en la matière, le souci de la Haute juridiction administrative de s’assurer, au cas par cas, du respect des conditions légales et réglementaires d’une décision médicale de fin de vie. On ne peut que saluer cette prudence, surtout à l’heure où le législateur se trouve sur le point d’être sollicité en vue de légaliser une aide active à mourir, dans le domaine médical, sous la forme d’une assistance au suicide ou d’une euthanasie. Le recours au juge est déjà et il le sera encore plus demain le dernier rempart contre d’éventuelles dérives, pour peu bien sûr qu’il prenne la pleine mesure de sa mission.

En l’espèce, un homme âgé de trente-cinq ans, souffrant...

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« Simplification » de la procédure d’appel en matière civile - Épisode 1 : la déclaration d’appel

Il faut toujours se méfier d’un texte dit de simplification. Le titre cache souvent la forêt. Ce décret n’échappe pas à la règle et si le procédé n’était pas paru ironique, le terme de simplification eut mérité a minima de figurer entre guillemets. C’est un décret mieux rédigé que les précédents, mais toutes les sanctions demeurent en dépit des effets d’annonces. De nouvelles charges pèsent sur les avocats et des sanctions inédites pourraient d’ailleurs bien surgir à leur tour. On le sait, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

Points clés :

Le décret est applicable aux instances d’appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter du 1er septembre 2024. Il opère un partage entre procédure à bref délai et procédure avec mise en état. Il détache les compétences du juge de la mise en état et du conseiller de la mise en état en supprimant les renvois aux dispositions applicables devant le tribunal judiciaire pour consacrer les pouvoirs du conseiller de la mise en état et opère diverses coordinations dans le code des procédures civiles d’exécution, dans le code de commerce et dans de le code de la consommation. Il augmente à deux mois les délais pour conclure dans la procédure à bref délai et permet l’augmentation par le magistrat compétent de l’ensemble des délais pour conclure dans les procédures avec mise en état et à bref délai. Il définit les pouvoirs du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président dans la procédure à bref délai et clarifie ceux du conseiller de la mise en état, qui ne connaîtra plus généralement des fins de non-recevoir. Il crée une invitation systématique des parties à conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état en appel et aménage l’interruption des délais Magendie en cas d’injonction de rencontrer un médiateur. Il redéfinit le périmètre de l’effet dévolutif de l’appel en permettant sa modulation au moyen des premières conclusions déposées dans les délais Magendie. Il supprime l’exception liée à l’indivisibilité du litige s’agissant de l’indication des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d’appel. Il impose le visa de l’objet de l’appel dans la déclaration d’appel. Il impose de formuler une prétention à la réformation ou à l’annulation au dispositif des conclusions d’appel et de préciser, lorsque la réformation est requise, les chefs de jugement critiqués dans ce même dispositif. Il maintient les sanctions procédurales et impose de nouvelles charges aux avocats. Il modifie la numérotation d’une partie importante des articles propres à la procédure d’appel (v. la table de correspondances jointe).

La rédaction de la déclaration d’appel

En procédure avec représentation obligatoire, l’article 901 du code de procédure civile, réécrit, frappe fort d’entrée et l’on comprend aussitôt que ce décret dit « de simplification » n’en a que le nom. Car si l’acte d’appel, outre les mentions habituelles, « peut comporter une annexe » (toujours sans démonstration d’une contrainte technique donc) et qu’il supprime, très à propos, toute référence à l’article 54 du code de procédure civile (qui vise les mentions propres à la demande initiale formée par assignation ou requête), d’autres obligations apparaissent.

Ainsi, alors que la Cour de cassation semblait avoir renoncé à appliquer toute sanction à défaut du visa de l’objet de l’appel dans la déclaration d’appel en considérant notamment que ni l’article 562 du code de procédure civile ni aucune autre disposition n’exige que la déclaration d’appel mentionne, s’agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu’il en est demandé l’infirmation (Civ. 2e, 25 mai 2023, n° 21-15.842, Dalloz actualité, 22 juin 2023, obs. V. Roulet ; 14 sept. 2023, n° 20-18.169, Dalloz actualité, 29 sept. 2023, obs. R. Laffly ; D. 2023. 1653 image ; AJ fam. 2023. 480, obs. F. Eudier image), l’article 901, 6°, précise désormais que l’acte d’appel doit comporter « L’objet de l’appel en ce qu’il tend à l’infirmation ou à l’annulation du jugement ». Là donc où il ne semblait plus subsister aucune obligation, le décret la consacre. Et puisque l’article 901 du code de procédure civile est, maintenant, dénué d’équivoque par la suppression opportune du renvoi à l’article 54 qui visait l’objet de la demande, restera à...

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Mediator : précisions de la Cour de cassation sur l’appréciation du lien de causalité et l’application de l’exonération pour risque de développement

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La Cour de cassation était saisie de deux pourvois concernant la réparation de préjudices imputables au Mediator, médicament commercialisé par les laboratoires Servier en 1976 et retiré du marché en 2009.

Dans la première affaire, les ayants droit d’une personne traitée par la spécialité pharmaceutique à partir de 2000 et décédée en 2013 ont formé un pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier les ayant déboutés de leur demande indemnitaire au motif que l’insuffisance respiratoire sévère dont souffrait leur proche peut être considérée comme prédominante dans la survenue de son décès et que la cardiopathie valvulaire, bien qu’imputable au Mediator, ne présentait qu’un caractère secondaire, de sorte que le lien de causalité avec la prise du médicament n’était pas démontré (Montpellier, 22 juin 2022, n° 21/06777).

Dans la seconde affaire, une femme atteinte d’une valvulopathie survenue à la suite d’un traitement par Mediator de janvier 2006 à octobre 2009 s’est pourvue en cassation contre un arrêt de la Cour d’appel de Versailles ayant rejeté ses conclusions indemnitaires, au motif que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du médicament n’avait pas permis de déceler son caractère défectueux, peu importe que le laboratoire connaisse personnellement l’existence d’un défaut (Versailles, 27 janv. 2022, n° 20/02795).

Ces arrêts ont été annulés par deux décisions de la Cour de cassation du 6 décembre 2023.

Le rôle partiel de la prise du médicament dans la survenue du décès ne suffit pas à écarter le lien de causalité


L’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier a été rendu après une première cassation. La Haute juridiction judiciaire avait précédemment censuré, pour insuffisance de motivation, un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui, pour refuser de reconnaître un lien de causalité direct et certain, s’était fondé sur l’avis médical d’un sapiteur et sur le rapport d’un expert judiciaire, sans examiner, même sommairement, le rapport de la lanceuse d’alerte (le docteur Irène Frachon) que les appelants avaient pourtant versé aux débats et qui concluait que le décès était lié à la prise du médicament (Civ. 1re, 6 oct. 2021, n° 20-16.892).

Se fondant sur la théorie de la causalité adéquate, la cour de renvoi a estimé que parmi tous les facteurs possibles d’un dommage, seuls ceux qui en constituent la cause déterminante doivent être considérés comme des faits générateurs. Elle a souligné, en l’occurrence, que le docteur Irène Frachon avait elle-même conclu que s’il n’est pas possible d’attribuer la totalité de l’imputabilité du décès à l’insuffisance respiratoire, sans tenir compte de la participation cardiaque évidente à l’accélération du décès, il est incontestable que l’insuffisance respiratoire sévère a contribué au décès, rejoignant en cela les conclusions des autres experts.

Dans la mesure où la cardiopathie valvulaire, même si elle est imputable au Mediator, ne présente qu’un caractère secondaire, les juges du fond ont donc rejeté la demande indemnitaire des ayants droit, considérant que le lien de causalité avec la prise du médicament n’était pas démontré, dès lors que l’insuffisance respiratoire sévère dont souffrait la victime peut être regardée comme prédominante dans la survenue de son décès.

C’est ce raisonnement qui a été censuré par la Cour de cassation pour violation de la loi. Deux séries de dispositions ont été invoquées à ce titre : l’article 1245 du code civil, aux termes duquel le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime, et l’article...

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Ouverture d’une procédure d’insolvabilité et instance en cours

Le risque d’insolvabilité des établissements bancaires et des entreprises d’assurance revêt un caractère systémique. Cela explique que ces catégories de débiteurs soient soumises en droit comparé à des règles spécifiques. Au sein de l’Union européenne ces débiteurs sont exclus du champ d’application du droit commun de l’insolvabilité européenne, c’est-à-dire du règlement (UE) 2015/848 (Règl. solvabilité) et bénéficient d’instruments spécifiques (en matière d’entreprises d’assurance, v. Dir. 2009/138/CE, 25 nov. 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice [Solvabilité II], JOUE L 335/1, 17 déc. 2009 ; Dir. 2012/23/UE, 12 sept. 2012 modifiant la dir. 2009/138/CE [Solvabilité II], en ce qui concerne ses dates de transposition et d’entrée en application et la date d’abrogation de certaines directives, JOUE L 249, 14 sept. 2012 ; Dir. 2013/58/UE, 11 déc. 2013, modifiant la dir. 2009/138/CE [Solvabilité II] en ce qui concerne ses dates de transposition et d’entrée en application et la date d’abrogation de certaines directives [Solvabilité I], JOUE L 341, 18 déc. 2013).

La liquidation judiciaire ouverte au Danemark au bénéfice de l’entreprise d’assurance de droit danois Alpha Insurance A/S a déjà donné lieu en France à plusieurs décisions, commentées notamment en ces colonnes (v. déjà, Com. 4 oct. 2023, n° 22-12.128, Dalloz actualité, 26 oct. 2023, note G. C. Giorgini ; Civ. 2e, 25 mai 2022, nos 19-12.048 et 19-15.052, Dalloz actualité, 16 juin 2022, obs. F. Mélin ; APC 2022. Alerte 166, note L. Fin-Langer ; Gaz. Pal. 26 juill. 2022, n° GPL439a1, note F. Guerre ; Gaz. Pal. 27 sept. 2022, n° GPL440k1, note G.C. Giorgini ; LEDEN sept. 2022, n° DED200z0, note F. Marchadier ; RGDA oct. 2022, n° RGA201a0, note G. Parleani).

La décision rapportée, nouvel épisode de cette saga judiciaire, confirme des solutions acquises tout en dispensant d’utiles enseignements.

Dans cette affaire, une SCI de droit français propriétaire de locaux industriels loués auprès de deux preneurs distincts confie à une entreprise de construction la réalisation de travaux d’étanchéité de la toiture des locaux loués, ces travaux devant être exécutés par un sous-traitant assuré auprès de la société de droit danois Alpha Insurance.

Or un incendie se déclare dans les locaux au cours de l’intervention du sous-traitant, incendie qui impose la démolition, la dépollution et la reconstruction des locaux loués, ces opérations étant préfinancées par l’assureur de la SCI. Un rapport d’expertise conclut à la responsabilité du sous-traitant. La SCI et son assureur assignent alors l’entrepreneur principal, son sous-traitant et leurs assureurs respectifs en réparation des préjudices subis.

Par un jugement du 10 novembre 2015, le Tribunal de grande instance de Marseille retient la responsabilité de l’entrepreneur principal et du sous-traitant et les condamne in solidum à réparer intégralement le préjudice subi. Cette même décision fait droit à l’appel en garantie des deux entreprises et condamne les assureurs respectifs à garantir leurs assurés.

À la suite de l’appel interjeté contre cette décision, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence constate (Aix-en-Provence, 20 mai 2021, n° 15/20708) que la société Alpha Insurance a été placée en liquidation judiciaire le 8 mai 2018, le liquidateur ayant été appelé en cause dans l’instance d’appel. Or l’assureur de la SCI n’a pas déclaré au passif de la procédure collective ouverte au Danemark. Par conséquent, en l’état de l’arrêt des poursuites individuelles découlant du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la société Alpha Insurance, la cour déboute la SCI et son assureur de leur demande de condamnation sans pouvoir fixer le montant de leur créance. Seule la créance de l’assureur de l’un des preneurs, régulièrement déclarée au passif de la procédure étrangère, est fixée.

Cette décision ne satisfait toutefois aucune des parties. L’entrepreneur condamné forme un pourvoi principal, les autres parties formant un pourvoi incident. Parmi les divers arguments invoqués, seuls certains vont retenir notre attention.

En premier lieu, la société Alpha Insurance et son liquidateur critiquent la décision des juges du fond en ce qu’elle a constaté que leur appel n’était plus soutenu car l’assureur danois n’avait pas qualité à agir à la suite de son placement en liquidation judiciaire et que son liquidateur n’avait pas constitué avocat et avait conclu tardivement. Or selon les auteurs du pourvoi, la cour d’appel a violé deux fois la loi. Tout d’abord, la cour d’appel aurait dû consulter la loi danoise, lex fori concursus désignée par la directive Solvabilité II, cette loi déterminant les effets de l’ouverture de la procédure collective, notamment en matière de dessaisissement. Ensuite, dès lors qu’en matière de procédures d’insolvabilité les instances en cours sont interrompues jusqu’à l’accomplissement de certaines formalités, il incombait à la cour d’appel de constater que l’instance était interrompue jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait produit sa créance au passif de la procédure danoise.

Pour sa part, la Haute juridiction rappelle qu’en vertu des dispositions de l’article L. 326-20 du code des assurances, les décisions d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité prononcées par une juridiction d’un autre État membre au bénéfice d’une entreprise d’assurance produisent leurs effets en France sans aucune autre formalité, y compris à l’égard des tiers, dès lors qu’elles produisent leurs effets dans l’État membre d’origine.

De même, en vertu des dispositions de l’article L. 326-28 du même code, les effets de l’ouverture d’une procédure de liquidation sur le territoire d’un autre État membre sur une instance en cours en France concernant un bien ou un droit dont l’entreprise d’assurance est dessaisie sont régis exclusivement par la loi française, c’est-à-dire en l’espèce les dispositions des articles 369 et 371 du code de procédure civile et de l’article L. 622-22 du code de commerce. Or les juges du fond ont à raison appliqué le droit français pour déterminer les effets de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité sur l’instance en cours en France. À l’inverse, dès lors que ni la société Alpha Insurance ni son liquidateur n’avaient soutenu que la société débitrice pouvait agir...

Inaptitude du salarié : expertise du médecin inspecteur du travail

Un salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie puis déclaré inapte par un médecin du travail, qui a retenu que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L’employeur a alors saisi le conseil de prud’hommes. L’article L. 4624-7 du code du travail dispose en effet que « I. Le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige. II. Le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers. À la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l’exception des données recueillies dans le dossier médical partagé en application du IV de l’article L. 1111-17 du code de la santé publique, peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification. III. La décision du conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés ».

Dans ce cadre, le conseil de prud’hommes a ordonné une expertise, qu’il a confiée au médecin inspecteur du travail. Rappelons dès à présent, de manière générale, que les médecins inspecteurs du travail exercent une action permanente en vue de la protection de la santé physique et mentale des travailleurs sur leur lieu de travail et participent à la veille sanitaire au bénéfice des travailleurs et que leur action porte en particulier sur l’organisation et le fonctionnement des services de prévention et de santé au travail (C. trav., art. L. 8123-1, al. 1).

Le médecin inspecteur du travail a conclu à la validation de l’avis d’inaptitude.

Les juges du fond ayant confirmé l’avis d’inaptitude, l’employeur a formé un pourvoi en cassation contre la décision d’appel.

La chambre sociale le rejette par l’arrêt du 10 janvier 2024, qui apporte deux précisions inédites, l’une relative au droit à un procès équitable, l’autre concernant la reprise du paiement du salaire.

Le droit à un procès équitable

En premier lieu, l’employeur se fondait sur les dispositions de l’article L....

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Assignation irrégulière d’un majeur sous tutelle : la régularisation n’est possible qu’avant le décès du majeur vulnérable

Les praticiens connaissent les biens difficultés propres au droit des majeurs vulnérables. Ce pan du droit civil est, en effet, le terrain d’élection de certaines subtilités pouvant conduire à bien des tracas procéduraux. On peut se souvenir, dans ce contexte, d’un important arrêt publié au Rapport annuel et commenté dans ces colonnes il y a quelques semaines. Cette décision avait permis d’opérer quelques précisions sur le point de départ de la prescription d’une action en nullité quand le demandeur était à la fois le tuteur et l’héritier du majeur vulnérable (Civ. 1re, 13 déc. 2023, n° 18-25.557, Dalloz actualité, 12 janv. 2024, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 2238 image). Aujourd’hui, c’est un arrêt rendu le 18 janvier 2024 par la première chambre civile de la Cour de cassation qui nous intéresse. Il tranche une question importante autour de l’assignation du majeur sous tutelle rarement au centre d’une décision publiée au Bulletin (v. pour la curatelle et le contentieux de la sécurité sociale, Civ. 1re, 16 déc. 2020, n° 19-13.762, Dalloz actualité, 18 janv. 2021, obs. C. Hélaine ; D. 2021. 10 image ; ibid. 1257, obs. J.-J. Lemouland et D. Noguéro image ; AJ fam. 2021. 132, obs. V. Montourcy image).

Les faits puisent leur origine dans une suspicion de fraude paulienne. Par acte notarié du 30 janvier 2015, deux personnes font donation à leurs enfants de plusieurs biens immobiliers et ce en avancement de part successorale. L’un des donateurs, le père des enfants, est placé sous tutelle par jugement du 3 juillet 2017, l’un des enfants étant son tuteur. Le 12 janvier 2018, les donateurs sont condamnés à régler en leur qualité de caution d’un prêt le montant de celui-ci. L’établissement bancaire créancier de ce lien de droit décide d’assigner le 8 mars 2018 les donateurs et les donataires en inopposabilité de l’acte de donation. La donation est jugée inopposable à la banque en première instance et les parties défenderesses décident donc d’interjeter appel de cette première décision. Les appelants invoquent, à hauteur d’appel, que l’acte introductif d’instance est nul dans la mesure où l’établissement bancaire n’a pas délivré celle-ci au...

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Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 15 janvier 2024

Assistance éducative

Modalités de mise en œuvre des nouvelles dispositions en matière d’assistance éducative : circulaire de présentation

Contrats

Présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice caché de la chose vendue

Il résulte de l’article 1645 du code civil une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence. (Com. 17 janv. 2024, n° 21-23.909, F-B)

Nationalité

Certificat de nationalité française: le décret annulé

 Le décret n° 2022-899 du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française est annulé :
- en tant qu’il impose aux demandeurs d’un certificat de nationalité française l’indication d’une adresse électronique pour la réception des informations et documents qui lui seront communiqués par le greffe du tribunal judiciaire ou de la chambre de proximité, sans prévoir, à titre de solution de substitution, la possibilité, pour le demandeur qui établit qu’il n’est pas en mesure d’accéder à une messagerie électronique pour la réception de ces informations et documents, d’indiquer une adresse postale ;
- en tant qu’il ne prévoit pas qu’à l’expiration du délai de six mois à compter de l’envoi du récépissé constatant la complétude du dossier de demande, le demandeur d’un certificat de nationalité française est, le cas échéant, informé de la prorogation de l’instruction de sa demande pour une durée de six mois, ni, au terme de ce délai, informé, le cas échéant, d’une seconde prorogation pour une durée de six mois. (CE 17 janv. 2024, n° 466052 C)

Procédure civile

Levée d’un séquestre provisoire, jonction d’instance et pouvoir du juge des référés

Il résulte de l’aritcle L. 153-1 du code de commerce que lorsqu’à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès, il est fait état ou demandé la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué qu’elle est de nature à porter atteinte au secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, ordonner des mesures tendant à protéger le secret des affaires. Aux termes de l’article R. 153-1, alinéa 3 du même code le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10 dudit code.
Cependant, lorsque deux instances ont été engagées devant le même juge des référés, l’une en levée du séquestre provisoire, l’autre en rétractation de l’ordonnance sur requête, ce juge ne peut ni statuer sur la levée du séquestre, ni même se prononcer sur les modalités de levée du séquestre si aucune jonction n’a été...

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Vices cachés : présomption irréfragable de connaissance du vendeur professionnel et mise en œuvre de l’action récursoire

La garantie légale des vices cachés à l’honneur ces derniers mois ! On se rappelle évidemment les très importantes décisions rendues par une chambre mixte le 21 juillet 2023 selon lesquelles la garantie doit être exercée par l’acquéreur dans un délai de prescription de deux ans, celui-ci devant courir à compter de la découverte du vice, et, au stade d’une éventuelle action récursoire, à partir de l’assignation principale, sans pouvoir excéder le délai butoir de vingt ans à compter de la date de la vente (Cass., ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 21-15.809, n° 21-17.789, n° 21-19.936 et n° 20-10.763 B+R, Dalloz actualité, 13 sept. 2023, obs. N. De Andrade ; D. 2023. 1728 image, note T. Genicon image ; AJDI 2023. 788 image, obs. D. Houtcieff image ; RTD com. 2023. 714, obs. B. Bouloc image). Dans un autre contexte, et encore au mois de juillet, nous avions eu l’occasion de commenter un arrêt ayant arbitré un duel sous haute tension entre la présomption irréfragable de connaissance du vice par le vendeur professionnel et le droit à la preuve (Com. 5 juill. 2023, n° 22-11.621, Dalloz actualité, 11 juill. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 1885 image, note A. Hyde image ; ibid. 2268. Chron. C. Bellino et T. Boutié image ; RTD civ. 2023. 704, obs. J. Klein image ; RTD com. 2023. 716, obs. B. Bouloc image ; ibid. 931, obs. B. Bouloc image). En six mois, la Cour de cassation aura donc rendu un certain nombre de décisions au mode de publication particulièrement élevé s’agissant de cette garantie essentielle à la vie des affaires. Ce choix n’est certainement pas anodin et s’explique notamment par un contentieux abondant devant les juges du fond. L’arrêt rendu le 17 janvier 2024 par la chambre commerciale de la Cour de cassation s’inscrit dans cette fresque générale en mêlant les deux thématiques précédemment rappelées.

Les faits sont assez classiques. Deux sociétés concluent en avril 2007 un contrat de vente ayant pour objet un tracteur. Ledit engin agricole est, le 10 janvier 2015, donné en location-vente à un tiers exploitant une entreprise de débardage. Mais voici que le tracteur prend feu lorsqu’il est ravitaillé en carburant. L’incendie provoque la destruction du véhicule mais également des dégâts sur des propriétés adjacentes. Le preneur de la location-vente obtient en référé la désignation d’un expert lequel dépose son rapport le 4 juin 2016. L’assureur du même preneur assigne, dans ce contexte, les deux sociétés en garantie des vices cachés. En cause d’appel, les juges du fond condamnent la société ayant conclu le contrat de location-vente en 2015 à régler à l’assurance du preneur une somme de 90 877,32 € pour l’indemnisation d’un fonds touché par l’incendie, une somme de 4 672,50 € pour l’indemnisation d’une autre personne et une somme de 6 146 € pour les frais d’assistance à l’expertise par un technicien. La société condamnée se pourvoit en cassation estimant que seul le vendeur professionnel doit être présumé connaître les vices. Elle avançait ainsi ne pas avoir cette qualité, élément que n’aurait pas considéré la cour d’appel saisie du litige. Elle reproche également aux juges du fond d’avoir accueilli le moyen tiré de la prescription qu’avançait le vendeur initial dans le cadre de son sa propre action récursoire contre celui-ci.

L’arrêt aboutit à une double cassation. Nous allons étudier pourquoi.

De l’importance de la caractérisation de la qualité de vendeur professionnel pour appliquer la présomption irréfragable de connaissance des vices 

La première cassation intervient sur le fondement de l’article 1645 du code...

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Panorama rapide de l’actualité « Affaires » de la semaine du 22 janvier 2024

Consommation

Conditions de la confirmation tacite d’un contrat conclu hors établissement comportant un vice : portée de la reproduction des articles du code de la consommation relatifs aux mentions obligatoires d’un tel contrat

Désormais, la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l’absence de circonstances, qu’il appartient au juge de relever, permettant de justifier d’une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l’article 1183 du code civil, dans sa rédaction issue l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l’article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur.
Il apparaît justifié, afin que soit prise en considération une telle connaissance du vice, d’uniformiser le régime de la confirmation tacite et de juger ainsi dans les contrats souscrits antérieurement comme postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. (Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 22-16.115, FS-B)

Contrat conclu hors établissement : effets de l’annulation d’une vente et office du juge

L’annulation d’une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, ne méconnaît pas l’objet du litige le juge qui, même à défaut de demande en ce sens, ordonne à l’issue d’une telle annulation la restitution de la chose vendue et celle du prix. (Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 21-20.693, FS-B ; Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 21-20.691, FS-B)

Frais dérivés de la formalisation du contrat de prêt hypothécaire et restitution des sommes acquittées en vertu d’une clause déclarée abusive : point de départ du délai de prescription de l’action en restitution

L’article 6, § 1er, et l’article 7, § 1er, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, à la suite de l’annulation d’une clause contractuelle abusive mettant à la charge du consommateur les frais de conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’action en restitution de tels frais est soumise à un délai de prescription de dix ans qui commence à courir à partir du moment où cette clause épuise ses effets avec la réalisation du dernier paiement desdits frais, sans qu’il soit considéré comme pertinent à cet égard que ce consommateur ait connaissance de l’appréciation juridique de ces faits. La compatibilité des modalités d’application d’un délai de prescription avec ces dispositions doit être appréciée en tenant compte de ces modalités dans leur ensemble.
La directive 93/13/CEE doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, pour déterminer le point de départ du délai de prescription de l’action du consommateur en restitution des sommes payées indument en exécution d’une clause contractuelle abusive, l’existence d’une jurisprudence nationale bien établie relative à la nullité de clauses similaires peut être considérée comme établissant qu’est remplie la condition relative à la connaissance, par le consommateur concerné, du caractère abusif de ladite clause et des conséquences juridiques qui en découlent. (CJUE 25 janv. 2024, aff. C‑810/21 à C‑813/21)

Concurrence

Restriction de concurrence : règlement fixant les montants minimaux des honoraires des avocats, rendu obligatoire par une réglementation nationale

L’article 101, § 1er, TFUE, lu en combinaison avec l’article 4, § 3, TUE, doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où une juridiction nationale constaterait qu’un règlement fixant les montants minimaux des honoraires des avocats, rendu obligatoire par une réglementation nationale, est contraire audit article 101, § 1er, elle est tenue de refuser d’appliquer cette réglementation nationale à l’égard de la partie condamnée à payer les dépens correspondant aux honoraires d’avocat, y compris lorsque cette partie n’a souscrit aucun contrat de services d’avocat et d’honoraires d’avocat.
L’article 101, § 1er, TFUE, lu en combinaison avec l’article 4, § 3, TUE, doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui, d’une part, ne permet pas à l’avocat et à son client de convenir d’une rémunération d’un montant inférieur au montant minimal fixé par un règlement adopté par une organisation professionnelle d’avocats, telle que le Visshia advokatski savet (Conseil supérieur du barreau), et, d’autre part, n’autorise pas le tribunal à ordonner le remboursement d’un montant d’honoraires inférieur à ce montant minimal doit être considérée comme constituant une restriction de la concurrence « par objet », au sens de cette disposition. En présence d’une telle...

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Nécessité et proportionnalité : illustration par la Cour de cassation en matière de preuve illicite ou déloyale

Le droit à la preuve est consacré par la jurisprudence (Civ. 1re, 5 avr. 2012, n° 11-14.177 P, Dalloz actualité, 23 avr. 2012, obs. J. Marrocchella ; D. 2012. 1596 image, note G. Lardeux image ; ibid. 2826, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon image ; ibid. 2013. 269, obs. N. Fricero image ; ibid. 457, obs. E. Dreyer image ; RTD civ. 2012. 506, obs. J. Hauser image) comme constituant une émanation du droit au procès équitable tel qu’il résulte de l’article 6, §, 1 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH 13 mai 2008, XX c/ Belgique, n° 65097/01, D. 2009. 2714, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et T. Vasseur image ; RTD civ. 2008. 650, obs. J.-P. Marguénaud image ; JCP 2008. I. 167, n° 13, obs. Sudre).

Il n’est cependant pas absolu.

Pour exemple, l’admissibilité de la preuve illicite est conditionnée au maintien du caractère équitable de la procédure (CEDH 17 oct. 2019, López Ribalda et autres c/ Espagne, nos 1874/13 et 8567/13, AJDA 2020. 160, chron. L. Burgorgue-Larsen image ; D. 2019. 2039, et les obs. image ; ibid. 2021. 207, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; AJ pénal 2019. 604, obs. P. Buffon image ; Dr. soc. 2021. 503, étude J.-P. Marguénaud et J. Mouly image ; RDT 2020. 122, obs. B. Dabosville image ; Légipresse 2020. 64, étude G. Loiseau image ; RTD civ. 2019. 815, obs. J.-P. Marguénaud image). Cette preuve doit également se montrer nécessaire (CEDH 10 oct. 2006, n° 7508/02, L. L. c/ France, D. 2006. 2692 image ; RTD civ. 2007. 95, obs. J. Hauser image).

Concernant la preuve déloyale, les juridictions faisaient preuve d’une plus grande sévérité puisque le principe de loyauté (Cass., ass. plén., 7 janv. 2011, nos 09-14.316 et 09-14.667 P, Dalloz actualité, 12 janv. 2011, obs. E. Chevrier ; D. 2011. 562, obs. E. Chevrier image, note F. Fourment image ; ibid. 618, chron. V. Vigneau image ; ibid. 2891, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Gelbard-Le Dauphin image ; RTD civ. 2011. 127, obs. B. Fages image ; ibid. 383, obs. P. Théry image ; RTD eur. 2012. 526, obs. F. Zampini image) n’avait pas vocation à s’effacer lorsqu’il se trouvait confronté au droit à la preuve (C. Radé, note ss. Soc. 6 sept. 2023, n° 22-13.783 B, Dr. soc. 2023. 922 image). Dès lors, la preuve déloyale ne pouvait être admise.

Reste que la distinction entre preuve illicite et preuve déloyale était malaisée (C. Radé, préc.). La Cour de cassation a finalement procédé à un alignement entre ces deux régimes considérant que « dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats […] » (Cass., ass. plén., 22 déc. 2023, n° 20-20.648 B, Dalloz actualité, 9 janv. 2024, obs. Hoffschir ; D. 2024. 15 image ; AJ fam. 2024. 8, obs. F. Eudier image ; AJ pénal 2024. 40, chron. image).

Désormais donc, la preuve illicite et la preuve déloyale sont admises à condition de satisfaire aux contrôles de nécessité et de proportionnalité. L’arrêt commenté illustre parfaitement ce propos.

Dans les faits, un salarié avait été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 janvier 2010. Il saisissait le conseil des prud’hommes aux fins de voir constater la résiliation de son contrat de travail, invoquant des faits de harcèlement moral de la part de son employeur.

La preuve rapportée par le salarié était querellée car il s’agissait de la retranscription de son entretien avec les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le salarié avançait que « le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi ». La cour d’appel avait, quant à elle, écarté cette preuve au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Pour cette raison, un pourvoi était formé devant la Cour de cassation.

On l’aura compris, le particularisme de l’affaire résultait de la production, par un salarié, d’éléments de preuve soit illicites, soit déloyales. Habituellement, le contentieux rapporte des situations lors desquelles, l’employeur faisant preuve de déloyauté ou par le biais de procédés illicites, porte lui-même atteinte à la vie privée de ses salariés (Soc. 30 sept. 2020, n° 19-12.058 P, Dalloz actualité, 21 oct. 2020, obs. M. Peyronnet ; D. 2020. 2383 image, note C. Golhen image ; ibid. 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane image ; ibid. 2021. 207, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; JA 2021, n° 632, p. 38, étude M. Julien et J.-F. Paulin image ; Dr. soc. 2021. 14, étude P. Adam image ; RDT 2020. 753, obs. T. Kahn dit Cohen image ; ibid. 764, obs. C. Lhomond image ; Dalloz IP/IT 2021. 56, obs. G. Haas et M. Torelli image ; Légipresse 2020. 528 et les obs. image ; ibid. 2021. 57, étude G. Loiseau image ; Rev. prat. rec. 2021. 31, chron. S. Dorol image).

La Cour de cassation était donc appelée à se prononcer sur l’admissibilité de la preuve illicite ou déloyale, rapportée par le salarié.

Pour la première fois, la Cour fait application de la méthode devant être employée après avoir rappelé la règle selon laquelle « dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans...

Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 29 janvier 2024

Aide juridictionnelle

Contestation des appréciations d’ordre juridique permettant de fixer le montant des frais alloués à un avocat désigné au titre de l’AJ

Les appréciations d’ordre juridique auxquelles se livre une juridiction pour statuer sur une demande formée par un avocat au titre de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne sont pas susceptibles d’être remises en cause par la voie du recours en rectification d’erreur matérielle. Un tel recours est par suite irrecevable. (CE 29 janv. 2024, n° 471129 B)

Contrats

Faculté de résiliation

L’application par les parties de la clause d’un contrat d’enseignement, prévoyant une faculté de résiliation dans le cas d’un motif légitime et impérieux invoqué par l’étudiant et apprécié par la direction de l’école, n’échappe pas, en cas de litige, au contrôle du juge. (Civ. 1re, 31 janv. 2024, n° 21-23.233, F-B)

Vente immobilière : point de départ de la prescription

Dans une opération d’investissement immobilier locatif avec défiscalisation comportant un emprunt dont le remboursement du capital était différé à dix ans, le point de départ de l’action en responsabilité engagée par l’acquéreur contre des professionnels pour manquement à leurs obligations respectives d’information, de conseil, ou de mise en garde, est le jour où le risque s’est réalisé, soit celui où l’acquéreur a appris qu’il serait dans l’impossibilité de revendre le bien à un prix lui permettant de rembourser le capital emprunté. (Civ. 3e, 1er févr. 2024, n° 22-13.446, FS-B)

Hospitalisation sans consentement

Représentation de l’intéressé et procédure

Il résulte des articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique que la procédure suivie en matière de soins psychiatriques sans consentement n’est pas une procédure avec représentation obligatoire.
Si l’assistance ou la représentation par un avocat est prévue par ces textes, c’est, d’une part, uniquement au bénéfice du patient, d’autre part, exclusivement lors de l’audience tenue par le juge des libertés et de la détention puis, le cas échéant, par le premier président de sorte que le patient peut seul former une requête en mainlevée de la mesure sur le fondement de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, relever appel de la décision du juge des libertés et...

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Le pouvoir relativement exclusif du président, ou l’art de la réécriture des textes

Une banque fait pratiquer une saisie-attribution sur des comptes bancaires.

Le saisi conteste devant le juge de l’exécution, lequel déclare l’action prescrite et valide la saisie.

Un appel est formé.

S’agissant de l’appel d’un jugement du juge de l’exécution, il relève de droit de l’orientation en bref délai.

Il semblerait que l’intimé n’ait pas répondu aux conclusions de l’appelant dans le délai d’un mois de l’article 905-2. C’est à tout le moins ce que soutient l’appelant.

Toutefois, au lieu de saisir le président d’un incident aux fins d’irrecevabilité des conclusions de la banque, intimée, l’appelant soulève cette fin de non-recevoir devant la cour d’appel.

La cour d’appel prononce l’irrecevabilité de cette demande d’irrecevabilité, qui aurait dû être soumise au président.

Dans le cadre de son pourvoi, le saisi soutient qu’il appartenait à la cour d’appel de soulever d’office cette irrecevabilité.

La deuxième chambre écarte l’argument.

La cour d’appel dispose d’une simple faculté de se saisir d’office d’une irrecevabilité des conclusions, et il appartenait donc à l’appelant de saisir le président, dès lors que la cause de l’irrecevabilité n’est pas survenue ou n’a pas été révélée postérieurement au dessaisissement du président.

Le texte sans la jurisprudence, c’est comme un meuble Ikea sans la notice

La Cour de cassation n’use pas du terme « exclusif », mais c’est de cela dont il s’agit.

Pourtant, l’alinéa 2 de l’article 905-2 du code de procédure civile dispose que « L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué ».

De pouvoir exclusif, il n’en est pas question.

Aucun autre alinéa ne prévoit d’ailleurs une exclusivité.

Mais la Cour de cassation, dans la toute-puissance qui est la sienne pour faire dire à un texte ce qu’il ne dit pas, a estimé que ce pouvoir est exclusif (Civ. 3e, 4 mars 2021, n° 19-12.564 P, Dalloz actualité, 19 mars 2021, obs. A. Cayol ; ibid., 24 mars 2021, obs. R. Laffly ; D. 2021. 1048, obs. N. Damas image).

Avec cet arrêt, cette exclusivité au profit du président en bref délai est confirmée.
Il appartenait à l’avocat de l’appelant de se tenir informé de la jurisprudence, sans se contenter d’un texte dont nous savons qu’il ne se suffit pas à lui-seul.

En procédure, il est aussi important de connaître les textes que de connaître la jurisprudence, faute de quoi le risque de choir s’accroît.

En soi, cette exclusivité peut se comprendre, même si, parfois, il serait préférable de soumettre le moyen de procédure à la cour d’appel, pour éviter que le bref délai cesse d’en être un, ce qui sera le cas s’il y a « défixation », puis fixation de l’incident à une audience du président, suivi d’un déféré, et le cas échéant refixation au fond.

Toutefois, ce qui est contestable, est que le texte ne prévoit pas une exclusivité. Il peut d’autant moins être reproché à l’appelant de l’avoir ignorée, alors que pour le conseiller de la mise en état, cette compétence exclusive est expressément...

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Droits de la défense du majeur protégé déféré : le Conseil constitutionnel censure la loi

Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la constitutionnalité de l’article 706-113 du code de procédure pénale.

Cette disposition encadre l’accès à l’information du dossier et des actes procéduraux d’un tuteur ou d’un curateur en cas de poursuites ou d’alternative aux poursuites d’un majeur protégé. La QPC porte sur la première phrase du premier alinéa de l’article, disposant que : « Sans préjudice de l’application des articles 706-112-1 à 706-112-3, lorsque la personne fait l’objet de poursuites, le procureur de la République ou le juge d’instruction en avise le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles ». 

Selon le requérant, le fait pour l’article de ne pas prévoir l’information du curateur ou tuteur en cas de défèrement du majeur protégé, alors même que ce dernier peut ne pas disposer du discernement nécessaire à l’exercice de ses droits, méconnaît les droits de la défense.

L’inapplicabilité de la loi en cas de défèrement

Le Conseil examine l’application de cette disposition et en conclut qu’elle ne s’applique pas en cas de défèrement de ce majeur à l’issue de sa garde à vue ou de sa retenue, devant un magistrat. En effet, l’article prévoit uniquement le cas où le majeur fait l’objet de poursuites pénales, mais pas en cas de défèrement devant un magistrat.

Or, le Conseil rappelle que lorsqu’une personne fait l’objet d’un défèrement, elle comparaît le jour même devant le magistrat l’ayant demandé (C. pr. pén., art. 803-2).

Les sages rappellent également que la personne déférée ou retenue dans les locaux de la juridiction doit se voir notifier ses droits (C. pr. pén., art. 803-3).

L’accessibilité des droits de la défense au majeur protégé 

Pour autant, la notification des droits doit être compréhensible pour la personne à qui elle est effectuée. C’est ainsi que la présence d’un traducteur est primordiale lorsque la personne ne peut pas communiquer en langue française (C....

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Nouveau refus de déroger à la prorogation des délais de procédure en faveur des justiciables demeurant à l’étranger

par Géraldine Maugain, Maître de conférences, Université de Bourgognele 2 février 2024

Civ. 2e, 21 déc. 2023, F-B, n° 21-21.140

L’article 643 du code de procédure civile augmente les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation de deux mois en faveur des personnes qui demeurent à l’étranger et la Cour de cassation veille à l’effectivité de cette prorogation ; l’arrêt de la deuxième chambre civile du 21 décembre 2023 en est un nouveau témoignage. Une société d’assurances britannique avait été condamnée à payer une certaine somme à un couple, opposé à son client assuré. Le jugement est signifié le 19 novembre 2019 au domicile français du mandataire choisi par la société pour la représenter sur le territoire français, comme l’y obligent les articles L. 362-1 et R. 362-2 du code des assurances. La société fait appel du jugement le 20 décembre 2019 et le conseiller de la mise en état déclare l’appel irrecevable. La société défère l’ordonnance du conseiller de la mise en état à la cour d’appel, qui confirme l’ordonnance entreprise et l’irrecevabilité de l’appel. La société se pourvoit en cassation. Selon elle, la signification du jugement au domicile de son mandataire français ne la prive pas de l’augmentation du délai d’appel prévue à l’article 643 du code de procédure civile dont bénéficie toute personne demeurant à l’étranger. La deuxième chambre civile affirme effectivement que le justiciable demeurant à l’étranger ne peut être privé de la prorogation des délais de procédure du fait de la désignation d’un mandataire général domicilié en France. Cette décision s’inscrit dans la continuité d’autres arrêts rendus par la Cour de la cassation, favorables à la prorogation des délais de procédure accordée aux justiciables demeurant à l’étranger.

Nouveau refus de déroger à la prorogation de...

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Contrat conclu hors établissement et nullité

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseillele 2 février 2024

Le 24 janvier 2024, la première chambre civile a publié au Bulletin plusieurs décisions très intéressantes en droit des contrats conclus hors établissement. En tête de cortège, on retrouve un arrêt publié également aux Lettres de chambre ayant reviré la jurisprudence de la cour de cassation sur la reproduction des dispositions du code de la consommation en matière de confirmation tacite du contrat (Civ. 1re, 24 janv. 2024, n° 22-16.115, Dalloz actualité, 29 janv. 2024, obs. C. Hélaine ; D. 2024. 165 image). Les solutions dégagées dans les affaires n° 21-20.691 et n° 21-20.693, D. 2024. 164 image, intéressent là-encore la nullité d’un contrat conclu hors établissement mais aussi l’office du juge prononçant ladite nullité.

Commençons par rappeler brièvement les faits utiles.

À l’origine du pourvoi n° 21-20.691, on retrouve encore une fois des installations de panneaux solaires. Un consommateur commande auprès d’une société des panneaux photovoltaïques par un premier bon de commande du 22 décembre 2015. Les installations sont financées par un crédit souscrit le même jour auprès d’un établissement bancaire. Le consommateur ajoute plusieurs panneaux photovoltaïques par un second contrat conclu quelques mois plus tard le 18 janvier 2016 auprès d’un autre professionnel. Le crédit affecté est également financé par un second établissement bancaire. Le consommateur et son épouse, codébitrice solidaire des prêts, assignent les différents vendeurs et établissements bancaires en annulation des différents contrats conclus en invoquant plusieurs irrégularités des bons de commande. La cour d’appel saisie annule le contrat du 22 décembre 2015 et ordonne au professionnel concerné de reprendre le matériel et de remettre en l’état l’immeuble où l’installation a été réalisée. Par conséquent, la société est condamnée à rembourser la somme de 23 800 € en conséquence de la nullité du contrat principal. Le professionnel concerné se pourvoit en cassation arguant de plusieurs difficultés tant sur le formalisme des contrats conclus hors établissement que sur l’office du juge qui prononce l’annulation du contrat. Dans le pourvoi n° 21-20.693, un consommateur commande auprès d’une société des panneaux photovoltaïques par un contrat conclu hors établissement le 30 juin 2015. L’installation est financée par un prêt conclu avec son épouse auprès d’un établissement bancaire. Les emprunteurs assignent en nullité le professionnel et l’établissement bancaire du prêt affecté pour diverses irrégularités du bon de commande. En cause d’appel, le contrat de vente est annulé et la société est condamnée à restituer le prix encaissé aux acquéreurs, soit une somme de 24 900 €. Le professionnel qui se pourvoit en cassation (lequel est le même que dans l’affaire précédente) argue là-encore de...

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Imputation des libéralités au conjoint survivant sur ses droits légaux : la leçon de pédagogie de la première chambre civile

Aimer, avoir des enfants, se séparer, reconstruire sa vie après un échec, se remarier et avoir d’autres enfants… ce parcours de vie est celui de nombreuses personnes. Dans ce cas de figure, il n’est pas rare gratifier son nouveau conjoint pour le protéger et l’accompagner au-delà du trépas… parfois même au détriment de nos enfants issus d’unions précédentes. L’entrée du conjoint dans la succession n’est pas toujours sans heurts comme en attestent de nombreuses affaires.

Dans cette affaire, un homme décède le 6 juin 2010 en laissant sa veuve (Mme M.), leurs deux enfants communs (MM. J. et T.) et son fils ainé issu d’une union précédente (M. X.). En janvier 2010, le défunt avait pris soin de rédiger un testament olographe par lequel il léguait à son épouse les liquidités et les valeurs en toute propriété ainsi que l’usufruit de tous les biens meubles et immeubles qui constituaient sa succession. Par ce testament, il avait également attribué la nue-propriété de ses biens immobiliers entre ses trois enfants. Le 1er décembre 2010, le notaire établit un acte liquidatif que les héritiers, dont celui issu du premier lit, signent. En octobre 2014, le fils issu du premier mariage estimant avoir été lésé lors de la liquidation, assigne le notaire et la société notariale afin d’engager leur responsabilité. Le tribunal de grande instance (Bobigny, 29 sept. 2017, n° 18/02426) le déboute de ses demandes considérant que l’action en responsabilité était mal fondée. Saisie de l’affaire, la cour d’appel (Paris, 2 juin 2021, n° 18/02426) retient que le notaire a effectivement manqué à son obligation d’information et de conseil à l’égard du demandeur mais estime que ce dernier ne justifie pas d’une perte de chance de négocier un partage plus avantageux. En effet, elle a retenu que les droits successoraux de la veuve se cumulent avec les libéralités que le de cujus lui a consenties selon les dispositions de l’article 758-6 du code civil et que, par application combinée des articles 757 et 1094-1 du même code, celle-ci bénéficie, outre du quart en pleine propriété de la succession, de l’usufruit des trois quarts, au titre de la quotité disponible spéciale au profit du conjoint survivant. Ce faisant, les juges du fond considèrent que les droits du fils ainé dans la succession de son père étaient de la nue-propriété du quart et qu’ayant reçu du partage des droits d’une valeur supérieure, celui-ci ne justifie d’aucune perte de chance de refuser...

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Saisie immobilière dans le cadre d’une demande d’entraide pénale : questions de procédure

Le 10 janvier 2024, la Cour de cassation a été amenée à rendre une décision dans l’affaire Choppergate. Quelques années plus tôt, le 25 mai 2019, les autorités judiciaires de la République de l’Inde avaient adressé aux autorités françaises une demande d’entraide pénale visant des faits de blanchiment et de corruption dans le cadre d’une vente d’hélicoptères au gouvernement indien par une société italiano-britannique. Il était reproché à un ressortissant anglais d’avoir influencé le processus d’attribution du marché par l’entremise de sa propre société en contrepartie de plusieurs millions d’euros. Cette société a par la suite transféré une importante somme à l’ex-épouse de l’intermédiaire et à une société civile immobilière dont elle était l’unique gérante et associée. La demande d’entraide pénale tendait à ce qu’une saisie immobilière de certains biens appartenant à la société de l’ex-épouse de l’intermédiaire soit ordonnée. Elle a été réitérée le 6 mars 2020, et par ordonnance du 23 novembre 2021, un juge d’instruction a fait droit à cette demande, décision qui a été confirmée par la Cour d’appel de Paris le 27 octobre 2022. Plusieurs difficultés juridiques sont ressorties de cette situation complexe.

Ordre de parole lors de la contestation d’une saisie immobilière

Lors de l’audience relative à la contestation de la saisie devant la chambre de l’instruction, l’avocat général a eu la parole en dernier. Le pourvoi a estimé qu’il s’agissait d’une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des articles 199, 591 et 593 du code de procédure pénale. Le droit du prévenu d’avoir la parole en dernier est à la fois une règle d’organisation des débats et une composante des droits de la défense. Par un arrêt du 20 septembre 2000 (Crim. 20 sept. 2000, n° 99-81.392, D. 2001. 519 image, obs. J. Pradel image), la Cour de cassation a affirmé qu’il était de portée générale : « le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers ; que cette règle, qui domine tout débat pénal, concerne toutes les procédures intéressant la défense et se terminant par un jugement ou un arrêt ». Plus spécifiquement, depuis de nombreuses années, la chambre criminelle déduit de l’article 199 que le mis en examen ou son avocat devaient avoir la parole en dernier devant la chambre d’instruction (Crim. 7 juill. 2005, n° 05-80.914, D. 2006. 617 image, obs. J. Pradel image ; RSC 2005. 869, obs. D.-N. Commaret image).

Toutefois, l’application de cette règle suppose d’avoir la qualité de mis en examen ou de témoin assisté. Par conséquent, le simple propriétaire d’un bien qui conteste une saisie sans avoir été mis en cause dans la procédure d’instruction ne peut en bénéficier (Crim. 13 juin 2018, n° 17-83.893, Dalloz actualité, 6 juill. 2018, obs. C. Fonteix ; D. 2018. 2259, obs. G. Roujou de Boubée, T....

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De la charge de la preuve du point de départ de la prescription

Les questions autour de la prescription extinctive sont régulièrement au centre d’arrêts publiés au Bulletin ces derniers mois (v. par ex., Civ. 1re, 13 déc. 2023, n° 18-25.557 FS-B, Dalloz actualité, 12 janv. 2024, obs. C. Hélaine ; 15 nov. 2023, n° 22-23.266 F-B, Dalloz actualité, 21 nov. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2024. 156 image, note J. Douillard image ; Dalloz IP/IT 2023. 612, obs. C. Lamy image ; Légipresse 2023. 597 et les obs. image ; Com. 4 oct. 2023, n° 22-18.358 F-D, Dalloz actualité, 17 oct. 2023, obs. C. Hélaine ; Civ. 1re, 12 juill. 2023, n° 21-25.587 F-B, Dalloz actualité, 25 sept. 2023, obs. C. Hélaine ; Rev. prat. rec. 2023. 19, chron. O. Salati image ; Com. 14 juin 2023, n° 21-14.841 F-B, Dalloz actualité, 20 juin 2023, obs. C. Hélaine ; 29 mars 2023, n° 21-23.104 F-B, Dalloz actualité, 7 avr. 2023, obs. C. Hélaine ; RTD civ. 2023. 370, obs. H. Barbier image). La thématique est, en effet, centrale dans le procès civil car les plaideurs savent à quel point la fin de non-recevoir tirée de la prescription peut être efficace pour éviter tout débat au fond sur un élément potentiellement délicat du dossier. Aujourd’hui, c’est un arrêt rendu le 24 janvier 2024 par la chambre commerciale de la Cour de cassation qui attire notre attention en ce qu’il croise habilement cette thématique avec le droit de la preuve.

Les faits débutent autour de l’acquisition, le 19 novembre 2012, par une personne de la quote-part d’une indivision sur une collection de manuscrits par l’entremise d’un conseiller en gestion de patrimoine. L’acquéreur conclut également avec le vendeur un contrat de dépôt et d’exploitation des manuscrits pour une durée de cinq ans. Le vendeur est placé, par la suite, en redressement judiciaire le 16 février 2015. Le 8 mars suivant, plusieurs dirigeants de la société venderesse sont mis en examen, l’enquête préliminaire ayant mis au jour des faits constitutifs d’une escroquerie.

L’acquéreur des manuscrits soutient avoir été mal informé et assigne, par actes extrajudiciaires des 13 et 14 février 2020, son conseiller en gestion de patrimoine en réparation de son préjudice et, avec lui, son assureur. Les juges du fond...

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In Memoriam Robert Badinter (1928-2024)

Notre monde a perdu son maître. Que l’on soit professeur de droit, magistrat, avocat, juriste, étudiant en droit, Robert Badinter était notre modèle, notre référence, notre vigie. Son rayonnement a dépassé, et de loin, la communauté des juristes, et l’émotion suscitée par l’annonce de son décès est là pour le prouver, s’il le fallait. Chaque citoyen est aujourd’hui orphelin, et ce sentiment se retrouve dans de nombreux pays du monde. On a même dit qu’il était l’avocat le plus important et le plus écouté depuis Cicéron.

Les raisons de cette admiration unanime sont nombreuses. Au-delà des combats emblématiques qu’il a portés, il était un homme doué d’une culture immense, d’un rapport intime à l’histoire et animé par des valeurs sûres, qui, en quatre-vingt-quinze ans d’une vie incroyablement riche et de choix parfois terribles, ne s’est jamais trompé. Il était, plus que tout autre, un « Juste ».

Impossible évidemment de résumer une telle vie. Cependant, si l’on regarde bien, le parcours professionnel de Robert Badinter a été, comme par une coquetterie de l’histoire, divisé en deux périodes de trente ans : il devient avocat en 1951 et le restera jusqu’en 1981, date à laquelle succédera une nouvelle séquence plus juridique (Ministre de la justice (1981-1986), Président du Conseil constitutionnel (1986-1995), puis sénateur (1995-2011). Deux périodes de trente ans, dont on pourrait dire que l’une était essentiellement consacrée à son métier d’avocat, et l’autre au droit.

En hommage au professeur de droit qu’il n’a cessé d’être, on retiendra ce découpage chronologique pour tenter de rassembler cette vie hors du commun en deux parties. Mais, de même que Robert Badinter a débordé, et de beaucoup, sa seule vie d’universitaire, les deux parties ici retenues sont elles aussi insuffisantes à restituer ce parcours exceptionnel car il y a un avant et un après.

L’avant justement : Robert Badinter était né le 30 mars 1928 à Paris dans une famille juive qui avait fui les pogroms de Bessarabie (actuelle Moldavie), ce qu’il a d’ailleurs raconté dans l’un de ces derniers livres, Idiss (Fayard, 2018), consacré à sa grand-mère — sans doute son livre le plus personnel.

Sa vie bascule une première fois, le 9 février 1943, lorsque montant les escaliers de l’appartement familial à Lyon où la famille s’était réfugiée pour fuir la zone occupée, il comprend que la Gestapo est là, et fait aussitôt demi-tour, ce qui lui permet de se sauver. Cela ne sera pas le cas de son père Simon et sa grand-mère Idiss, et d’une grande partie de sa famille : « Vous savez, sur le mur du Mémorial de la Shoah, beaucoup des miens y sont », disait-il. Il est singulier que Robert Badinter se soit éteint justement un 9 février, exactement 81 ans après cette rafle à laquelle il a échappé.

Après la guerre, Robert Badinter commence des études à la Sorbonne, en sociologie, puis de droit, et il obtiendra aussi un Master of Arts de l’Université Columbia à New York en 1949. En 1950, il passe l’examen du Barreau et prête serment en 1951. Commence alors la première période de trente ans de sa vie professionnelle, celle du Barreau.

 L’avocat

« Par hasard, et non par vocation », il embrasse la carrière d’avocat, assez quelconque au début, jusqu’à ce qu’il croise le grand Henry Torrès qui le forme, mais dont il finit aussi par se détacher, friand de s’attacher au droit plus qu’aux effets de manche.

C’est donc naturellement qu’il soutient en parallèle une thèse de droit en droit privé, sous la direction de Jean-Paulin Niboyet, intitulé « Les conflits de lois en matière de responsabilité civile dans le droit des États-Unis » (1952). À l’occasion d’une immobilisation temporaire en raison d’un accident de ski, alors qu’il est déjà en docteur en droit depuis dix ans, il se réinscrit en 1962 dans un DES de droit romain et rédige même un mémoire intitulé « De l’Indulgentia criminum dans le Bas-Empire romain », sous la direction du grand Jean Gaudemet.

En 1965, alors qu’il a déjà près de 15 ans de pratique comme avocat, il passe l’agrégation de droit privé et sciences criminelles où il est reçu par un jury présidé par Robert Le Balle, dans lequel siégeait aussi Yvon Loussouarn et Michel Vasseur, et même Jean-Denis Bredin comme membre suppléant, au sein d’une promotion éminente, dont le major était Jacques Béguin et dans laquelle figuraient notamment Philippe Fouchard et Jacques Foyer. L’enseignement était devenu sa priorité. Il avouera d’ailleurs plus tard : « Je n’avais pas participé à la campagne de 1965 aux côtés de François Mitterrand, non par choix politique, mais parce que j’avais décidé de me présenter à l’agrégation de droit privé et de réaliser enfin ma première ambition : enseigner le droit (…) Ma participation à la campagne s’est résumée au dépôt de mon bulletin de vote ».

Il devient professeur aux universités de Dijon (1966) et Besançon (1968-1969), puis d’Amiens (1969-1974), avant d’être nommé, en 1974, à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne où il enseignera jusqu’en 1994, date à laquelle il devient professeur émérite, et dans laquelle il ne cessera de revenir pour dispenser des conférences.

Mais, durant la période, il est aussi accaparé par son métier d’avocat et fonde en 1966 avec un autre professeur de droit et avocat, Jean-Denis Bredin, le cabinet Badinter-Bredin, qui reste, aujourd’hui encore, sous le nom Bredin-Prat, l’un des meilleurs cabinets de droit des affaires de la place de Paris. Car, contrairement à ce qu’on pourrait croire, Robert Badinter était avant tout un avocat de droit des affaires. C’est d’ailleurs comme tel que, par l’intermédiaire de Pierre Lazareff, il rencontre François Mitterrand pour le défendre dans une affaire de diffamation. De toute sa carrière, il n’a fréquenté les assises qu’une vingtaine de fois, certes dans des affaires de peines capitales, mais c’est finalement assez peu. Et s’il est un si bon avocat d’assises, c’est avant tout parce qu’il y fait du droit, même si celui-ci est enrobé dans une éloquence sobre et percutante, portée par une voix sèche, reconnaissable entre toutes.

Il est cependant rattrapé par les dossiers où la peine de mort est en jeu, et devant la Cour d’assises de l’Aube, il ne parvient pas à sauver Roger Bontems, complice de deux meurtres lors d’une mutinerie à la prison de Clairvaux, à qui il avait pourtant promis qu’il ne serait pas exécuté puisqu’il n’avait pas lui-même tué. Mais le président Pompidou refusa la grâce et, au petit matin du 28 novembre 1972, il fut guillotiné dans la cour de la prison de la Santé, par « le claquement sec de la lame sur le butoir », écrira Robert Badinter dans L’Exécution. Sa vie venait de basculer une deuxième fois : elle serait désormais dédiée à obtenir l’abolition de la peine de mort.

L’occasion d’un nouveau procès d’assises se présenta quatre ans plus tard, devant — autre coquetterie de l’histoire — la même cour d’assises de l’Aube, pour défendre Patrick Henry, lequel avait reconnu l’enlèvement et le meurtre d’un enfant de sept ans. L’affaire était autrement plus difficile, d’autant que, on l’a appris plus tard, Patrick Henry était de ceux qui hurlaient pour réclamer la mort de Roger Bontems et de son complice devant ce même palais de justice de Troyes quelques années plus tôt. La plaidoirie de Robert Badinter ce 20 janvier 1977 marqua à jamais tous ceux qui y assistèrent. Le grand chroniqueur judiciaire de l’époque, Frédéric Pottecher, a raconté à l’auteur de ses lignes avant même qu’il commence ses études de droit, comment l’avocat s’approchant d’une jurée, la prit par le bras, lui montra Patrick Henry, et lui dit « Madame, voulez-vous vraiment que cet homme soit coupé, vivant, en deux morceaux ? ». Le jury ne résista pas à l’éloquence brutale de Robert Badinter et Patrick Henry échappa à la peine de mort.

Pour autant, le professeur de droit n’oublia pas sa charge d’enseignement. Lors de son retour en amphithéâtre, ses étudiants furent debout et l’applaudirent longuement. Au tableau est écrit : « Merci, monsieur Badinter ». Le professeur ouvra alors son cartable et leur dit : « Je vous remercie. Il a eu de la chance. Moi aussi ». Et il reprit son cours, comme si de rien n’était.

Robert Badinter estima alors que si cette cour d’assises avait pu renoncer à la peine de mort dans des circonstances si accablantes, c’est que la France était prête pour l’abolition. Il s’y employa désormais. Mais les résistances étaient fortes, à commencer par François Mitterrand, dont il était devenu très proche, et qui n’était pas guère enclin à l’abolition, ce que son passage au Ministère de la Justice sous la quatrième République avait tragiquement montré. Robert Badinter le savait. Il ne parvenait pas à connaître la position réelle de futur président qui cultivait l’ambiguïté. La campagne électorale de 1981 allait fournir l’occasion d’une clarification, dans un contexte que Robert Badinter a confié à l’auteur de ces lignes.

L’échéance était connue, celle de la grande émission politique de l’époque, « Cartes sur tables », programmée le 16 mars 1981. La question de l’abolition allait être posée au candidat et il ne pourrait plus louvoyer. Robert Badinter tenta à de multiples reprises d’avoir avec François Mitterrand la discussion préalable à la réponse attendue, en vain. C’est finalement grâce à un habile subterfuge qu’il parvint à ses fins, de manière à peine croyable : alors qu’il s’apprêtait à monter dans la voiture qui l’emmenait sur le plateau de télévision où il était attendu, le futur président se vit remettre par le futur Garde des Sceaux les quelques dossiers à relire pendant le trajet, au sommet desquels Robert Badinter plaça celui concernant la peine de mort. Et connaissant le souci de Mitterrand de s’inscrire dans l’histoire, il glissa une feuille manuscrite dans laquelle il citait notamment Jaurès et Blum, deux abolitionnistes. Mitterrand pouvait donc suivre cette lignée et épouser la cause, bien qu’elle fût impopulaire. À moins que ce soit justement parce qu’elle était impopulaire qu’il l’épousa, montrant ainsi une forme de courage politique, qu’on lui contestait à l’époque, se transformant ainsi, uniquement par la force de cette proposition, de candidat en homme d’État. Ce fut le point de bascule de la campagne électorale, et la réforme dont la gauche est la plus fière depuis cinquante ans.

Quelques semaines plus tard, au moment de nommer son Garde des Sceaux, le président Mitterrand choisit plutôt Maurice Faure. Et il ne tient qu’au fait que celui-ci, une fois les élections législatives de 1981 passées, préféra se consacrer à sa mairie de Cahors, pour que Robert Badinter fut nommé Garde des Sceaux, le 23 juin 1981. Sa vie allait basculer pour la troisième fois.

L’homme de droit

« La peine de mort est abolie ». Jamais sans doute un texte aussi court eût un tel impact. Six mots qui ont changé la République française, et même bien au-delà. Votée dans les conditions que l’on sait, après l’extraordinaire discours de Robert Badinter à l’Assemblée nationale le 17 septembre 1981, qui commençait ainsi « J’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France », l’abolition de la peine de mort fut prononcée par la loi du 9 octobre 1981. Ce combat, qui montre combien peuvent se mêler les métiers de professeurs de droit, d’avocat et de ministre, fut décrit dans le détail par Robert Badinter dans son livre L’Abolition.

Commence alors paradoxalement une période difficile où le nouveau Garde des Sceaux, loin d’être adulé pour cet incontestable progrès humain, est au contraire détesté car on lui reproche son passé d’avocat et un supposé laxisme, alors que, comme il le disait : « Défendre, c’est aimer défendre, non aimer ceux qu’on défend ».

Dans un récit aigre-doux, il a raconté les épreuves traversées pendant cette période dans un livre méconnu, mais magnifique « Des épines et des roses » (Fayard, 2011). Il y relate les innombrables menaces et insultes, parfois antisémites, dont il fit l’objet. Ses enfants durent être placés sous protection, au point que, le 3 juin 1983, retranché dans son bureau de la place Vendôme, il craint que la manifestation de policiers qui se déroule sous ses fenêtres, avec force insultes et menaces, et à laquelle participe Jean-Marie Le Pen, dégénère et qu’ils viennent le chercher. Il dit alors à Jean-Marc Sauvé, qui était conseiller technique dans son cabinet, « S’ils entrent, nous nous défendrons à coup de codes Dalloz ».

Avec force courage, Robert Badinter s’est pourtant employé, pendant toute cette période à moderniser la justice et les lois françaises par une série de réformes qui en font, encore aujourd’hui, la période la plus prolixe du Ministère de la justice. Les lois liberticides « anticasseurs » et « sécurité et liberté » sont abrogées, la Cour de Sûreté de l’État est abolie, les tribunaux des forces armées sont supprimés par la loi du 21 juillet 1982, les sinistres QHS (Quartiers de Haute sécurité) dans les prisons sont fermés. D’autres textes sont tout aussi importants comme celui qui permit la saisine par tout citoyen de la Cour européenne des droits de l’homme, la mise en place de la « transparence » pour les promotions de magistrats, ou la création de l’Institut national d’Aide aux Victimes et de Médiation (Inavem). Et puis, deux réformes majeures, de nature très différente, vont également marquer le passage de Robert Badinter place Vendôme : la dépénalisation de l’homosexualité et l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation par la loi de 1985 qui, curieusement, est la seule qui porte son nom. C’est aussi sous son Ministère que des femmes accédèrent pour la première fois aux plus hautes fonctions de l’institution judiciaire : Simone Rozès comme première présidente de la Cour de cassation et Myriam Ezratti comme directrice de l’administration pénitentiaire.

C’est toujours au cours de cette période que Robert Badinter va être confronté à son passé en même temps qu’à un dilemme terrible. En 1983, il est averti que Klaus Barbie a été localisé en Bolivie et qu’il peut soit être éliminé discrètement sur place, soit être ramené en France pour être jugé. Or Klaus Barbie fut non seulement le sinistre chef de la Gestapo à Lyon, mais fut aussi celui qui était directement à l’origine de la déportation et de la mort de la famille de Robert Badinter. Barbie a signé de sa main l’ordre de déportation de son père Simon. Là où nombreux auraient sans doute fait primer un légitime instinct de vengeance, Robert Badinter le fit rapatrier en France, via Cayenne. Arrivé en Métropole, il fut provisoirement incarcéré à la prison Montluc, près de Lyon car, écrit Robert Badinter, « Quarante ans après ses crimes, c’est à Montluc que Barbie devait passer la nuit, seul dans une cellule avec les ombres des êtres qu’il avait martyrisés », dont sa propre famille. Rien ne ferait dévier l’homme de droit de sa trajectoire : même les pires assassins auraient droit à un procès et à une défense. Telle est la supériorité de notre République sur leur barbarie. Céder à la vengeance eut constitué une victoire de cette même barbarie. « Pour ma part, ajoutera Robert Badinter, que le chef de la Gestapo de Lyon finisse ses jours au fond d’une prison me paraissait une victoire morale sur les hommes de sang, de torture et de mort ». Et cela permit ce procès unique, bouleversant, le seul d’un responsable nazi sur le territoire national.

C’est au nom d’un même sentiment de justice qu’il se déclarera favorable en 2002 à la libération de Maurice Papon en raison de son grand âge car, dit-il « il y a un moment où l’humanité doit prévaloir sur le crime ».

Robert Badinter a changé la face de la justice française et des libertés publiques, et c’est donc avec le sentiment de la mission accomplie qu’il peut enfin accepter la présidence du Conseil constitutionnel, qui lui a déjà été proposée plusieurs fois, et qu’il a donc le 19 février 1986 pour neuf ans. Il y retrouve le doyen Georges Vedel avec lequel les disputatio deviennent légendaires. Pendant cette période, il n’aura de cesse que d’affirmer et de garantir l’indépendance de l’institution, ce qui était d’autant plus nécessaire que les conditions de sa nomination avaient été légitimement questionnées. Au cours de son mandat, il sera confronté à des questions institutionnelles inédites comme celles posées par les deux premières cohabitations de la 5e République, ou celle du référendum du Traité de Maastricht. Il aura même un affrontement assez dur avec le Premier Ministre Edouard Balladur. Deux ans avant l’arrivée de ce dernier à Matignon, c’est Robert Badinter qui était sur le point d’y entrer avant que François Mitterrand lui préfère finalement Edith Cresson.

Ce sont aussi des années de production littéraire impressionnante. Et notamment l’indépassable biographie de Condorcet qu’il publia en 1988 avec la femme qui partage sa vie depuis 1965, la philosophe Elisabeth Badinter, et avec laquelle ils ont trois enfants, et dont l’ainé des garçons se prénomme Simon. Ensemble, ils forment un couple mythique.

À la fin de son mandat au Conseil constitutionnel, à 67 ans, il aurait pu aspirer à une vie plus calme, et lorsque la proposition de devenir parlementaire lui est faite, il commence par la décliner. Encore au pouvoir pour quelques mois, c’est le Président Mitterrand qui le convainc d’accepter de se faire élire au Sénat, faisant jouer la proximité du palais du Luxembourg avec le domicile de Robert Badinter et le goût de celui-ci pour les promenades dans le jardin. L’argument porte. Robert Badinter ira donc travailler à pied, pendant encore seize ans. Par une singulière continuité historique, il fut rapporteur du projet de loi visant à constitutionnaliser l’abolition de la peine de mort en 2007. Et l’année suivante, il assista, comme sénateur, à l’avènement d’une réforme qui lui tenait à cœur depuis deux décennies : l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité. En 1989, à l’occasion du bicentenaire de la Révolution, il plaidait en effet déjà pour ce qu’il appelait alors l’exception d’inconstitutionnalité, avec une idée simple : « en 1789 on a affirmé les droits, en 1989, on les exerce ». Il convainc de cette réforme le président de la République qui, dans une interview du 14 juillet 1989, le jour même du bicentenaire donc, s’y déclara favorable. Il faudra cependant encore attendre 19 ans et la réforme constitutionnelle de 2008 pour que la QPC soit consacrée, transformant en profondeur le lien des citoyens avec le droit.

                                                     ***

À l’instar de son combat pour la QPC, certains engagements de Robert Badinter se déroulèrent sur plusieurs années, et même plusieurs décennies. Ils sont admirablement relatés dans la monumentale biographie intellectuelle que lui a consacré le Professeur Paul Cassia en 2009 (Robert Badinter, un juriste en politique, Fayard), dont le titre fait bien sûr écho à la biographie des époux Badinter consacrée à Condorcet « Un intellectuel en politique ». La diversité des champs intellectuels de Robert Badinter ressort également parfaitement des Mélanges qui lui ont été offerts en 2016, intitulés « L’exigence de justice » (Dalloz éd.), dont la liste des contributeurs reflète la personnalité et le rayonnement exceptionnels du dédicataire.

Parmi les combats que Robert Badinter a menés toute sa vie, outre bien sûr l’abolition de la peine de mort, on peut citer sa lutte incessante contre l’antisémitisme, et le livre qu’il a commis (Un antisémitisme ordinaire, Fayard, 1997). Il est d’ailleurs l’auteur de la formule éloquente « la lepénisation des esprits », d’une particulière acuité aujourd’hui. On citera également son combat pour des prisons dignes, et il fit encore récemment, en 2019, une visite à celle de la Santé à l’occasion de l’inauguration d’une médiatèque « Robert-Badinter », là même où Roger Bontems avait été exécuté. On mentionnera encore son combat pour l’avènement d’une justice criminelle internationale, d’abord avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, puis la Cour pénale internationale, devant laquelle, lors de sa dernière prise de parole publique en 2023, il disait qu’un jour Vladimir Poutine serait renvoyé.

Infatigable défenseur des libertés, ces combats prenaient parfois des tours plus originaux, comme cette pièce de théâtre qu’il a écrite sur le procès d’Oscar Wilde accusé d’homosexualité et qui sera mise en scène en 1995 par Jorge Lavelli au Théâtre de la Colline, ou ce livret d’opéra, inspiré d’un roman de Victor Hugo, qui raconte l’horreur de l’enfermement au XIXe siècle dans la prison de Clairvaux, « une centrale qui, comme un monstre, broie les hommes, les tue ». Cet opéra sera donné à Lyon en mars 2013, dans une mise en scène d’Olivier Py. Quand la mort a rattrapé Robert Badinter, il rédigeait encore un livre intitulé « La Démocratie illibérale », annoncé pour 2024.

Au cours de ses multiples vies, Robert Badinter exerça aussi une activité libérale, comme avocat bien sûr, mais aussi comme arbitre international dans des dossiers majeurs. Et puis, en quittant le Sénat, à 84 ans, toujours pas rassasié, il eut l’idée originale de créer un cabinet d’un nouveau genre : non pas d’avocats, car il ne voulait pas retourner au Barreau, mais de consultants. Il voulait à la fois que tout le champ juridique, droit privé et droit public, soit couvert et que les associés de ce cabinet soient tous de la même génération, c’est-à-dire environ 40 ans de moins que lui. Il confia à l’auteur de ses lignes la mise en place du cabinet et sa direction, ce qui lui vaut sans doute d’avoir été sollicité pour cet hommage. Ce fut l’aventure de Corpus Consultants : quatorze professeurs de droit travaillant aux confluents de leur discipline, toujours à plusieurs sur chaque consultation, avec un procédé normé et balisé, et sous la supervision vigilante de Robert Badinter qui exerçait une présidence active et précise. Il venait d’inventer la professionnalisation de la consultation juridique qui en avait bien besoin. Il quitta le cabinet en 2016, mais celui-ci existe toujours.

Au cours de cette période, j’ai eu l’immense privilège de fréquenter le grand homme, avec lequel chaque moment partagé, à Paris ou ailleurs, était un mélange de grâce et d’effervescence intellectuelle, et où chaque récit de son histoire personnelle était aussi un morceau de l’histoire de France. J’étais bien sûr conscient de côtoyer une légende vivante et je prenais des notes pour pouvoir les restituer un jour, ce qui est aussi l’objet du présent hommage. Ce jour est malheureusement arrivé, mais les souvenirs ne sont pas prêts de disparaître. 

Robert Badinter et les éditions Dalloz: « une histoire d’amour »

En 2019, lors de la remise du prix Malesherbes au ministère de la Justice, Robert Badinter nous avait, avec beaucoup de gentillesse, accordé une interview à propos d’un ouvrage de Thibault de Ravel d’Esclapon consacré à Désiré Dalloz, vidéo dans laquelle il déclarait son « amour » aux éditions Dalloz. En hommage, nous publions cette interview pour la première fois dans son intégralité.

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Panorama rapide de l’actualité « santé » des semaines du 15 janvier au 31 janvier 2024

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Personne et corps humain

Accouchement sous X et accès aux origines

La France n’a pas violé la Convention européenne des droits de l’homme en refusant de révéler à une personne née « sous X » l’identité de sa mère biologique. La CEDH considère que le juste équilibre entre le droit de la requérante de connaître ses origines et les droits et intérêts de sa mère biologique à maintenir son anonymat n’a pas été rompu.
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De l’appel d’une décision du JLD par le majeur placé sous curatelle en matière d’hospitalisation sans consentement

Au mois de juillet dernier, nous commentions dans ces colonnes une décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation ayant précisé que le majeur placé sous une mesure de curatelle n’a pas besoin de l’assistance de son curateur pour remettre en question la décision de maintien de soins psychiatriques sans consentement à son égard (Civ. 1re, 5 juill. 2023, n° 23-10.096 FS-B, Dalloz actualité, 12 juill. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 1498 image, note J.-J. Lemouland et G. Raoul-Cormeil image ; AJ fam. 2023. 466, obs. V. Montourcy image ; RTD civ. 2023. 599, obs. A.-M. Leroyer image). Un arrêt rendu le 31 janvier 2024 vient réitérer le fond de cette solution avec une nouvelle publication au Bulletin. Nous allons examiner pourquoi ces deux décisions forment un diptyque important pour les professionnels pratiquant les textes du code de la santé publique.

À l’origine du pourvoi, on retrouve une situation débutant le 21 août 2022 par l’admission d’un majeur placé sous curatelle en soins psychiatriques sans consentement par décision du préfet de police de Paris. La mesure initiale, une hospitalisation complète, a été modifiée en un programme de soins qui a conduit par la suite à une nouvelle hospitalisation complète. Le préfet de police saisit le juge des libertés et de la détention pour poursuivre la mesure, poursuite ordonnée le 1er septembre 2022. Le 12 septembre suivant, le majeur hospitalisé interjette appel. Par ordonnance du 16 septembre 2022, le premier président de la cour d’appel saisie du dossier déclare irrecevable l’appel formé puisque le majeur n’avait pas été assisté par son curateur. L’intéressé se pourvoit en cassation en reprochant à l’ordonnance une violation de la loi dans la mesure où il pouvait interjeter appel sans l’assistance de son curateur.

Le pourvoi aboutit, en effet, à la cassation de l’ordonnance du premier président pour violation de la loi. Nous allons étudier pourquoi.

La recevabilité du pourvoi comme amorce de la solution au fond

Le problème de l’assistance du curateur, qui était posé au moment de la procédure d’appel, rejaillit lors du pourvoi en cassation puisque le préfet...

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