L’union de syndicats n’a pas à être propriétaire des éléments d’équipement qu’elle gère

L’article 29 de la loi du 10 juillet 1965 n’impose pas que les éléments d’équipement gérés par une union de syndicats soient la propriété indivise de ses membres, il suffit qu’ils profitent aux syndicats composant cette union.

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Règlement intérieur obligatoire : c’est à l’employeur d’établir l’effectif de l’entreprise

Pour pouvoir prononcer une sanction autre que le licenciement, sans s’appuyer sur un règlement intérieur, l’employeur doit rapporter la preuve que le seuil d’effectif de l’entreprise est, au jour du prononcé de la sanction, habituellement resté inférieur à cinquante salariés pendant plus de douze mois.

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Modification du contrat d’assurance : exigence d’une preuve écrite

Si le contrat d’assurance constitue un contrat consensuel, sa preuve est subordonnée à la rédaction d’un écrit. Lorsqu’est contestée la réalité du contrat ou de sa modification ou le contenu de ceux-ci, la preuve ne peut en être rapportée que par le contrat ou un avenant signé des parties ou, à défaut, par un commencement de preuve par écrit complété par des éléments extrinsèques.

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La liberté de la presse bute sur l’évacuation de campements de migrants

Alors qu’il consacre la liberté de la presse comme une liberté fondamentale, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté le recours présenté par deux journalistes qui sollicitaient un droit d’accès aux opérations d’évacuation des camps de migrants dans les Hauts-de-France.

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Action en démolition et transfert de compétence en matière de plan local d’urbanisme

La commune a, en concurrence avec l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, qualité pour agir en démolition ou en mise en conformité d’un ouvrage.

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Le séquestre et le notaire : prudence est mère de sûreté

Lorsque l’article 1960 du code civil énonce que « le dépositaire chargé du séquestre ne peut être déchargé avant la contestation terminée, que du consentement de toutes les parties intéressées, ou pour une cause jugée légitime. », qu’entend-il précisément par « parties intéressées » ? Voici une manière de présenter la question au cœur de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 20 janvier 2021. La fin du séquestre est une question épineuse (Rép. civ., v° Séquetre, par F.-J. Pansier, n° 37). La précision de ses contours reste donc toujours utile pour une technique très utilisée par la pratique contractuelle. Les faits ayant donné lieu à l’arrêt sont des plus classiques dans le contentieux de la vente immobilière.

Des particuliers concluent un contrat de vente le 6 avril 2007 sur un bien immeuble pour lequel des travaux de dépollution doivent être faits par l’Agence nationale des déchets radioactifs (l’ANDRA). Une somme de 200 000 € a été ainsi prélevée sur le prix de vente et séquestrée auprès du notaire authentifiant l’acte. L’acquéreur et le vendeur ont décidé que la somme sera libérée sur présentation d’une facture de l’ANDRA par la partie la plus diligente. Le 7 avril 2011, les 200 000 € ont été versés aux parties à l’acte de vente, d’un commun accord. L’ANDRA sollicite toutefois en 2015 la libération de la somme restante due au titre...

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Cartels : extension de la présomption d’influence déterminante

Pour la première fois, la CJUE étend la présomption d’exercice d’une influence déterminante au cas où une société mère détient 100 % des droits de vote associés aux actions de sa filiale, même si elle ne détient pas la totalité ou la quasi-totalité du capital social de cette dernière. 

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Faciliter la transition des documents d’urbanisme communaux

Les sénateurs ont adopté le 9 février une proposition de loi visant à sécuriser l’abrogation des cartes communales et la caducité des plans d’occupation des sols (POS). 

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Les sénateurs ont adopté le 9 février une proposition de loi visant à sécuriser l’abrogation des cartes communales et la caducité des plans d’occupation des sols (POS). 

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L’état d’urgence sanitaire sera prolongé jusqu’au 1[SUP]er[/SUP] juin 2021

Les députés ont définitivement adopté, le 9 février 2021, le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Déclaré à compter du 17 octobre 2020 sur l’ensemble du territoire national, l’état d’urgence sanitaire a permis au gouvernement de prendre des mesures destinées à faire face à l’épidémie de covid-19.

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L’état d’urgence sanitaire sera prolongé jusqu’au 1[SUP]er[/SUP] juin 2021

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Compétence dans l’Union et article 145 du code de procédure civile

L’article 145 du code de procédure civile dispose que, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

L’article 35 du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose quant à lui que « les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d’un État membre peuvent être demandées aux juridictions de cet État, même si les juridictions d’un autre État membre sont compétentes pour connaître du fond ». L’examen de la portée de l’article 35 en droit de l’Union a donné lieu à des études approfondies (M. Nioche, La décision provisoire en droit international privé européen, Bruylant, 2012 ; J.-F. Van Drooghenbroeck et C. De Boe, « Les mesures provisoires et conservatoires dans le règlement Bruxelles I bis », in E. Guinchard [dir.], Le nouveau règlement Bruxelles I bis, Bruylant, 2014, p. 167 ; D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, PUF, t. 1, 2017, nos 150 s. ; G. Payan [dir.], Espace judiciaire européen, Bruylant, 2020, p. 543 s.).

Du point de vue français, on peut se demander si les mesures envisageables en application de l’article 145 peuvent être qualifiées par principe de mesures provisoires ou conservatoires au sens de l’article 35. Il s’agit d’une difficulté récurrente, qui a retenu l’attention de la doctrine (par ex. H. Gaudemet-Tallon et M.-E. Ancel, Compétence et exécution des jugements en Europe, 6e éd., LGDJ, 2018, nos 327 s. ; G. Cuniberti, L’expertise judiciaire en droit judiciaire européen, Rev. crit. DIP 2015. 519 image, spéc. nos 14 s.).

Il faut en effet souligner que les « mesures provisoires ou conservatoires » de l’article 35 constituent une notion autonome du droit européen, qui ne doit pas être interprétée au regard des conceptions du droit français et il appartient à la Cour de justice de l’Union européenne d’en déterminer les contours. Or la Cour de justice a développé une approche restrictive de cette notion. Par un arrêt du 26 mars 1992, elle a ainsi retenu qu’il y a lieu d’entendre par « mesures provisoires ou conservatoires » les mesures qui, dans les matières relevant du champ d’application du règlement, sont destinées à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder des droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond (CJCE 26 mars 1992, aff. C-261/90, Reichert [Cts] c. Dresdner Bank AG, pt 34, D. 1992. 131 image ; Rev. crit. DIP 1992. 714, note B. Ancel image ; JDI 1993. 461, obs. A. Huet). La Cour de justice a par la suite, le 28 avril 2005, fourni une illustration de cette approche, en jugeant que ne relève pas de la notion de « mesures provisoires ou conservatoires » une mesure ordonnant l’audition d’un témoin dans le but de permettre au demandeur d’évaluer l’opportunité d’une action éventuelle, de déterminer le fondement d’une telle action et d’apprécier la pertinence des moyens pouvant être invoqués dans ce cadre (CJCE 28 avr. 2005, aff. C-104/03, St Paul Dairy Industries NV c. Unibel Exser BVBA, D. 2005. 1376 image ; ibid. 2006. 1495, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke image ; Rev. crit. DIP 2005. 742, note E. Pataut image ; ibid. 2007. 53, étude A. Nuyts image).

Pourtant, la Cour de cassation a paru s’abstraire de la perspective restrictive développée par la Cour de justice. Par un arrêt du 14 mars 2018, elle a ainsi retenu que la cour d’appel avait déduit à bon droit de l’article 35 du règlement, « sans avoir à déterminer la juridiction compétente pour connaître du fond, […] que la juridiction française était compétente pour ordonner, avant tout procès, une mesure d’expertise devant être exécutée en France et destinée à conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige » (Civ. 1re, 14 mars 2018, n° 16-19.731, Dalloz actualité, 6 avr. 2018, obs. F. Mélin ; D. 2018. 623 image ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; ibid. 1016, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; Rev. sociétés 2018. 526, note M. Menjucq image ; Rev. crit. DIP 2019. 186, note G. Cuniberti image ; JDI 2018. Comm. 15, note H. Gaudemet-Tallon ; JCP 2018. 702, note F. Mailhé ; LPA 8 juin 2018, note P. Feng et H. Meur). Cet arrêt du 14 mars 2018 ne s’est pas en effet explicitement référé aux conditions, évoquées par la Cour de justice le 26 mars 1992, concernant la finalité de la mesure, de sorte que l’on a pu croire que pour la Cour de cassation, les mesures de l’article 145 s’insèrent par principe dans le régime de l’article 35.

L’arrêt du 27 janvier 2021 montre que cette interprétation était excessive, dans une affaire dans laquelle un contrat avait été conclu par une société française et une société allemande et prévoyait une clause attributive de compétence au juge allemand. La société allemande avait, par la suite, saisi un président de tribunal de commerce en France aux fins de procéder à des investigations informatiques et à la récupération de données. La cour d’appel avait refusé d’ordonner les mesures sollicitées au motif qu’elles avaient, selon elle, pour but de préparer un procès au fond et avaient donc un caractère probatoire et non pas provisoire ou conservatoire. La décision d’appel est toutefois cassée, faute pour les juges du fond d’avoir recherché si les mesures « n’avaient pas pour objet de prémunir la société [allemande] contre un risque de dépérissement d’éléments de preuve dont la conservation pouvait commander la solution du litige ».

L’arrêt du 27 janvier 2021 renoue ainsi avec une approche plus classique que celle retenue le 14 mars 2018, en imposant de confronter les mesures sollicitées au titre de l’article 145 du code de procédure civile aux critères dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne à propos de l’article 35 du règlement.

Procès des policiers de la BAC du XVIII[SUP]e[/SUP] : « Ce que vous dites, c’est quasiment une réplique de ripoux ! »

Vendredi, la 16e chambre correctionnelle s’est penchée sur une saisie de pâte de dattes et d’un vol de 1 200 €, alors que ce mardi, les policiers de la BAC du XVIIIe, renvoyés pour de très nombreux délits, étaient interrogés sur des faits de consultation de fichiers et de blanchiment.

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Certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage : déjà du nouveau…

Le 1er janvier 2021 est devenue effective la possibilité de recourir à des services en ligne de médiation, conciliation ou arbitrage. Ceci grâce à « un empilement de normes, prises à des dates diverses et qui opèrent des renvois entre elles, au risque qu’on ne les voie pas » (C. Bléry, Modalités d’accréditation des organismes certificateurs des services de MARD en ligne : un système complexe, Dalloz actualité, 13 janv. 2021). De manière assez inattendue, le décret présenté du 29 janvier 2021 apporte des modifications au régime de la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage.

Il modifie certaines dispositions des décrets n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif à la liste des médiateurs auprès de la cour d’appel et n° 2019-1089 du 25 octobre 2019 relatif à la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage en vue de l’établissement des listes de médiateurs par les cours d’appel et de la mise en œuvre de la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage. Il est complété par un arrêté du 29 janvier 2021 fixant la liste des pièces justificatives à fournir pour l’inscription sur la liste prévue à l’article 22-1 A de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

Services en ligne de médiation, conciliation ou arbitrage

Loi Belloubet

Rappelons sommairement la genèse de cet ensemble (pour plus de détail, v. C. Bléry, art. préc.). L’article 4 de la loi Belloubet n° 2019-222 du 23 mars 2019 a inséré les articles 4-1 à 4-7 à la loi J21 n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 : ils réglementent des services en ligne, de conciliation ou de médiation (art. 4-1), d’arbitrage (art. 4-2) ou d’aide à la saisine des juridictions (art. 4-4), précisent leur statut qui leur est plus ou moins commun (v. C. Bléry, Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : aspects numériques, D. 2019. 1069 image). Ces services en ligne de médiation, de conciliation et d’arbitrage peuvent faire l’objet d’une certification délivrée par un organisme accrédité dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État évoqué (L. préc., art. 4-7, al. 1er et 2). Or « les conditions de délivrance et de retrait de la certification mentionnée au présent article ainsi que les conditions dans lesquelles est assurée la publicité de la liste des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage sont précisées par décret en Conseil d’État » (art. 4-7, al. 4).

Précisions réglementaires

Deux décrets ont été pris sur le fondement de cet article 4-7, alinéa 4, de la loi J21, ainsi qu’un arrêté commun afin de permettre l’entrée en vigueur de ces services annoncée au 1er janvier 2021.

Chronologiquement, ce fut d’abord le cas du décret n° 2019-1089 du 25 octobre 2019 relatif à la certification des services en ligne, réglementant « la procédure de demande de certification effectuée par les services en ligne auprès de l’organisme certificateur : celle-ci suppos[ait] un audit, une éventuelle mise en conformité avec les exigences textuelles – notamment celle du référentiel susévoqué –, les hypothèses de changements dans la situation des personnes proposant les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) en ligne, les recours en cas de refus, la publicité des listes (actualisées) des services en ligne (cette liste actualisée des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage certifiés est ainsi publiée sur le site justice.fr) » (C. Bléry, art. préc.). Il appelait un arrêté technique : « la certification mentionnée à l’article 4-7 de la loi du 18 novembre 2016 susvisée est délivrée par un organisme certificateur sur le fondement d’un référentiel mettant en œuvre les exigences mentionnées aux articles 4-1 à 4-3, 4-5 et 4-6 de la même loi et approuvé par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice » (art. 1er).

Ensuite, le décret n° 2020-1682 du 23 décembre 2020 est intervenu pour énoncer la procédure d’accréditation des organismes certificateurs délivrant la certification des services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation et d’arbitrage. Il précisait « les modalités de l’audit d’accréditation, de la suspension et du retrait de l’accréditation ainsi que les conséquences de la cessation d’activité de l’organisme certificateur » (notice). Lui aussi renvoyait à « un référentiel publié par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice » (art. 5). Les deux référentiels attendus concernant la procédure de certification des services et la procédure d’accréditation des organismes certificateurs ont été approuvés et publiés en annexes d’un arrêté du 23 décembre 2020.

Dans ce contexte, quelles sont les évolutions apportées par le décret du 29 janvier 2021 ?

Évolutions du décret du 29 janvier 2021

Régime de la certification « de plein droit » qui bénéficie aux médiateurs de consommation

D’abord, le décret présenté modifie le régime de la certification « de plein droit » qui bénéficie aux médiateurs de consommation inscrits sur la liste prévue à l’article L. 615-1 du code de la consommation, aux conciliateurs de justice et aux médiateurs inscrits dans la rubrique des services en ligne fournissant des prestations de médiation (art. 8). Contrairement à ce que prévoyait (curieusement) le décret du 25 octobre 2019 (art. 7), ils sont dorénavant exemptés d’une certification par un organisme de certification, ils en bénéficient automatiquement. S’ils n’ont plus à déposer une demande de certification, ils doivent cependant rendre public le document justifiant de leur qualité. Cette évolution se comprend à la lumière de la révision du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif à la liste des médiateurs auprès de la cour d’appel opérée par le décret commenté. Une rubrique spéciale pour les services en ligne de médiation sur les listes de médiateurs auprès des cours d’appel est créée. Il est précisé que les personnes physiques ou morales proposant de tels services doivent remplir les conditions prévues par la loi Belloubet pour les services en ligne de conciliation et de médiation (art. 4-1 et 4-3 : protection des données à caractère personnel, confidentialité sauf accord des parties, information détaillée sur les modalités de la résolution amiable et interdiction du recours exclusif à un traitement automatisé de données à caractère personnel). Les médiateurs inscrits dans cette rubrique bénéficient d’une certification de plein droit désormais automatique, à la différence des médiateurs inscrits dans l’autre rubrique.

C’est ainsi que deux types de prestataires de services de médiation en ligne certifiés, selon ces nouvelles modalités, coexistent :

• d’une part, ceux qui sont inscrits sur la liste des médiateurs auprès d’une cour d’appel et pour lesquels le conseiller de cour d’appel chargé de suivre l’activité des conciliateurs de justice et des médiateurs a vérifié le respect des conditions prévues pour une telle inscription ainsi que les conditions applicables spécifiquement aux prestataires en ligne de services de conciliation ou de médiation. Pour cela, des pièces justificatives doivent lui être communiquées. Il pourra s’agir par exemple du résultat d’une certification volontaire du service de médiation en matière de données à caractère personnel ou plus généralement du résultat d’une certification comme prestataire de service en ligne de médiation. Finalement, pour être certifié de plein droit, il faut prouver qu’on « mérite » de l’être : pour cela, il sera possible de s’appuyer sur une certification volontaire. C’est le serpent qui se mord la queue. Quoi qu’il en soit, ces prestataires seront certifiés de plein droit ;

• d’autre part, les prestataires de services de médiation qui, n’étant pas inscrits sur la liste des médiateurs d’une cour d’appel, font uniquement l’objet d’une certification par un organisme de certification.

La différence entre ces deux catégories de prestataires tient donc à l’inscription ou non sur une liste de médiateurs auprès d’une cour d’appel et au rôle dévolu à l’organisme certificateur. En toute hypothèse, rappelons qu’il n’existe pas d’obligation pour les prestataires de services de conciliation, de médiation ou d’arbitrage d’être certifiés. L’objectif de la certification est de créer la confiance auprès des justiciables qui peuvent facilement en connaître au moyen d’un logo figurant sur le site du prestataire. Afin d’identifier les prestataires certifiés, la Chancellerie a développé le label « Certilis », qui est « la marque de garantie des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage », qui « garantit que le processus de résolution amiable des différends ou d’arbitrage fourni par le service en ligne respecte les obligations fixées par la loi ».

Procédure de certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage

Ensuite, d’autres dispositions du décret du 29 janvier 2021 complètent la procédure de certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage énoncée par le décret n° 2019-1089 du 25 octobre 2019. Le service en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage doit faire l’objet d’un audit de suivi (entre le 14e et le 22e mois suivant la date d’obtention de la certification), il est réalisé à distance sauf exception. Notons qu’une procédure de transfert d’une certification d’un organisme de certification à un autre est instaurée. Il s’agit de concilier l’exigence de suivi des certifications et la libre concurrence entre les organismes de certification. Par ailleurs, une procédure d’extension d’une certification antérieure est introduite. En cas de refus, de suspension ou de retrait de la certification par l’organisme certificateur, un mécanisme de recours interne est ouvert au prestataire. L’instance de recours interne doit se prononcer dans un délai de quatre mois à compter de la réception de la demande. Étonnamment, aucune garantie n’est prévue quant au statut et au fonctionnement de cette instance comme des exigences d’objectivité ou de diligence. Ce mécanisme de recours interne n’est de toute façon pas exclusif d’un recours judiciaire contre une décision de l’organisme de certification.

Interrogations et regrets persistants

Demeurent quelques interrogations et regrets :

Conformité des dispositions adoptées au droit de l’Union

Une première question n’est pas nouvelle, qui est celle de la conformité des dispositions adoptées au droit de l’Union. Les prestataires de services de conciliation, de médiation ou d’arbitrage sont des prestataires de services de la société de l’information, notion qui désigne « tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services » (dir. [UE] 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, art. 1, b). Les règles techniques les concernant, y compris les règles relatives aux services comme les dispositions administratives, doivent être notifiées à la Commission européenne (dir. préc., art. 5). S’agissant de la loi du 23 mars 2019, du décret du 25 octobre 2019, de l’arrêté du 23 décembre 2020 ou du présent décret, aucune trace d’une notification à la commission ne peut être trouvée. Quelle en serait la conséquence ? Une inopposabilité du dispositif adopté (rappr. s’agissant de la procédure de notification prévue par la directive 2000/31/CE en matière de commerce électronique, v. CJUE, gr. ch., 19 déc. 2019, aff. C-390/18, Airbnb Ireland UC, pt. 80, Dalloz actualité, 21 janv. 2020, obs. M. Thioye ; D. 2020. 11 image ; ibid. 2262, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny image ; AJDI 2020. 458 image, obs. M. Thioye image ; RDI 2020. 273, tribune Ninon Forster et A. Fuchs-Cessot image ; Dalloz IP/IT 2020. 265, obs. A. Lecourt image ; JT 2020, n° 226, p. 11, obs. X. Delpech image ; JCP E 2020. 1129, note T. Douville et H. Gaudin, p. 48 s.) ? La portée de cette sanction serait toutefois limitée s’agissant de la certification des services de conciliation, de médiation ou d’arbitrage en ligne.

Coût de l’inscription sur la liste de conciliateurs ou médiateurs en ligne

Une autre est celle du coût imposé aux personnes qui voudraient s’inscrire sur la liste de conciliateurs ou médiateurs en ligne : obtenir la certification, même à titre de simple preuve, ne sera pas gratuit. Ce prix à payer, surtout alors que les conciliateurs sont bénévoles, ne sera-t-il pas difficilement supportable, voire carrément rédhibitoire ?

Pourquoi ne pas plutôt permettre une mise en relation des conciliateurs ou médiateurs et des parties via le Portail du justiciable ? Ce serait d’autant plus envisageable et bienvenu que certains tribunaux de commerce offrent un accès aux conciliateurs de justice du décret n° 78-381 du 20 mars 1978 : ces derniers peuvent être saisis sans forme (C. pr. civ., art. 1536), d’où la mise en relation simple, gratuite et efficace, proposée (v. le lien sur le portail des tribunaux de commerce de Versailles ou Bobigny).

Une fois de plus, nous regretterons tant la complexité des textes, accrue par leurs modifications incessantes, que la complexité des procédures qu’ils régissent, alors que le besoin de justice n’est pas suffisamment satisfait…

Du bon usage du référé dans les sociétés commerciales

L’annulation des délibérations de l’assemblée générale d’une société, qui n’est ni une mesure conservatoire, ni une mesure de remise en état, n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, qui peut, en revanche, en suspendre les effets.

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Expropriation : prorogation du délai d’appel expirant un jour férié

Le principe selon lequel un délai qui expire un jour férié est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable est applicable dans le contentieux de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

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Expropriation : prorogation du délai d’appel expirant un jour férié

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Une dernière représentation du contentieux post-divorce des donations conjugales révocables

Le contentieux post-divorce sur la révocation des donations conjugales est en voie naturelle de disparition. À l’occasion de cet arrêt du 16 décembre 2020, nous assistons sans doute à l’une des dernières représentations d’une pièce de théâtre d’un autre temps. Elle a pour enjeu le caractère révocable ou irrévocable d’une donation entre époux, selon qu’elle revêt ou non une dimension rémunératoire. La question ne se pose plus guère désormais que pour les donations conjugales entre vifs consenties avant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004. Autant dire que le spectacle se fera de plus en plus rare (sur ce contentieux v. not., J. Casey, La preuve de la donation rémunératoire et l’avocat « professionnel qualifié », AJ fam. 2016. 603 ; Rép. civ., v° Séparation de biens, par G. Yidririm, nos 429 s. ; sur la notion de donation rémunératoire, notamment son intérêt au regard de l’incapacité de recevoir à titre gratuit à laquelle elle échappe, Rép. civ., v° Donation, par I. Najjar, nos 58 s. ; Rép. civ., v° Donation entre époux, par V. Brémond, nos 27 s. ; C. Goldie-Génicon, Les libéralités rémunératoires, in Mélanges en l’honneur du professeur Gérard Champenois. Liber amicorum, Defrénois, 2012, p. 347 ; P. Timbal, Des donations rémunératoires en droit romain et en droit français, thèse, Toulouse, 1925).

Lever de rideau

Sur scène, deux époux se déchirent. Mariés depuis plusieurs années sous le régime de séparation de biens, ils ne s’entendent plus. Leur divorce est prononcé par un arrêt du 9 septembre 2008 qui énonce notamment la révocation de tous les avantages matrimoniaux consentis par l’époux, sur le fondement de l’ancien article 267 du code civil. Des difficultés s’élèvent quant au règlement de leurs intérêts patrimoniaux.

Au début du premier acte, l’époux attaque : il entend obtenir la révocation des donations qu’il prétend avoir consenties à son épouse (la révocation des avantages matrimoniaux ne lui suffit visiblement pas). Il affirme lui avoir fourni des sommes par l’intermédiaire d’un compte joint. Ces sommes ont été utilisées pour l’acquisition de divers biens immobiliers : deux en indivision et deux au nom personnel de l’épouse. Or, selon l’ancien article 1096 du code civil : « Toutes donations faites entre époux pendant le mariage, quoique qualifiées entre vifs, seront toujours révocables ». Ce texte est applicable en la cause car les donations auraient été consenties avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, le 1er janvier 2005 (art. 47-III L. n° 2006-728 du 23 juin 2006).

À l’ouverture du deuxième acte, l’épouse se défend. Elle sollicite la qualification de l’opération en donation rémunératoire, ce qui exclurait toute possibilité d’en obtenir la révocation. La cour d’appel de Lyon, par arrêt du 3...

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Précisions sur le régime de la mise en demeure

par Jean-Denis Pellierle 11 février 2021

Civ. 1re, 20 janv. 2021, F-P, n° 19-20.680

La mise en demeure n’est pas soumise aux dispositions des articles 665 et suivants du code de procédure civile relatifs à la notification des actes en la forme ordinaire. Tel est l’enseignement que l’on peut tirer d’un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 20 janvier 2021. En l’espèce, suivant acte sous seing privé du 24 décembre 2008, une banque a consenti à un couple d’emprunteurs un prêt d’un montant de 114 000 € remboursable en sept échéances annuelles. À la suite d’impayés, la banque a, par lettre recommandée du 24 mars 2014 mis en demeure les emprunteurs de payer la somme de 123 481,26 € et, par acte du 16 mai 2014, assignés ceux-ci en paiement de cette somme. La demande de la banque ayant été accueillie par un arrêt de la cour d’appel de Rennes en date du 17 mai 2019, ces derniers se pourvurent en cassation, arguant du fait que les lettres de mise en demeure étaient revenues à l’expéditeur avec la mention « non réclamé », ce dont il résultait qu’elles...

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Société coopérative agricole : pas d’immatriculation, pas de personnalité morale

Une société coopérative agricole non immatriculée perd la personnalité morale et est requalifiée en société en participation. Partant, la perte de la personnalité morale, qui est un effet de la loi NRE du 15 mai 2001, ne constitue pas une atteinte à l’interdiction de principe d’abandon de la qualité de coopérative par voie de modification statutaire.

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Le report des régionales et des départementales adopté par les députés

La perspective d’un accord entre députés et sénateurs sur les modalités du report des élections régionales et départementales à juin semble se profiler après l’adoption du texte par l’Assemblée nationale.

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Quels sont les préjudices réparés par les différentes indemnités de licenciement ?

Alors que des salariés licenciés pour motif économique avaient intenté une action en responsabilité extra-contractuelle à l’encontre d’une banque ayant accordé des crédits ruineux à leur employeur et concouru à leur licenciement, la chambre sociale a eu à se prononcer sur l’objet des indemnités de licenciement déjà perçues par ces salariés – indemnité légale et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse – et sur les préjudices réparés par celles-ci.

En l’espèce, une société avait, après un redressement judiciaire, licencié une partie de ses salariés pour motif économique dans le cadre d’un plan de cession partielle, le 29 avril 2004. Certains d’entre eux avaient saisi la juridiction prud’homale pour contester la validité de leur licenciement. Par des arrêts des 29 janvier et 19 mars 2009, la cour d’appel avait considéré que les licenciements étaient sans cause réelle et sérieuse au motif que le plan de sauvegarde de l’emploi était insuffisant au regard des moyens de l’actionnaire de la société et que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement.

En parallèle, les commissaires à l’exécution du plan de la société avaient assigné en responsabilité une banque lui ayant octroyé des crédits ruineux et ayant, par conséquent, aggravé les difficultés économiques à l’origine des licenciements. Les salariés licenciés étaient intervenus volontairement à l’instance pour demander la réparation des préjudices, économique (perte de salaire pour l’avenir) et moral, nés de la perte de leur emploi et de leurs conditions de travail ainsi que la perte de chance d’un retour à l’emploi « optimisé ou équivalent ».

Par un arrêt du 2 juin 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel ayant retenu que la responsabilité de la banque était engagée envers les créanciers, mais ayant déclaré irrecevable l’intervention volontaire des salariés (Com. 2 juin 2015, n° 13-24.714, Dalloz actualité, 4 juin 2015, obs. A. Lienhard ; D. 2015. 1970, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas image ; ibid. 2205, chron. S. Tréard, T. Gauthier et F. Arbellot image ; Just. & cass. 2016. 211, avis image). La cour d’appel de Paris, statuant sur renvoi le 21 juin 2018, a déclaré recevable cette intervention tout en déboutant les salariés de leurs demandes au motif que les préjudices allégués avaient déjà été indemnisés et qu’ils n’étaient pas fondés à demander deux fois l’indemnisation des mêmes préjudices.

Les salariés ont formé un pourvoi en cassation. Ils considéraient que leur demande, fondée sur le principe de réparation intégrale, visait à faire condamner la banque, dont la faute avait concouru à la réalisation du dommage, au paiement de dommages-intérêts venant réparer des préjudices distincts de ceux déjà indemnisés. Selon le moyen, les indemnités de licenciement ne les indemnisaient nullement des préjudices distincts dont ils demandaient la réparation dans le cadre de l’action en responsabilité extra-contractuelle intentée à l’encontre de la banque. Ils sollicitaient précisément « une somme équivalente aux rémunérations qu’ils auraient dû percevoir depuis leur licenciement, auxquelles s’ajoutait un montant devant couvrir le préjudice lié à la perte des conditions de travail et d’évolution de leur rémunération en raison de leurs ancienneté et compétences (15 000 €), de laquelle étaient retranchée 24 mois de droits Pôle emploi, outre les dommages et intérêts perçus en suite des arrêts rendus par la chambre sociale de la cour d’appel de Paris ».

Le 27 janvier 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que les juges du fond, « ayant constaté que les salariés licenciés pour motif économique avaient bénéficié d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi et du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement », avaient justement déduit « que les préjudices allégués par les salariés résultant de la perte de leur emploi et la perte d’une chance d’un retour à l’emploi optimisé en l’absence de moyens adéquats alloués au plan de sauvegarde de l’emploi avaient déjà été indemnisés ». Cette solution découle des précisions données par les juges du Quai de l’Horloge sur l’objet des différentes indemnités déjà perçues par les salariés licenciés.

L’indemnité légale de licenciement. La chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur la nature de l’indemnité légale de licenciement (C. trav., art. L. 1234-9). Elle a pu préciser que cette indemnité trouvait sa source non dans l’exécution du contrat mais dans sa rupture. N’étant pas la contrepartie de la prestation de travail, elle n’a pas la nature de salaire (Soc. 22 mai 1986, n° 83-42.341 ; 20 oct. 1988, n° 85-45.511) mais de dommages-intérêts (Soc. 14 mars 1991, n° 89-10.366). Cette nature justifie que cette indemnité ne soit pas imposable (CGI, art. 80 duodecies) et soit exonérée de cotisations sociales (CSS, art. L. 242-1).

Pour la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, « l’indemnité de licenciement versée au salarié est la contrepartie du droit de résiliation unilatérale dont dispose l’employeur » et a « pour cause exclusive la rupture du contrat de travail » (Civ. 2e, 7 avr. 2011, n° 10-30.566, Dalloz actualité, 20 avr. 2011, obs. J. Marrocchella ; D. 2012. 47, obs. P. Brun et O. Gout image ; RTD civ. 2011. 543, obs. P. Jourdain image). Elle n’a donc pas à être prise en compte, par exemple, pour évaluer la perte des gains professionnels de la victime d’un accident de la circulation dans un contentieux l’opposant à son assureur (Civ. 2e, 11 oct. 2007, n° 06-14.611, D. 2008. 582 image, note J. Mouly image ; RTD civ. 2008. 111, obs. P. Jourdain image). Dans l’arrêt commenté, la chambre sociale donnait pour la première fois une définition de l’indemnité légale de licenciement, reprenant celle retenue par la deuxième chambre civile : « il résulte de l’article L. 1234-9 du code du travail que l’indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, est la contrepartie du droit de l’employeur de résiliation unilatérale du contrat de travail ».

Cette indemnité est donc la contrepartie directe de la rupture du contrat en tant que décision de l’employeur, faisant usage de son droit de résiliation unilatérale du contrat. Cela justifie que le salarié soit privé de cette indemnité lorsqu’il a commis une faute grave (C. trav., art L. 1234-9), c’est-à-dire lorsque la rupture a pour origine un manquement du salarié rendant impossible la poursuite du contrat de travail (Soc. 27 sept. 2007, n° 06-43.867, Dalloz actualité, 10 oct. 2007, obs. A. Fabre ; D. 2007. 2538 image ; ibid. 2008. 442, obs. G. Borenfreund, F. Guiomard, O. Leclerc, E. Peskine, C. Wolmark, A. Fabre et J. Porta image ; RDT 2007. 650, obs. G. Auzero image). La rupture n’apparaît alors plus comme une décision de l’employeur, mais comme une réaction nécessaire aux agissements d’un salarié fautif.

L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La chambre sociale rappelle ensuite l’objet de l’indemnité perçue par un salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse : « il résulte par ailleurs de l’article L. 1235-3 du même code que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l’emploi ». Ce faisant, elle s’inscrit dans le prolongement de sa jurisprudence (Soc. 13 sept. 2017, n° 16-13.578, Dalloz actualité, 27 oct. 2017, obs. B. Ines ; D. 2017. 1766 image ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero image ; Dr. soc. 2017. 1074, obs. J. Mouly image).

Cette définition permet au salarié licencié de demander l’indemnisation de préjudices qui seraient distincts de ceux résultant du licenciement (Soc. 17 juill. 1996, n° 93-46.564). Il peut par exemple prétendre à une indemnisation supplémentaire lorsque le licenciement est prononcé par l’employeur dans des conditions vexatoires (Soc. 27 nov. 2001, n° 99-45.163, D. 2002. 255 image ; Soc. 16 déc. 2020, n° 18-23.966, Soc., 16 déc. 2020, n° 18-23.966, D. 2021. 22 image ; RDT 2021. 46, obs. D. Baugard image). Il en va de même des préjudices indirectement nés de la rupture, comme la perte du droit de lever des stock-options lorsque ce droit est conditionné à la présence du salarié dans l’entreprise à une date déterminée (Soc. 29 sept. 2004, n° 02-40.027, D. 2004. 2656, et les obs. image ; Rev. sociétés 2005. 396, note B. Saintourens image ; RTD civ. 2005. 396, obs. J. Mestre et B. Fages image), ou la perte de chance de bénéficier d’un avantage retraite (par ex., une « retraite chapeau », Soc. 31 mai 2011, n° 09-71.350, Dalloz actualité, 24 juin 2011, obs. A. Astaix ; D. 2011. 1623 image).

Les préjudices directement liés à la rupture injustifiée du contrat de travail sont en revanche déjà indemnisés par l’indemnité octroyée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Celle-ci répare notamment « les conséquences de la survenance de la perte injustifiée d’emploi » (Soc. 24 mai 2018, n° 16-18.307). En l’espèce, les salariés demandaient l’indemnisation des préjudices causés par la perte de leur emploi et la perte de chance d’un retour à l’emploi optimisé en raison d’un plan de sauvegarde de l’emploi non proportionné aux moyens financiers du groupe. Pour les juges du fond, dont l’analyse a été confirmée par la Cour de cassation, ces préjudices, directement causés par la rupture du contrat de travail, avaient déjà été réparés par les indemnités perçues.

Principe de réparation intégrale. Dans sa note explicative, la chambre sociale invoque le principe de réparation intégrale obligeant à réparer tout le préjudice subi (Soc. 23 nov. 2005, n° 03-40.826, D. 2005. 3037 image) mais interdisant d’accorder une réparation supérieure au dommage (Soc. 24 mai 2018, n° 16-18.307, préc.) ou d’indemniser deux fois le même préjudice (Soc. 25 sept. 2013, n° 12-20.256, Dalloz actualité, 17 oct. 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. 2278 image ; Dr. soc. 2014. 79, obs. A. Mazeaud image ; hors droit du travail, v. Civ. 1re, 20 nov. 1990, n° 87-19.564, D. 1991. 455 image, note J.-L. Aubert image ; RTD civ. 1991. 349, obs. P. Jourdain image). Si les préjudices invoqués par les salariés avaient déjà indemnisés, ces derniers ne pouvaient donc pas demander la mise en jeu de la responsabilité extra-contractuelle de la banque fautive.

Quid des indemnités plafonnées ? Il convient de noter qu’en l’espèce, les salariés avaient été indemnisés sur le fondement des textes antérieurs aux ordonnances du 22 septembre 2017 : l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse était alors calculée en fonction du préjudice effectivement subi par les salariés licenciés et ne pouvait être inférieure aux salaires des six derniers mois. En d’autres termes, le préjudice résultant de la rupture injustifiée du contrat de travail avait déjà été intégralement réparé. Un salarié licencié aujourd’hui dans les mêmes conditions percevrait une indemnité plafonnée en fonction de son ancienneté dans l’entreprise (C. trav., art. L. 1235-3).

Faut-il en conclure que cet arrêt ferme la porte à toute possibilité d’obtenir une réparation intégrale du préjudice subi lorsque celui-ci est plus important que le plafond d’indemnisation fixé par le code du travail ? Une action en responsabilité délictuelle, encouragée par la jurisprudence restrictive sur le coemploi (Soc. 2 juill. 2014, n° 13-15.208 à n° 13-21.153, Dalloz actualité, 18 sept. 2014, obs. B. Ines ; D. 2014. 1502 image ; ibid. 2147, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas image ; ibid. 2015. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec image ; Rev. sociétés 2014. 709, note A. Couret et M.-P. Schramm image ; RDT 2014. 625, obs. M. Kocher image ; Rev. crit. DIP 2015. 594, note F. Jault-Seseke image), ne pourrait-elle pas être l’occasion pour des salariés licenciés de demander la réparation de la part du préjudice non couverte par l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Une telle solution permettrait aux salariés, sans augmenter la charge financière du licenciement pour l’employeur, d’obtenir une réparation adéquate de leur préjudice lorsque des fautes commises par des tiers ont concouru à la rupture de leur contrat.

Quels sont les préjudices réparés par les différentes indemnités de licenciement ?

L’indemnité légale de licenciement est la contrepartie du droit de l’employeur de résiliation unilatérale du contrat, tandis que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d’emploi. Un salarié ayant déjà perçu ces deux indemnités ne peut demander l’indemnisation de préjudices déjà réparés par ces dernières – préjudices nés de la perte d’emploi et perte de chance d’un retour à l’emploi optimisé en raison d’un PSE insuffisant – dans le cadre d’une action en responsabilité extra-contractuelle.

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Quels sont les préjudices réparés par les différentes indemnités de licenciement ?

L’indemnité légale de licenciement est la contrepartie du droit de l’employeur de résiliation unilatérale du contrat, tandis que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d’emploi. Un salarié ayant déjà perçu ces deux indemnités ne peut demander l’indemnisation de préjudices déjà réparés par ces dernières – préjudices nés de la perte d’emploi et perte de chance d’un retour à l’emploi optimisé en raison d’un PSE insuffisant – dans le cadre d’une action en responsabilité extra-contractuelle.

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Lorsque la souscription d’un contrat d’assurance sur la vie est imposée par le prêteur comme condition d’octroi du prêt, la prime d’assurance, qui fait partie des frais indirects, doit être prise en compte pour la détermination du taux effectif global.

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On sait que le taux effectif global (dénommé taux annuel effectif global dans le cadre des crédits aux consommateurs) est une notion relativement large (V. à ce sujet, J. Chacornac in D. Fenouillet [dir.], Droit de la consommation. Droit interne et européen, Dalloz Action, 2020, nos 312.60 s. ; D. Legeais, Opérations de crédit, 2e éd., LexisNexis, nos 252 s. ; J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., 2021, Dalloz, coll. « Cours », n° 164). En effet, aux termes de l’article L. 314-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation, « Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l’emprunteur et connus du prêteur à la date d’émission de l’offre de crédit ou de l’avenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées » (comp. anc. art. L. 313-1, al. 1er : « Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces...

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Précisions sur le régime du temps de déplacement lié à l’exercice de mandats de représentation

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Domiciliation bancaire : le Conseil d’État annule le décret n° 2017-1099 du 14 juin 2017

Dans le cadre d’un crédit immobilier, les établissements bancaires imposent parfois à l’emprunteur de domicilier ses revenus en leur sein (V., J. Julien, Droit de la consommation, 3e éd., 2019, LGDJ, Précis Domat, n° 278, p. 389, relevant que cette pratique n’est « en réalité pas si courante que cela »). Le législateur avait souhaité encadrer cette pratique en adoptant l’ordonnance n° 2017-1090 du 1er juin 2017 relative aux offres de prêt immobilier conditionnées à la domiciliation des salaires ou revenus assimilés de l’emprunteur sur un compte de paiement (prise en application de l’art. 67, II, de la loi n° 2016-1691 du 9 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 »), complétée par le décret n° 2017-1099 du 14 juin 2017 fixant la durée pendant laquelle le prêteur peut imposer à l’emprunteur la domiciliation de ses salaires ou revenus assimilés sur un compte de paiement (V. à ce sujet, X. Delpech, Encadrement législatif de la clause de domiciliation des revenus en matière de crédit immobilier, AJ Contrat 2017. 304 ; N. Éréséo, Le nouvel encadrement légal des clauses de domiciliation des revenus in Les nouveaux contentieux en matière de crédit immobilier, LPA, n° spécial, 1er juin 2018, n° 110, p. 9 ; V. Perruchot-Triboulet, Clause de domiciliation de revenus dans les contrats de crédit immobilier régis par le code de la consommation, JCP N 2018, 1262 ; S. Piédelièvre, L’ordonnance du 1er juin 2017, les offres de prêt immobilier conditionnées à la domiciliation des salaires ou revenus, JCP N 2017. Act. 628).

Le dispositif issu de ces textes, entré en vigueur le 1er janvier 2018, ayant suscité un certain nombre de critiques (V. le rapport de la présidente du Comité consultatif du secteur financier remis au ministre Bruno Le Maire en janvier 2019), il fut par la suite abrogé par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », et ce, afin d’encourager la mobilité bancaire (V. à ce sujet, J. Lasserre Capdeville, La remise en cause du droit régissant les clauses de domiciliation par la loi Pacte, RD banc. fin., juill. 2019. Étude 10 ; La remise en cause par le projet de loi PACTE de la clause de domiciliation intéressant les contrats de crédit immobilier, JCP E 2019. 323).

Mais entre-temps, le 9 août 2017, l’Association française des usagers des banques (AFUB) avait saisi le Conseil d’État d’une requête tendant à l’annulation, pour excès de pouvoir, du décret n° 2017-1099 précité. L’AFUB soutenait tout d’abord que les textes français méconnaissaient l’objectif de facilitation de la mobilité bancaire poursuivi par les directives 2007/64, 2014/17, 2014/92 et 2015/2366 et ensuite que le décret litigieux méconnaissait ce même objectif en ce qu’il fixait à dix ans la durée maximale pendant laquelle les établissements de crédit peuvent conditionner l’octroi des avantages individualisés aux consommateurs à une telle domiciliation. Par une décision du 5 décembre 2018, le Conseil d’Etat a cependant sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour de Justice de l’Union européenne se soit prononcée sur deux questions ayant trait à la conformité de la législation relative à la domiciliation bancaire au droit de l’Union européenne. La juridiction de Luxembourg s’est prononcée dans un arrêt du 15 octobre 2020 (CJUE 15 oct. 2020, aff. C-778/18, AFUB c/ Minefi, D. 2020. 2004 image ; RTD com. 2020. 933, obs. D. Legeais image ; JCP 2020. 1394, note J. Lasserre Capdeville ; RDC 2021/1, note J.-D. Pellier, à paraître ; Gaz. Pal., 1er déc. 2020, p. 33, obs. S. Piédelièvre), en considérant notamment que « L’article 12, paragraphe 2, sous a), de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui autorise le prêteur à imposer à l’emprunteur lors de la conclusion d’un contrat de crédit relatif aux biens immobiliers à usage résidentiel, en contrepartie d’un avantage individualisé, la domiciliation de l’ensemble de ses revenus salariaux ou assimilés sur un compte de paiement ouvert auprès de ce prêteur, indépendamment du montant, des échéances et de la durée du prêt », en ajoutant que ce même texte « ne s’oppose pas à une réglementation nationale selon laquelle la durée de domiciliation imposée, lorsque celle-ci ne porte pas sur l’ensemble des revenus salariaux de l’emprunteur, peut atteindre dix ans ou, si elle est inférieure, la durée du contrat de crédit concerné ».

C’est donc le fait d’imposer à un emprunteur la domiciliation de l’ensemble de ses revenus au sein d’un même établissement bancaire qui pose problème. En effet, dès lors que la domiciliation bancaire s’analyse en une vente liée au sens de la directive 2014/17/UE (et non en une vente groupée), elle tombe sous le coup de la prohibition de ce type de vente formulée par l’article 12, paragraphe 1, de cette directive. Certes, le paragraphe 2 de ce texte pose des exceptions à cette prohibition, notamment en permettant aux États membres de prévoir que les prêteurs puissent demander au consommateur, à un membre de sa famille ou à un de ses proches d’« ouvrir ou de tenir un compte de paiement ou d’épargne dont la seule finalité est d’accumuler un capital pour assurer le remboursement du principal et des intérêts du prêt, de mettre en commun des ressources aux fins de l’obtention du crédit ou de fournir au prêteur des garanties supplémentaires en cas de défaut de paiement » (a). Mais il n’était pas certain que tel soit bien le cas de l’ancien article L. 313-25-1 du code de la consommation, dont les deux premiers alinéas prévoyaient que « Le prêteur peut conditionner l’offre de prêt mentionnée à l’article L. 313-24 à la domiciliation par l’emprunteur de ses salaires ou revenus assimilés sur un compte de paiement mentionné à l’article L. 314-1 du code monétaire et financier, sous réserve pour ce prêteur de faire bénéficier en contrepartie l’emprunteur d’un avantage individualisé. Cette condition ne peut être imposée à l’emprunteur au-delà d’une durée maximale fixée par décret en Conseil d’État. Au terme du délai prévu par le contrat de crédit, l’avantage individualisé est acquis à l’emprunteur jusqu’à la fin du prêt » (V. égal., C. consom., anc. art. R. 313-21-1 : « La durée maximale de domiciliation des salaires ou revenus assimilés mentionnée à l’article L. 313-25-1 est fixée à dix ans suivant la conclusion du contrat de crédit, ou le cas échéant, de l’avenant au contrat de crédit initial. Cette durée ne peut en tout état de cause excéder celle du contrat de crédit »). C’est en effet la globalité des salaires et revenus de l’emprunteur que ce texte permettait d’attraire au sein du même établissement bancaire.

Dans ces conditions, l’on comprend que le Conseil d’État ait finalement décidé, le 4 février 2021, d’annuler le décret du 14 juin 2017. Pour ce faire, il considère qu’« Il résulte des termes mêmes de l’article L. 313-25-1 du code de la consommation, alors en vigueur, que ce dernier permet aux établissements de crédit de conditionner l’octroi d’un avantage individualisé, dans le cadre d’un contrat de crédit proposé à un emprunteur relatif à un bien immobilier, à l’engagement de domicilier, pendant une période déterminée, l’ensemble des salaires ou revenus assimilés dans cet établissement, indépendamment du montant, des échéances et de la durée d’un prêt, et non uniquement la seule partie des salaires ou des revenus assimilés de l’emprunteur correspondant à ce qui est nécessaire pour rembourser le prêt, obtenir le crédit ou de fournir au prêteur des garanties supplémentaires en cas de défaut de paiement. Il doit ainsi être regardé comme une vente liée, au sens de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014, prohibée par le a) du paragraphe 2 de l’article 12 de cette directive. Il en résulte que l’ensemble des dispositions de l’article L. 313-25-1 du code de la consommation, qui définissent un seul et même dispositif et sont indivisibles, ne sont pas compatibles avec les objectifs de la directive » (consid. 5). Et il poursuit en considérant qu’« Il résulte de ce qui précède que le décret attaqué du 14 juin 2017, qui a été pris en application du deuxième alinéa de l’article L. 313-25-1 du code de la consommation pour fixer la durée maximale de domiciliation obligatoire des salaires ou revenus assimilés, est dépourvu de base légale et doit, pour ce motif, être annulé » (consid. 6).

La solution est en effet irréprochable dès lors que l’ancien article L. 313-25-1 du code de la consommation laissait aux établissements bancaires la possibilité d’imposer la domiciliation de l’ensemble des salaires et revenus de l’emprunteur. Le décret pris sur le fondement de ce texte était donc voué à l’anéantissement.

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Conclusions d’appel : quand le dispositif indispose

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Conclusions d’appel : quand le dispositif indispose

Appelants d’un jugement du juge de l’exécution, des époux contestèrent la validité d’un jugement de 2006 sur le fondement duquel avait été pratiqués différents actes d’exécution. Leur contestation relative à la validité de la signification, effectuée selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, fut rejetée par la cour d’appel de Rennes. Devant la cour de cassation, ils reprochèrent le rejet de leur demande de non avenu de ce jugement et, partant, de nullité des actes d’exécution réalisés en vertu de cette décision. Leurs deux moyens de cassation, développés longuement avec précision, se concentraient sur l’absence de diligences suffisantes réalisées par l’huissier de justice qui avait initialement dressé un procès-verbal de recherches infructueuses alors, notamment, qu’il connaissait l’adresse des requis en poste restante. Rejetant le pourvoi, la deuxième chambre civile juge :
« 5. Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer le chef d’un jugement l’ayant déboutée d’une contestation de la validité d’un acte de procédure, et accueillir cette contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d’appel.
6. Il ressort des énonciations de l’arrêt, se référant aux dernières conclusions d’appel déposées pour M. et Mme X…, que, dans le dispositif de leurs conclusions d’appel, ces derniers se bornaient à solliciter l’infirmation du jugement frappé d’appel, sans réitérer la contestation de la validité de la signification du jugement du tribunal de commerce rejetée par ce jugement.
7. Il en résulte que la cour d’appel ne pouvait que confirmer le jugement de ce chef. »

Le lecteur qui, au vu de moyens de cassation relatifs à la signification du jugement, développés sur dix pages, s’attendait à un nouvel arrêt sur les exigences imposées aux huissiers de justice par les articles 653 et suivants du code de procédure civile, restera sur sa faim. Et même sur sa fin car la procédure civile a toujours le dernier...

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Sous-traitance : pas de condition suspensive pour la caution de l’entrepreneur principal

Un entrepreneur principal victime de non-conformités et d’exécutions tardives du sous-traitant auquel il avait confié des travaux l’assigne en vue d’obtenir réparation de son préjudice. En défense, le sous-traitant sollicite le paiement de factures impayées (environ 21 000 € sur 85 000). Les juges du fond ont fait droit à cette demande en condamnant l’entrepreneur au paiement des sommes restant dues pour les travaux exécutés et en prononçant la nullité du contrat de sous-traitance.

La question soumise à la Cour de cassation portait sur l’obligation pour l’entrepreneur de fournir une caution au sous-traitant en application des dispositions de l’article 14, alinéa 1er, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance imposant que « les paiements de toutes les sommes dues par l’entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l’entrepreneur d’un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret (…) ». Si d’évidence le défaut de cautionnement constitue un manquement de l’entrepreneur à ses obligations, d’autres situations en pratique ont interrogé, notamment lorsque le cautionnement était produit après la conclusion du contrat. La jurisprudence, appliquant rigoureusement la loi de 1975, avait alors établi dès les années 1990 que la caution devait être présentée dès la conclusion du contrat (v. l’arrêt de principe, Civ. 3e, 30 mars 1994, n° 92-16.535, Bull. civ. III, n° 71), de sorte qu’à défaut, la nullité du sous-traité était prononcée. Cette position prétorienne demeurée constante (Civ. 3e, 17 juill. 1996, n° 94-15.035, Bull. civ. III, n° 192 ; 7 févr. 2001, n° 98-19.937, Bull. civ. III, n° 15 ; RDI 2001. 163, obs. B. Boubli image ; 25 mai 2011, n° 09-17.137, Bull. civ. III, n° 84 ; 5 mai 2011, n° 09-17.137, RDI 2011. 619, obs. H. Périnet-Marquet image) a conduit la pratique à instaurer des aménagements.

L’affaire soumise en propose une illustration : le contrat de sous-traitance était assorti d’une condition suspensive d’obtention d’un cautionnement au profit du sous-traitant. En l’espèce, la condition s’était réalisée environ un mois et demi après la signature du sous-traité. La Cour de cassation vient par le présent arrêt sanctionner le contrat litigieux par la nullité, pour fourniture d’un cautionnement postérieure à la conclusion du sous-traité, jugeant qu’il résulte de l’article 14 de la loi de 1975 « que l’entrepreneur principal doit fournir la caution avant la conclusion du sous-traité et, si le commencement d’exécution des travaux lui est antérieur, avant celui-ci ».

L’établissement du cautionnement bancaire postérieurement à la conclusion du sous-traité commande la sanction par la nullité du contrat, l’article 14 de la loi de 1975 étant d’ordre public. Plus largement, rappelons que la jurisprudence est déjà venue préciser le caractère relatif de la nullité, puisqu’elle vise la protection exclusive du sous-traitant (Com. 19 mai 1980, n° 79-10.716, Bull. civ. IV, n° 203) et l’application de la prescription de cinq ans à l’exercice de l’action, à compter de la conclusion du contrat de sous-traitance (Civ. 3e, 11 oct. 1989, Bull. civ. III, n° 189 ; 20 févr. 2002, n° 00-17.406, Bull. civ. III, n° 43 ; D. 2002. 1347 image, obs. E. Chevrier image ; RDI 2003. 64, obs. H. Périnet-Marquet image).

Par ailleurs, la Cour de cassation précise en l’espèce qu’il importe peu que le cautionnement ait été produit avant l’exécution des travaux, dès lors qu’il est postérieur à l’établissement du contrat : seule une caution antérieure à l’exécution des travaux lorsqu’ils commencent avant la formation du contrat pourrait être recevable. Cela est évidemment une hypothèse rare en pratique. 

Intérêt général de protection du sous-traitant

La décision soumise rappelle que l’obligation de l’entrepreneur « trouve sa justification dans l’intérêt général de protection du sous-traitant ». Où l’on retrouve l’objectif assigné au législateur en 1975 - qui a su mobiliser les mécanismes requis afin de garantir la protection du sous-traitant -, sans cesse poursuivi par la Cour de cassation (pour un rappel exprès à l’égard du cautionnement : Civ. 3e, 10 juin 2014 - QPC, non lieu à renvoi - n° 14-40.020, Bull. civ. III, n° 79). En sanctionnant le défaut de cautionnement par la nullité, le législateur fait de l’établissement d’une caution une condition de validité du contrat de sous-traitance. Partant, un aménagement contractuel en condition suspensive de son obtention ne peut être valable ; la nullité du sous-traité était donc en l’espèce inéluctable. L’article 15 de la loi 1975 apparaît d’ailleurs redondant à cet endroit : « sont nuls et de nul effet, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions de la présente loi ».

Outre l’inefficacité de l’établissement du cautionnement postérieurement au sous-traité, le fait que le contrat ait reçu exécution et que le paiement ait eu lieu ne remet pas en cause l’application de la nullité (Civ. 3e, 12 mars 1997, n° 95-15.522, Bull. civ. III, n° 55 ; 18 juill. 2001, n° 00-16.380, RDI 2002. 56, obs. H. Périnet-Marquet image; Com. 12 juill. 2005, n° 02-16.048, Bull. civ. IV, n° 164). Dans ce prolongement, le sous-traitant pourra obtenir le paiement des travaux réalisés et non intégralement payés, comme ce fut le cas dans la présente affaire. Il en résulte que l’exécution du contrat de sous-traitance n’emporte pas renonciation tacite du sous-traitant à se prévaloir de la nullité. En cela, la jurisprudence ne s’inscrit pas dans l’apport de la réforme du droit des contrats (C. civ., art. 1182, al. 3). La question qui demeure est alors celle de savoir s’il peut y avoir confirmation « expresse » de l’acte nul par le sous-traitant. La réponse, apportée au prisme de la loi de 1975, pourrait être positive si l’on se réfère à l’obligation de contrôle par le maître d’ouvrage, de la délivrance du cautionnement par l’entrepreneur, imposée par l’article 14-1. En effet, l’obligation du maître d’ouvrage n’aurait pas de raison d’être s’il n’était pas possible de régulariser l’acte non valable. Toutefois, une alternative demeure à cet endroit: la régularisation de l’acte pourrait-elle prendre la forme d’une confirmation ou doit-elle consister en l’établissement d’un nouveau sous-traité ? Si, par définition, la nullité relative permet d’envisager la confirmation (C. civ., art. 1181), la seconde branche de l’alternative semble s’inscrire davantage dans la veine de « l’intérêt général de protection du sous-traitant » justifiant l’arrêt du 21 janvier 2021.

Adaptation nécessaire de la pratique

Il reste à souhaiter au plus vite un rayonnement de cette décision dans la pratique. L’on songe en particulier au Guide juridique de la FFB du 11 mai 2020, qui mentionne que la garantie de paiement de l’entrepreneur doit être fournie avant la signature du contrat ou avant l’exécution des travaux si elle est antérieure à la signature mais qui propose aussi, une alternative, en insérant une condition suspensive d’obtention de la garantie (pt 1.5.1). La solution présentée rappelle que ce n’est pas valable.

Par ailleurs, dans une autre mesure, les conditions générales du Contrat type de sous-traitance du BTP de 2018 stipulent que la garantie de l’entrepreneur « est délivrée avant le commencement des travaux » (pt 6-21). Là encore il convient d’adapter les stipulations de ce contrat aux exigences impératives inhérentes à la loi de 1975, rappelées par la décision reproduite. Et ce d’autant plus qu’au-delà de la position judiciaire, si un litige est soumis à une amiable composition, l’arbitre ne saurait passer outre la logique impérative du cautionnement issu de la loi de 1975 (Paris, 19 nov. 2019, n° 17/20392, Dalloz actualité, 14 janv. 2020, obs. V. Chantebout).

Portée juridique

Dans le prolongement de la décision présentée, il convient de s’interroger sur la portée de la réforme du droit des obligations à deux égards.
D’une part, l’entrepreneur pourra-t-il se prévaloir de l’article 1183 du code civil pour obtenir une confirmation du sous-traité via l’exercice d’une action interrogatoire ?
D’autre part, n’y a-t-il pas à craindre que la protection du sous-traitant puisse être malmenée par une nullité conventionnelle (C. civ., art. 1178, al. 1er), dont l’aménagement des effets de la rétroactivité pourrait au pire se solder à la faveur de l’entrepreneur et au mieux déboucher sur un nouveau contentieux ?
Sans doute la Cour de cassation n’a-t-elle pas fini d’être interrogée.

Enfin, bien que la situation du maître d’ouvrage ne soit pas évoquée dans la décision reproduite, rappelons qu’il reste en droit d’engager la responsabilité extracontractuelle du sous-traitant pour les fautes commises lors de l’exécution de ses travaux (Civ. 3e, 14 déc. 2011, n° 10-28.149, Bull. civ. III, n° 213), même si le plus souvent cela reste moins intéressant que de se retourner directement contre l’entrepreneur. S’agissant de ce dernier, outre sa responsabilité qui peut être engagée à l’égard du maître d’ouvrage pour les fautes du sous-traitant, il sera également tenu au paiement du sous-traitant, comme le rappelle l’arrêt, sans que puisse être pris en compte les éventuels retards, malfaçons et non-conformités dont se plaignait en l’occurrence l’entrepreneur principal (Civ. 3e, 5 mars 2020, n° 19-16.407 : « dans le cas où le sous-traité annulé a été exécuté, l’indemnisation du sous-traitant correspond au coût réel des travaux réalisés sans que soit prise en compte la valeur de l’ouvrage » ; 24 mai 2018, n° 16-22.460 ; RDI 2019. 273, obs. H. Perinet-Marquet image 13 sept. 2006, n° 05-11.533, Bull. civ. III, n° 175, D. 2006. 2277, obs. X. Delpech, RDI 2007. 420, obs. H. Périnet-Marquet).

Où la question de savoir si l’intérêt général de protection du sous-traitant, constant et transverse, se fait caution de dérives (nombre d’actions en nullité semblent étrangères au but poursuivi par l’article 14 de la loi de 1975, Civ. 3e, 11 oct. 1989, n° 88-11.960, Bull. civ. III, n° 189 ; 14 oct. 1992, n° 90-21.525, Bull. civ. III, n° 273 ; D. 1994. 148 image, obs. A. Bénabent image ; RDI 1993. 223, obs. P. Malinvaud et B. Boubli image ; 17 juill. 1996, n° 94-15.035, Bull. civ. III, n° 192 ; 12 mars 1997, n° 95-15.522, Bull. civ. III, n° 55) est désormais dénuée d’intérêt.

La Cour de cassation avait d’ailleurs établi à cet égard, au-delà de la finalité poursuivie par le sous-traitant qui sollicite la nullité de son contrat, qu’il ne saurait y avoir abus de droit à exercer son action (Civ. 3e, 21 juin 2018, n° 17-23.909, non publié, RDI 2019. 271, obs. H. Perinet-Marquet image).

L’angle sous lequel s’apprécie la solution de la Cour de cassation est ailleurs : l’entrepreneur principal qui a conclu un marché de travaux à son profit, faisant le choix de recourir à la sous-traitance, doit en supporter la logique tant juridique qu’économique.

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Par son avis rendu le 18 décembre 2020, la Cour de cassation a pris position sur l’épineuse question de l’étendue des pouvoirs du juge commis, désigné pour surveiller les opérations de partage successoral complexes. La question se posait essentiellement en termes de répartition des compétences entre le président du tribunal judiciaire et le juge commis, lorsqu’il en a été désigné un.

Les textes

De fait, les textes organisent de manière très précise les pouvoirs du président du tribunal judiciaire en matière de successions et notamment d’indivision, tout comme les règles procédurales qui président à son intervention. Ainsi, l’article 1379 du code de procédure civile énumère les demandes qui, en matière successorale, relèvent de la compétence du président du tribunal judiciaire statuant sur requête, par contraste avec l’article 1380 du même code qui vise les demandes sur lesquelles le président du tribunal doit statuer suivant les règles de la procédure accélérée au fond (anc. procédure en la forme des référés, sous l’empire du droit antérieur au décr. n° 2019-1419 du 20 déc. 2019).

Parallèlement, et sans que l’articulation entre ces textes ne soit précisée, le code de procédure civile prévoit l’hypothèse dans laquelle l’indivision serait suffisamment complexe pour justifier la désignation, d’une part, d’un notaire pour procéder aux opérations de partage et, d’autre part, d’un juge pour surveiller ces opérations : le juge commis. Les pouvoirs dudit juge sont ensuite précisés par les articles 1365 à 1376 du même code. Pour l’essentiel, le juge se voit confier des missions consistant à débloquer les situations de conflit qui entravent le bon déroulement de la procédure de partage devant le notaire. Il peut ainsi désigner un expert (C. pr. civ., art. 1365), convoquer les parties pour tenter une conciliation (C. pr. civ., art. 1366 et 1373), adresser des injonctions, prononcer des astreintes et procéder au remplacement du notaire commis (C. pr. civ., art. 1371, al. 2), désigner un représentant pour pallier la défaillance d’un héritier lors de l’établissement de l’état liquidatif (C. pr. civ., art. 1367) ou du tirage au sort des lots (C. pr. civ., art. 1376 et 1363), octroyer une prorogation de délai (C. pr. civ., art. 1370), ou encore effectuer un rapport sur les désaccords persistant entre les parties (C. pr. civ., art. 1375). L’ensemble de ces prérogatives semble résumé par l’affirmation de l’article 1371, alinéa 1er, du code de procédure civile, aux termes duquel le juge commis « veille au bon déroulement des opérations de partage et au respect du délai » imparti au notaire pour dresser un état liquidatif. Ce rôle d’appui qui lui est confié dans le cadre des opérations de partage se prolonge dans la fonction de juge de la mise en état que lui confère l’article 1373, alinéa 5, du code de procédure civile.

Tout cela laisse entendre que le rôle du juge commis se cantonnerait à l’encadrement de la procédure de partage, sans aller jusqu’à la prise de décisions de fond concernant les modalités du partage ou la gestion de l’indivision au cours de la procédure de partage. Une disposition, toutefois, laisse planer un doute sur l’étendue de ses pouvoirs : celle de l’article 1371, alinéa 3, du code de procédure civile, qui l’autorise, sans plus de précision, à statuer « sur les demandes relatives à la succession pour laquelle il a été commis ». C’est justement tout l’objet de la demande d’avis soumise à la Cour de cassation, que de solliciter une interprétation de la portée de ce texte.

La demande d’avis

Dans l’affaire ayant donné lieu à la saisine de la Haute juridiction, un notaire désigné pour effectuer les opérations de liquidation partage d’une indivision successorale a saisi le juge commis pour lui demander l’autorisation de procéder, à titre provisionnel, au remboursement de sommes avancées par certains indivisaires pour le compte de l’indivision ainsi qu’au paiement de toutes charges et dettes à venir, par prélèvement sur les prix de vente de biens immobiliers dépendant de l’indivision successorale. La vente desdits biens avait été autorisée judiciairement par une décision précédente.

Or, ce type de demande relève en principe de la compétence du président du tribunal judiciaire, fondée sur les articles 815-6 et 815-11 du code civil.

En effet, l’article 815-6, alinéa 1er, du code civil permet au président de prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun, ce qui peut viser le paiement des dettes et charges de l’indivision par prélèvement sur les fonds...

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La CNIL publie une Charte d’accompagnement des professionnels

Cette Charte s’adresse :

aux responsables de traitement ou leurs sous-traitants et aux associations professionnelles qui les représentent ;

aux fournisseurs de solutions techniques, technologiques ou méthodologiques, dont les produits sont utilisés pour traiter des données personnelles.

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Avis du Contrôleur européen de la protection des données sur le Digital Services Act et le Digital Markets Act

Le Contrôleur européen de la protection des données a publié deux avis (disponibles en anglais) :

l’un sur la proposition de règlement relatif aux services numériques (Digital Services Act), modifiant la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique du 8 juin 2000 ;

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Incompatibilité entre demande de résiliation judiciaire et réintégration pour nullité du licenciement

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d’une même instance, le juge, qui constate la nullité du licenciement, ne peut faire droit à la demande de réintégration.

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Quelques rappels sur la portée de l’article L. 216-4 du code de la consommation

Dans le cadre d’une vente à distance, le vendeur reste tenu des risques de perte de la chose dans le transport jusqu’à la prise de possession par l’acquéreur du bien vendu. 

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Quelques rappels sur la portée de l’article L. 216-4 du code de la consommation

par Cédric Hélainele 17 février 2021

Civ. 1re, 3 févr. 2021, F-P, n° 19-21.046

On connaît la distinction classique de droit des contrats spéciaux entre la délivrance et la livraison ; la première caractérisée par le dessaisissement et la mise à disposition, la seconde par la remise effective de la chose entre les mains de l’acquéreur (P. le Tourneau [sous la dir. de], Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2021, n° 336.61). En droit de la vente à distance, la livraison s’entend de la prise de possession physique de l’objet vendu sur le fondement de l’article L. 216-1 du code de la consommation. Les faits ayant donné lieu à l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation viennent utilement mettre en lumière ces quelques rappels. Après avoir commandé plusieurs biens en ligne auprès d’une société de broderie, un consommateur est étonné de ne pas recevoir le colis contenant ses nouvelles acquisitions. Il assigne devant le tribunal d’instance de Villeurbanne le vendeur en paiement de dommages-intérêts pour ne pas avoir reçu le colis comme convenu. Le juge de première instance décide que « La Poste lui a offert une indemnisation forfaitaire de 16 €, admettant ainsi implicitement une défaillance de ses services dont le vendeur n’est pas responsable, et que l’acheteur ne rapporte pas la preuve d’un manquement de celui-ci à...

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Le report des élections régionales et départementales définitivement adopté

Le renouvellement général des conseils départementaux et des conseils régionaux devrait avoir lieu les 13 et 20 juin prochain. Le décret de convocation des électeurs sera pris dès la promulgation de la loi décidant de ce report, avait indiqué la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, Marlène Schiappa, devant les députés.

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Devoir de vigilance : vers une option de compétence ?

Une ordonnance du juge de la mise en état près le Tribunal judiciaire de Nanterre du 11 janvier 2021 consacre une option de compétence entre les juridictions civiles et consulaires.

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Devoir de vigilance : vers une option de compétence ?

La loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (la « loi Vigilance ») oblige notamment les sociétés françaises de plus de 5 000 salariés (en leur sein et dans leurs filiales en France) ou 10 000 salariés (en leur sein et dans leurs filiales en France et à l’étranger) à publier un plan de vigilance destiné à prévenir les risques d’atteintes graves aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité des personnes ainsi qu’à l’environnement, pouvant résulter de ses activités et de celles des sociétés qu’elle contrôle et de ses sous-traitants ou fournisseurs habituels. Toutes les sociétés par actions sont concernées (SA, SAS et SCA) dès lors qu’elles franchissent les seuils en nombre de salariés en fonction de la localisation des filiales de la société mère. Les risques à prendre en considération, dans le cadre de l’élaboration du plan de vigilance, sont ceux des activités de la société mère et des sociétés qu’elle contrôle, d’une part, et ceux liés aux activités de ces sociétés avec des sous-traitants ou des fournisseurs, d’autre part.

Compte tenu du caractère récent de la loi Vigilance, de nombreuses interrogations subsistent, qu’elles soient processuelles ou qu’elles portent sur le fond du devoir de vigilance (le périmètre des entreprises concernées, les mécanismes de sanction judiciaire prévus, la compétence d’attribution, la compétence territoriale et la loi applicable au litige, l’intérêt à agir, l’appréciation des manquements allégués au devoir de vigilance, etc., feront nécessairement l’objet d’âpres discussions devant les juridictions ; v. P. Métais et E. Valette, Stratégie contentieuse et devoir de vigilance, D. Avocats 2020. 235 image). Sur la question de la compétence d’attribution, si la Cour d’appel de Versailles a récemment donné une solution en la matière, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Nanterre, à la lumière d’une décision récente consacrant l’option de compétence d’un demandeur non commerçant dès lors que les faits reprochés sont en lien direct avec la gestion d’une société (Com. 18 nov. 2020, n° 19-19.463, D. 2020. 2342 image), pourrait renverser les certitudes.

Acte I : L’affirmation de la compétence du tribunal de commerce

Dans le cadre de l’une des premières actions judiciaires, initiée le 29 octobre 2019 à l’encontre d’un grand groupe français, plusieurs associations et ONG ont assigné en référé devant le Président du Tribunal judiciaire de Nanterre la société mère d’un grand groupe français, sur le fondement de la loi Vigilance, pour non-respect de ses obligations en matière de vigilance dans le cadre de projets pétroliers menés en Ouganda et en Tanzanie par une de ses filiales et ses sous-traitants. Plus précisément, les requérantes demandaient que cesse « le trouble manifestement illicite résultant de la méconnaissance par la société T… de ses obligations en matière de vigilance » et que lui soit enjoint « d’établir et publier un ensemble de mesures dans son plan de vigilance […] propres à prévenir les risques identifiés dans la cartographie des risques et prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement » dans le cadre des projets pétroliers précités.

Le Président du Tribunal judiciaire de Nanterre statuant en référé, par deux ordonnances en date du 30 janvier 2020 (TJ Nanterre, ord. réf., 30 janv. 2010, nos 19/02833 et 19/02833, D. 2020. 970 image, note N. Cuzacq image), s’était déclaré incompétent et avait renvoyé l’affaire devant le Tribunal de commerce de Nanterre statuant en référé. La Cour d’appel de Versailles, par deux arrêts attendus du 10 décembre 2020 (Versailles, 10 déc. 2020, nos 20/01692 et 20/01693, Dalloz actualité, 11 janv. 2021, note P. Métais et E. Valette) a confirmé cette lecture en considérant qu’« est caractérisée l’existence d’un lien direct entre le plan de vigilance, son établissement et sa mise en œuvre, et la gestion de la société commerciale dans son fonctionnement, critère nécessaire et suffisant pour que la compétence du juge consulaire puisse être retenue ». Les associations et ONG concernées ont d’ores et déjà annoncé qu’elles entendaient former un pourvoi en cassation.

Acte II : L’affirmation d’une option de compétence entre tribunal judiciaire et tribunal de commerce

Dans le cadre d’une autre action judiciaire initiée le 28 janvier 2020 à l’encontre de ce même groupe français, d’autres associations et des collectivités territoriales sollicitaient du Tribunal judiciaire de Nanterre, sur le fondement des articles L. 225-102-4 du code de commerce et 1252 du code civil qu’il enjoigne à la multinationale de mettre son plan de vigilance en conformité avec la loi et d’aligner sa trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre avec l’Accord de Paris.

Par une ordonnance du 11 février 2021 (TJ Nanterre, ord. JME, 11 févr. 2021, n° 20/00915), le juge de la mise en état près le Tribunal judiciaire de Versailles a rejeté l’exception d’incompétence matérielle dont il était saisi considérant que « la plénitude de juridiction du tribunal judiciaire combinée à l’absence de prévision d’une compétence exclusive du tribunal de commerce ainsi que l’engagement direct de la responsabilité sociale de la SE T… très au-delà du lien effectivement direct avec sa gestion prise en lien avec la qualité de non-commerçant des demanderesses fondent à leur bénéfice un droit d’option, qu’elles exercent à leur convenance, entre le tribunal judiciaire, qu’elles ont valablement saisi, et le tribunal de commerce ».

Selon le juge de la mise en état versaillais, si « l’élaboration et la mise en œuvre du plan de vigilance sont en lien direct avec la gestion de la SE T…, critère qui fonde la compétence du tribunal de commerce », pour autant « ce constat ne commande pas à lui seul l’incompétence du tribunal judiciaire, la loi ne précisant pas que la compétence définie par l’article L. 721-3 du code de commerce, en particulier en 2°, soit exclusive […] ».

Et le juge de la mise en état de poursuivre son raisonnement en se référant à l’arrêt Uber rendu par la Cour de cassation le 18 novembre 2020 (préc.) aux termes duquel la chambre commerciale a considéré que, « si la compétence des juridictions consulaires peut être retenue lorsque les défendeurs sont des personnes qui n’ont ni la qualité de commerçant ni celle de dirigeant de droit d’une société commerciale dès lors que les faits qui leur sont reprochés sont en lien direct avec la gestion de cette société, […] toutefois, lorsque le demandeur est un non-commerçant, il dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce et qu’ayant constaté que les demandeurs n’avaient pas la qualité de commerçant, il en déduit qu’ils disposaient d’une option de compétence leur permettant de saisir valablement le juge civil d’une action en concurrence déloyale dirigée contre une société commerciale et deux de ses salariés ».

Le juge de la mise en état applique cette solution aux faits de l’espèce et retient un droit d’option de compétence au profit des demanderesses.

Un appel à l’encontre de cette ordonnance est d’ores et déjà annoncé, de sorte qu’une nouvelle décision de la Cour d’appel de Versailles est attendue.

Il sera observé que ces deux séries de décisions ont toutes été rendues dans le cadre d’actions préventives en cessation de l’illicite, sur le fondement de l’article L. 225-102-4, II, du code de commerce. Une telle action qui peut être mise en œuvre dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure de se conformer aux obligations de vigilance adressée à l’entreprise visée et qui tend à voir enjoindre à cette dernière, le cas échéant sous astreinte, de les respecter. Ce premier mécanisme judiciaire intervient donc avant l’intervention d’un quelconque dommage.

La loi Vigilance instaure également un second mécanisme, lequel intervient une fois le dommage survenu : l’action en responsabilité, sur le fondement de l’article L. 225-102-5 du code de commerce, qui suppose la démonstration d’une faute (manquement au devoir de vigilance), d’un dommage (conséquence d’« atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement ») et d’un lien de causalité entre le non-respect du devoir de vigilance et la survenance du dommage.

En la matière, la Cour d’appel de Versailles, dans ses deux arrêts du 10 décembre 2020 (préc.), relevait « que l’examen du respect de l’obligation d’établissement et de mise en œuvre du plan de vigilance par une société commerciale, qui peut faire l’objet d’une injonction en application du texte litigieux, n’est pas celui de ses manquements éventuels qui ne pourraient être reprochés et appréciés que sur le fondement de la responsabilité de l’entreprise à laquelle se consacre l’article L. 225-102-5, grâce à une action en réparation dont la cour n’est pas saisie. La compétence pour juger chacune de ces deux actions qui répondent à leur propre logique et reposent sur des fondements juridiques distincts, l’une tendant à obtenir une injonction de faire, l’autre tendant à obtenir réparation, peut donc être différente ».

Au-delà de la question de compétence

Au-delà de la question de la juridiction compétente pour connaître des actions préventives et en responsabilité, « tous les recours devront être suivis de près pour en analyser la portée » (rapport du Conseil général de l’économie, évaluation de la mise en œuvre de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères des entreprises donneuses d’ordre, janv. 2020).

En tout état de cause, les enjeux induits par la loi Vigilance – mais également l’obligation de procéder à une déclaration de performance extrafinancière ou encore les préoccupations sociétales et environnementales que la loi Pacte a fait entrer dans le droit des sociétés – se révèlent être à la fois un nouvel outil de communication pour les entreprises et une nouvelle source de responsabilité des acteurs sociaux.

Le législateur européen pourrait par ailleurs donner naissance à une réglementation contraignante sur le devoir de vigilance des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants en matière de droits humains et d’environnement (cette annonce a eu lieu lors d’une conférence en ligne organisée par le groupe de travail du Parlement européen sur la responsabilité des entreprises) d’ici 2021. Le projet d’initiative législative, adopté le 27 janvier 2021, appelle la Commission à présenter de façon urgente une législation européenne exigeant que les entreprises respectent les normes en matière de droits de l’homme et d’environnement dans leurs chaînes de valeur. Le Parlement européen doit se prononcer sur ce sujet lors de la session plénière prévue le 8 mars 2021.

Mandat de protection future : régime en France d’un mandat établi à l’étranger

Le droit français prévoit la possibilité d’établir un mandat de protection future. L’article 477 du code civil dispose ainsi que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts, pour l’une des causes prévues à l’article 425, à savoir en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté.

D’autres pays se sont engagés dans la même voie.

L’article 2166 du code civil du Québec énonce que le mandat de protection est donné par une personne majeure en prévision de son inaptitude à prendre soin d’elle-même ou à administrer ses biens.

L’article 408 du code civil italien permet la désignation d’un administrateur de soutien dans la perspective de la survenance éventuelle d’une incapacité.

Le code civil suisse prévoit la possibilité d’un mandat pour cause d’inaptitude. Son article 360 énonce que toute personne ayant l’exercice des droits civils peut charger une personne physique ou morale de lui fournir une assistance personnelle, de gérer son patrimoine ou de la représenter dans les rapports juridiques avec les tiers au cas où elle deviendrait incapable de discernement. Il ajoute que le mandant définit les tâches qu’il entend confier au mandataire et peut prévoir des instructions sur la façon de les exécuter.

La juxtaposition des différents régimes juridiques nationaux peut être à l’origine de difficultés, par exemple, lorsqu’une personne établit un mandat de protection selon la loi d’un État avant d’établir son domicile dans un autre État où une cause d’inaptitude apparaît. Ces difficultés sont envisagées en droit international privé (par ex., v. M. Revillard, Le mandat de protection future en droit international privé, Défrénois, 30 août 2008, p. 1533 ; Droit international privé et européen : pratique notariale, 9e éd., Defrénois, 2018, nos 873 s.). Par ailleurs, compte tenu de l’importance que revêt ce type de mandat dans les pays dont la population vieillit, la conférence de droit international de La Haye a élaboré la Convention du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes, qui envisage certains de ses aspects (sur cette convention, v., par ex., M. Revillard, « La Convention de La Haye sur la protection des adultes et la pratique du mandat d’inaptitude », in Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde, Dalloz, 2005, p. 725 ; Rép. internat., v° Majeur protégé, Convention de La Haye du 13 janvier 2000, par E. Gallant, nos 58 s.).

L’arrêt de la première chambre civile du 27 janvier 2021 porte précisément sur cette problématique.

Une personne, qui résidait habituellement en Suisse, avait stipulé un mandat d’inaptitude soumis aux articles 360 et suivants du code civil suisse et désigné notamment l’un de ses fils en qualité de mandataire. Cette personne avait par la suite fixé sa résidence habituelle en France et son fils a décidé de mettre en œuvre le mandat en le faisant viser par le greffier d’un tribunal d’instance en application des dispositions du code de procédure civile français qui distinguent différents cas et prévoient, par l’article 1258-3, que, si l’ensemble des conditions requises est rempli, le greffier du tribunal d’instance, après avoir paraphé chaque page du mandat, mentionne, en fin d’acte, que celui-ci prend effet à compter de la date de sa présentation au greffe, y appose son visa et le restitue au mandataire, accompagné des pièces produites.

Un frère du mandataire a toutefois contesté cette démarche. La cour d’appel a alors jugé que le mandat n’aurait pas dû recevoir le visa du greffier et a annulé ce visa au motif que le mandat ne prévoyait pas de modalités de contrôle du mandataire, alors pourtant que l’article 1258-2 du code de procédure civile impose au greffier de vérifier, au vu des pièces produites, que les modalités du contrôle de l’activité du mandataire sont formellement prévues.

L’arrêt d’appel est cassé, au motif que la mise en œuvre en France d’un mandat d’inaptitude suisse ne pouvait pas être subordonnée à une condition de validité que la loi suisse n’imposait pas.

Cette solution est énoncée pour la première fois. Elle se justifie au regard des termes de l’article 15 de la Convention du 13 janvier 2000 : « 1. L’existence, l’étendue, la modification et l’extinction des pouvoirs de représentation conférés par un adulte, soit par un accord soit par un acte unilatéral, pour être exercés lorsque cet adulte sera hors d’état de pourvoir à ses intérêts, sont régies par la loi de l’État de la résidence habituelle de l’adulte au moment de l’accord ou de l’acte unilatéral, à moins qu’une des lois mentionnées au paragraphe 2 ait été désignée expressément par écrit. 2. Les États dont la loi peut être désignée sont les suivants : a) un État dont l’adulte possède la nationalité ; b) l’État d’une résidence habituelle précédente de l’adulte ; c) un État dans lequel sont situés des biens de l’adulte, pour ce qui concerne ces biens. 3. Les modalités d’exercice de ces pouvoirs de représentation sont régies par la loi de l’État où ils sont exercés ».

Le mandat avait en effet été soumis aux dispositions du code civil suisse en application de l’article 15, § 2, b, compte tenu de la présence de la résidence habituelle du mandant en Suisse. Ces dispositions s’imposaient donc, sans que l’exigence posée par l’article 1258-2 du code de procédure civile français, tenant à la stipulation des modalités de contrôle de l’activité du mandataire, ait vocation s’appliquer. Cette exigence est en effet prévue dans le cadre du régime français du mandat de protection future, régime qui a été délimité dans la perspective de situations de droit interne. Et si l’article 20 de la Convention réserve l’application des lois de police en prévoyant qu’il ne saurait être porté atteinte aux dispositions de la loi de l’État dans lequel la protection de l’adulte doit être assurée, dont l’application s’impose quelle que soit la loi qui serait autrement applicable, cette exigence prévue par l’article 1258-2 n’a à l’évidence pas le caractère d’une loi de police.

Mandat de protection future : régime en France d’un mandat établi à l’étranger

La Cour de cassation se prononce, pour la première fois, sur la portée des dispositions de l’article 1258-2 du code de procédure civile à l’égard d’un mandat d’inaptitude établi en application d’un droit étranger.

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La préservation de l’ordre public dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Le renforcement de la préservation de l’ordre public est l’un des principaux objectifs du projet de loi confortant le respect des principes de la République, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le mardi 16 février. Sujet particulièrement sensible puisqu’il s’agit de trouver un équilibre entre deux impératifs : la préservation de l’ordre public et la liberté de culte.

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À propos de l’exclusion abusive de l’associé membre d’une société d’avocats

La décision prise abusivement par une assemblée générale d’exclure un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l’annulation.

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Renvoi de la QPC relative à l’article L. 323-3 du code de l’expropriation

Proclamé solennellement dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 comme un « droit inviolable et sacré » (art. 17), le droit de propriété y est présenté parmi les « droits naturels et imprescriptibles de l’homme » dont la conservation est « le but de toute association politique » (art. 2). Il est, en effet, conçu comme une déclinaison de la liberté (A. Cayol, Le droit des biens en tableaux, Ed. Ellipses, 2019, p. 62) : le propriétaire peut « jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue » (C. civ., art. 544). Il s’agit ainsi d’un espace de liberté, d’un contenant sans contenu précisément défini (F. Zenati, Pour une rénovation de la théorie de la propriété, RTD civ. 1993. 305 image), permettant de faire tout ce qui n’est pas interdit par la loi ou par les règlements (C. civ., art. 544 in fine).

« Rapport exclusif d’une personne sur un bien » (F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens, 3e éd., PUF, 2008, n° 163, p. 259), le droit de propriété est caractérisé par l’exclusivisme (F. Zenati, Essai sur la nature juridique de la propriété. Contribution à la théorie du droit subjectif, Thèse Lyon III, 1981, n° 399, p. 541), lequel permet d’écarter tous les tiers, le propriétaire ayant vocation à profiter seul de toutes les utilités de la chose. Dès lors, nul ne peut, en principe, être privé de sa propriété sans y avoir consenti. Comme l’indique expressément l’article 545 du code civil, reprenant en substance le contenu de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ».

Le législateur a donc étroitement encadré la procédure d’expropriation (W. Dross, Droit civil. Les choses, LGDJ, 2012, nos 39 s.). Une première phase, administrative, consiste à vérifier l’existence d’une cause d’utilité publique. À défaut d’accord amiable sur la cession, s’ouvre une seconde phase, judiciaire, laquelle a pour objet de réaliser le transfert de propriété au profit de la collectivité publique et de fixer le montant de l’indemnité.

L’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique précise que, « Après la saisine du juge et sous réserve que l’ordonnance d’expropriation soit intervenue, les propriétaires expropriés qui occupent des locaux d’habitation ou à usage professionnel ainsi que les locataires ou preneurs commerçants, artisans, industriels ou agricoles peuvent, s’il n’y a pas obstacle au paiement et sauf dans l’hypothèse où leur relogement ou leur réinstallation est assurée par l’expropriant, obtenir le paiement d’un acompte représentant 50 % du montant des offres de l’expropriant. Toutefois, lorsque les offres de l’expropriant sont supérieures aux estimations faites par l’autorité administrative compétente, cet acompte est limité à 50 % du montant de ces estimations ». Dans un arrêt du 21 janvier 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation décide du renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité concernant ce texte, lequel serait susceptible de porter atteinte au principe d’égalité devant la loi et à la liberté d’entreprendre.

En l’espèce, un établissement public avait acquis par voie de cessions amiables diverses parcelles nécessaires à la réalisation d’un projet qui avait préalablement été déclaré d’utilité publique. Cet établissement saisit, par la suite, le juge de l’expropriation afin que soient fixées les indemnités d’éviction revenant aux locataires desdites parcelles. La juridiction de l’expropriation a alors transmis une question prioritaire de constitutionnalité visant à s’interroger sur la conformité au principe d’égalité devant la loi et à la liberté d’entreprendre, des dispositions de l’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, « en ce qu’elles ne s’appliquent pas aux locataires occupant un bien ayant fait l’objet d’un transfert de propriété par voie de cession amiable au profit de l’expropriant » (consid. 3).

Issu de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, le contrôle a posteriori des lois est entré en vigueur le 1er mars 2010. Depuis lors, tout justiciable peut soulever, à l’occasion d’un litige, une question prioritaire de constitutionnalité afin que le Conseil constitutionnel vérifie la conformité d’une disposition législative au bloc de constitutionnalité. La transmission d’une telle question au Conseil est toutefois subordonnée au passage d’un « filtre » réalisé par les Hautes juridictions des ordres administratif et judiciaire. Le Conseil d’État et la Cour de cassation doivent vérifier la réunion de trois critères cumulatifs. Il est, tout d’abord, nécessaire que la question posée soit directement applicable au litige. Il est, ensuite, requis qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances. Il est, enfin, exigé que la question soit nouvelle ou qu’elle présente un caractère sérieux.

En l’espèce, la troisième chambre civile constate que la disposition contestée est bien applicable au litige et qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution (consid. 4 et 5). Elle considère, en outre, qu’elle présente un caractère sérieux en ce que le versement d’un acompte est « réserv(é) aux locataires d’un bien ayant fait l’objet d’une ordonnance d’expropriation, à l’exclusion des locataires d’un bien ayant donné lieu à une cession amiable consentie à l’expropriant après déclaration d’utilité publique » (consid. 6). Pour la Cour de cassation, l’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique serait donc « susceptible de porter atteinte au principes d’égalité devant la loi et de la liberté d’entreprendre » (consid. 6 in fine).

Le principe d’égalité est le principe constitutionnel le plus souvent invoqué devant le Conseil constitutionnel (F. Mélin-Soucramanien, Le principe d’égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Cahiers du Conseil constitutionnel 2010. 89 image). Comme le proclame solennellement l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la loi « doit être la même pour tous ». Toutefois, l’égalité n’est requise qu’entre deux situations comparables. Ainsi, « le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce qu’une loi établisse des règles non identiques à l’égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes ». « L’égalité est toujours relative à quelque chose ou à quelqu’un » (Les grands arrêts du droit des libertés fondamentales, 2e éd., Dalloz, 2019, décis. 46-47, n° 10, p. 375) : elle n’implique pas un traitement uniforme, lorsque les personnes concernées ne se trouvent pas dans une même situation. Il est admis, depuis une décision du 9 avril 1996, que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » (Cons. const. 9 avr. 1996, n° 1996-375 DC, consid. 8). Il est toutefois permis de douter que tel soit le cas en l’espèce, l’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique traitant de façon différente les locataires de biens cédés à une collectivité publique dans le cadre d’un projet déclaré d’utilité publique selon que le transfert de propriété a eu lieu à l’amiable ou par une ordonnance judiciaire. On peine à voir l’incidence du caractère amiable ou judiciaire du transfert sur le droit à indemnisation des locataires, dont la situation est bien identique quant à l’obligation qui leur est faite de quitter les biens objets du transfert. Le critère de différenciation ne serait pas ici pertinent au regard de l’objectif poursuivi par le texte.

Par ailleurs, cette disposition serait également susceptible, d’après la troisième chambre civile, de porter atteinte à la liberté d’entreprendre. D’abord consacrée par le législateur lors de la Révolution française (Loi des 2-17 mars 1791, dite « Décret d’Allarde » et loi « Le Chapelier » des 14-17 juin 1791), cette dernière s’est vu reconnaître une valeur constitutionnelle en 1982 dans la décision du Conseil constitutionnel relative aux nationalisations, comme découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « la liberté qui, aux termes de l’article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d’entreprendre » (Cons. const. 16 janv. 1982, n° 81-132 DC, consid. 16). Il s’agit, selon le Conseil constitutionnel, de « la liberté d’accéder à une profession ou à une activité économique mais également (de) la liberté dans l’exercice de cette profession ou de cette activité » (Cons. const. 30 nov. 2012, n° 2012-285 QPC, consid. 7, AJDA 2012. 2301 image ; D. 2012. 2808 image). Certes, « la liberté d’entreprendre n’est ni générale, ni absolue » : « il est loisible au législateur d’y apporter des limitations exigées par l’intérêt général à la condition que celles-ci n’aient pas pour conséquence d’en dénaturer la portée » (Cons. const. 4 juill. 1989, n° 89-254 DC, consid. 5, D. 1990. 209 image, note F. Luchaire image ; Rev. sociétés 1990. 27, note Y. Guyon image ; RTD civ. 1990. 519, obs. F. Zenati image). Il importe de vérifier que les limitations prévues par le législateur ne sont pas disproportionnées à l’objectif poursuivi (Cons. const. 16 janv. 2001, n° 2000-439, consid. 14, AJDA 2001. 222, étude E. Fatôme image ; D. 2002. 1944 image, obs. V. Ogier-Bernaud image). Or il n’est pas certain que tel soit bien le cas en l’espèce concernant l’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Renvoi de la QPC relative à l’article L. 323-3 du code de l’expropriation

Cette disposition, en ce qu’elle réserve le versement d’une indemnité aux locataires de biens ayant fait l’objet d’une expropriation, à l’exclusion de ceux ayant donné lieu à une cession amiable après déclaration d’utilité publique, est susceptible de porter atteinte au principe d’égalité devant la loi et à la liberté d’entreprendre.

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Les musées de Perpignan refermés

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Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté, le 16 février, l’appel de la ville de Nice contre l’ordonnance du tribunal administratif qui avait suspendu l’arrêté de son maire interdisant les locations saisonnières (TA Nice, ord., 8 févr. 2021, Union des professionnels de la location touristique, n° 2100601, Dalloz actualité, 12 févr. 2021, obs. M.-C. de Montecler).

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L’office du juge dans les procédures sur requête

Le juge saisi par requête doit relever, même d’office, des circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement.

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L’office du juge dans les procédures sur requête

Dans cette affaire, un litige opposait deux gestionnaires qui s’étaient succédés pour gérer une copropriété. Le syndic qui avait succédé à son prédécesseur avait été désigné en 2012 en qualité d’administrateur provisoire à la requête de plusieurs copropriétaires. L’administrateur obtient ensuite la désignation d’un expert-comptable avec la mission d’examiner les comptes de l’ancien syndic. Puis, le mandat judiciaire de cet administrateur avait été renouvelé à plusieurs reprises pour une durée de six mois. Profitant d’une erreur commise par l’administrateur judiciaire qui avait demandé à être renouvelé alors que son mandat avait pris fin, l’ancien syndic engage un référé de rétractation en 2014 pour faire annuler le renouvellement de la mission du mandataire judiciaire. Le demandeur à la rétractation est débouté de sa demande et la décision de rejet est confirmée en appel. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censure l’arrêt pour violation de la loi et manque de base légale. Le pourvoi articulait deux reproches. Le premier est tiré du fait que le mandataire avait tardé à demander le renouvellement de sa mission. Ne l’étant plus au moment du dépôt de sa requête en renouvellement, il avait perdu sa capacité d’ester en justice et son acte introductif d’instance était vicié par une nullité de fond. La cour d’appel a donc commis une violation de la loi au visa de l’article 117 du code de procédure civile. Le second reproche est un manque de base légale. En effet, il était reproché aux juges du fond de n’avoir pas relevé les circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement. L’arrêt est donc censuré au visa de l’article 493 du code de procédure civile.

Le premier motif de cassation n’appelle pas de commentaires particuliers. De fait, s’il est parfois permis de régulariser un pouvoir d’agir en justice, il n’est pas toujours possible de valider ex post la capacité d’ester en justice. La condition de pouvoir ester en justice s’appréciant au jour de l’introduction de la demande et la...

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Un dispositif expérimental d’une durée de trois ans présenté à l’article 154 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a créé la possibilité pour les administrations fiscale et douanière d’utiliser les données rendues publiques par les contribuables sur les réseaux sociaux pour détecter une série de comportements frauduleux énumérée par la loi.

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Captages d’eau : la réforme de 2019 est contraire au principe d’égalité

La réforme des périmètres de protection autour des captages d’eau destinée à la consommation humaine crée une différence de traitement entre les propriétaires de terrains situés à proximité de ces captages. 

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Portée de l’interdiction de la cession des actifs aux parents des dirigeants de la société débitrice

Lorsque l’heure n’est plus au redressement de l’entreprise, le débiteur fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Pour mener à bien cette procédure, le liquidateur est tenu de réaliser les éléments composant l’actif du patrimoine du débiteur afin d’en apurer le passif. Le principe s’énonce clairement, mais sa mise en œuvre pratique est plus délicate en raison des nombreuses règles jalonnant la réalisation des actifs en liquidation judiciaire. Parmi elles, nous retrouvons celles s’intéressant à la qualité requise pour acquérir les biens d’une entreprise en difficulté.

Les règles applicables en la matière pourraient se draper dans le manteau de l’injonction : acquéreurs, soyez tiers à l’entreprise ! L’arrêt ici commenté confirme la justesse de ce propos.

En l’espèce, le liquidateur d’une société placée en liquidation judiciaire est autorisé à reprendre une procédure de saisie immobilière engagée antérieurement à l’ouverture de la procédure collective. L’immeuble saisi a été adjugé à une société tierce, mais les parents du gérant de la société débitrice ont formé une surenchère du dixième. La nullité de cette surenchère est demandée en appel par l’adjudicataire au visa de l’article L. 642-3 du code commerce. Ce texte prohibe la cession des actifs d’une société débitrice au bénéfice de ses dirigeants ou de ses proches parents et alliés. La cour d’appel fait droit à cette demande et les parents du gérant de la société débitrice forment un pourvoi en cassation. Las, ces derniers n’auront pas plus de chance devant la haute juridiction et le pourvoi est rejeté.

Pour la Cour de cassation, l’interdiction de la cession des actifs, par quelque voie que ce soit, aux proches du débiteur est applicable, en l’espèce, aux parents du gérant de la personne morale débitrice lorsqu’ils forment une surenchère dans le cadre de la vente aux enchères publiques des biens de la société en liquidation judiciaire.

Les règles gouvernant la matière concernent tous les modes de réalisation de l’actif. Ainsi, l’interdiction pour les proches parents et alliés du dirigeant d’une société débitrice d’acquérir un bien appartenant à la personne morale s’applique non seulement dans le cadre de la cession totale ou partielle de l’entreprise (C. com., art. L. 642-3), mais également, comme en l’espèce, à la cession d’actifs isolés (C. com., art. L. 642-20).

Reste que ces interdictions ne sont pas absolues, et ce, pour au moins deux raisons (nous ne mentionnerons pas les dispositions relatives aux exploitations agricoles).

D’une part, en matière de plan de cession et sur requête du ministère public, le tribunal peut autoriser, par un jugement spécialement motivé et après avoir recueilli l’avis des contrôleurs, la cession de l’entreprise à une personne pourtant visée par l’interdiction à l’exception des contrôleurs (C. com. art. L. 642-3, al. 2).

D’autre part, en matière de réalisation des actifs isolés, sur requête du ministère public, le juge-commissaire peut autoriser la cession aux dirigeants de la personne morale débitrice ou aux proches parents et alliés, à l’exception des contrôleurs et du débiteur lui-même. En outre, spécialement en matière de cession d’actifs mobiliers, le juge-commissaire peut être saisi par le ministère public, le liquidateur ou le débiteur (C. com., art. R. 642-39) aux fins d’accorder la même dérogation pour les actifs de faible valeur nécessaires aux besoins de la vie courante et/ou faisant partie d’une exploitation agricole, ainsi que pour la vente aux enchères publiques ou par adjudication amiable des autres actifs mobiliers (C. com., art. L. 642-20, al. 2).

Pour être complet, relevons que, de façon exceptionnelle, l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises dans le contexte de la crise de la covid-19 permettait au débiteur ou à l’administrateur judiciaire de présenter directement une requête au tribunal afin de permettre le dépôt d’une offre de reprise. Après avoir été décriée (peut-être, à tort : C. Delattre, Cession d’entreprise à l’ancien dirigeant : beaucoup de bruit pour rien ?, BJE nov. 2020, n° 118e8, p. 1) y compris par la presse économique (M. Kindermans et Y. Duvert, Entreprises en difficulté : le rachat par les dirigeants crée des remous, Les Échos, 22 sept. 2020), la mesure n’a pas été prolongée par l’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 et a pris fin le 31 décembre 2020.

Au sein de l’arrêt ici commenté, la Cour de cassation applique à la cession d’actif par voie d’adjudication le principe de l’interdiction d’acquérir les biens de la société débitrice par les proches du débiteur. Au regard des règles rappelées ci-dessus, la solution paraît classique. Pourtant, elle est pour la première fois, à notre connaissance, affirmée par la Cour de cassation s’agissant d’une surenchère formée dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière. Cette solution se justifie, mais prête le flanc à la critique.

L’application logique du principe de l’interdiction d’acquérir

L’article L. 642-20 du code de commerce rend applicable aux cessions d’actifs isolés le principe de l’interdiction pour les proches du dirigeant d’acquérir les biens de la société débitrice. Plus précisément, ledit texte renvoie notamment aux dispositions de l’article L. 642-18 du même code qui accueille en son sein les différentes modalités de réalisation des actifs immobiliers en liquidation judiciaire : saisie immobilière, vente par adjudication amiable ou cession de gré à gré.

S’agissant, comme en l’espèce, d’une vente par adjudication à la suite d’une procédure de saisie immobilière, la question de l’articulation des règles du code de commerce et de celles du code des procédures civiles d’exécution (CPCE) se pose.

Au vrai, un examen rapide des deux corps de règles peut laisser songeur quant à la justesse de la solution fournie par l’arrêt commenté. En effet, le CPCE prévoit que toute personne peut se porter enchérisseur, à l’exception du débiteur, des auxiliaires de justice intervenus dans la procédure et des magistrats de la juridiction devant laquelle la vente est poursuivie (CPCE, art. L. 322-7 et R. 322-39). Or, puisque les proches du débiteur ne font pas partie des personnes privées du droit d’enchérir, il pourrait être déduit que l’interdiction du code de commerce devrait céder là où le CPCE ne distingue pas.

Las, une telle interprétation omet la lettre du premier alinéa de l’article L. 642-18 du code de commerce, lequel renvoie aux dispositions précitées du CPCE, sous la réserve importante que « ces dispositions ne soient pas contraires à celles du code de commerce ».

Dès lors, les règles du droit des entreprises en difficulté l’emportent sur celles du CPCE. Aussi, quelle que soit la modalité de réalisation de l’actif choisie, le candidat acquéreur présente une offre d’acquisition. Ainsi doit-il justifier d’une certaine qualité : être un tiers à la société débitrice.

Au regard des textes, la solution fournie par l’arrêt commenté semble donc tout à fait logique.

Au demeurant, cette solution peut être rapprochée d’une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation ayant retenu la violation de l’interdiction posée à l’article L. 642-3 du code de commerce dans une hypothèse où la participation des dirigeants de la société débitrice à l’opération d’acquisition des actifs n’apparaissait pas clairement. En l’espèce, la participation des dirigeants à l’adjudication des actifs avait été masquée par l’interposition d’une personne morale (Com. 8 mars 2017, n° 15-22.987, Bull. civ. IV, n° 35 ; Dalloz actualité, 22 mars 2017, obs. X. Delpech ; D. 2017. 566 image ; Rev. sociétés 2017. 386, obs. P. Roussel Galle image).

Reste que, si, du point de vue des textes, la solution rapportée nous paraît tout à fait logique, à y regarder de plus près, elle n’est pourtant pas frappée au coin de l’évidence et nécessiterait, peut être, une intervention législative pour pallier ses défauts.

L’application discutable du principe de l’interdiction d’acquérir

Dans le cadre d’un plan de cession totale ou partielle de l’entreprise, le principe d’externalité des offres de reprise est tout à fait compréhensible. Lorsqu’un plan de cession est adopté, ce dernier l’est au détriment du règlement des créanciers, mais cette atteinte est compensée par la promesse de sauvegarde de l’activité et de l’emploi incarnée en la personne du repreneur. C’est dans ce contexte que les interdictions d’acquérir du code de commerce se justifient. Puisque le débiteur personne physique ou les dirigeants de la société cédée n’ont pas été à même de garantir la pérennité de l’entreprise, il faut donc s’assurer qu’ils ne puissent plus exercer d’influence sur celle-ci. En somme, l’objectif de ces interdictions est de moraliser les reprises d’entreprise en privant le débiteur, directement ou par personne interposée, de recueillir l’actif de l’entreprise sans en supporter le passif.

Las, nous peinons à retrouver les mêmes logiques lorsque les interdictions d’acquérir pour les proches du débiteur concernent sans distinction toutes les modalités de cession des actifs isolés.

D’une façon générale, il ne s’agit pas ici d’éviter qu’un proche du débiteur poursuive l’exploitation de l’entreprise en étant déchargé du passif. Au contraire, il faut « simplement » s’assurer, dans cette hypothèse, que l’actif ne soit pas bradé pour que sa réalisation puisse satisfaire l’intérêt collectif des créanciers.

Or, si le principe de l’interdiction d’acquérir pour les proches du débiteur peut se comprendre dans le cadre d’une cession de gré à gré, celui-ci est moins évident, voire contre-productif, lorsque la vente a lieu aux enchères publiques (F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2015, n° 1213 ; P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 10e éd., Dalloz Action, 2019-2020, n° 561.142).

D’abord, le principe de l’interdiction d’acquérir pour les proches du débiteur est moins évident à comprendre lorsque la réalisation de l’actif se passe par une vente aux enchères publiques. Contrairement à une cession de gré à gré, la question du favoritisme de tel ou tel acquéreur n’a pas lieu d’être posée dans le cadre d’une vente aux enchères, puisque, par essence, le mieux-disant l’emportera.

Ensuite, le principe de l’interdiction d’acquérir pour les proches du débiteur dans le cadre d’une adjudication peut se révéler contre-productif dans la mesure où l’exclusion des personnes, par hypothèse, les plus intéressées par l’actif du débiteur priverait les créanciers de la chance d’obtenir le prix de réalisation de l’actif le plus élevé.

Enfin, selon le professeur Pérochon, il est possible de se demander si la généralité de l’article L. 642-20 du code de commerce ne porterait pas atteinte à la liberté de disposition des destinataires de l’interdiction et à la propriété du débiteur et de ses créanciers en raison de l’incidence sur le produit de la vente d’un plus petit nombre d’enchérisseurs (F. Pérochon, À propos de la réforme de la liquidation judiciaire par l’ordonnance du 18 décembre 2008, Gaz. Pal., 10 mars 2009, p. 3). Nous souscrivons volontiers à cette critique, mais la Cour de cassation, lors de l’examen de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) contestant la constitutionnalité de l’article L. 642-3 du code de commerce, a jugé que les interdictions visées au texte ne portaient pas une atteinte disproportionnée aux principes d’égalité, à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle (Com., QPC, 23 sept. 2014, n° 13-19.713, Dalloz actualité, 1er oct. 2014, note A. Lienhard ; D. 2014. 1935, obs. A. Lienhard image ; Rev. sociétés 2014. 750, obs. P. Roussel Galle image ; 7 juill. 2016, n° 14-50.066).

Quoi qu’il en soit, discuter de la rationalité des interdictions d’acquérir dans le cadre particulier d’une vente aux enchères publiques nous paraît important, notamment car, dans un contexte économique dégradé, la situation rapportée par l’arrêt sous commentaire risque de se représenter. Or il nous semble qu’en temps de crise, toutes mesures facilitant la réalisation de l’actif sont bonnes à prendre. Évitons que les créanciers d’aujourd’hui soient les débiteurs en liquidation judiciaire de demain !

Dans ces conditions, les dispositions de l’article L. 642-20 du code de commerce devraient être modifiées afin que soit assouplie la procédure permettant de déroger aux interdictions de l’article L. 642-3 du même code en matière de vente des immeubles par adjudication.

Une piste possible serait de conférer la possibilité au débiteur et au liquidateur de saisir le juge-commissaire afin qu’il accorde la dérogation à l’interdiction d’acquérir lorsqu’est en cause l’adjudication d’un immeuble. En l’état des textes et en matière de cession d’actif immobilier, seul le ministère public peut présenter une telle demande. Au demeurant, la proposition consisterait « à copier » le régime applicable en matière de cession d’actif mobilier de faible valeur et de vente aux enchères publique ou par adjudication amiable des autres actifs mobiliers (C. com., art. L. 642-20, al. 2). Certes, le système proposé pourrait se voir reprocher le risque d’abus ou de détournement du dispositif. Selon nous, ce risque pourrait être atténué par l’exigence de recueillir l’avis du ministère public avant que ne soit levée l’interdiction.

Affaire à suivre… espérons-le !

Portée de l’interdiction de la cession des actifs aux parents des dirigeants de la société débitrice

L’interdiction de la cession des actifs, quel qu’en soit le mode de réalisation, aux dirigeants de la société débitrice ou à ses proches parents et alliés est applicable à l’enchère ou surenchère dans le cadre d’une vente aux enchères publiques.

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Karine J…, enfant violée malgré des signalements, demande réparation à l’État pour « faute lourde »

Le premier signalement au parquet eut lieu le 7 décembre 1997, jour de la naissance de Karine J… Le comportement d’Anne-Marie D…P…, la mère de l’enfant, inquiète les personnels soignants. Cette femme a tué son premier nourrisson, né d’un viol en 1983, de 130 coups de couteau et présente une instabilité mentale manifeste au centre hospitalier de Rennes où elle a accouché. Un juge des enfants est saisi en 1998, qui rend un jugement d’assistance éducative. Une expertise psychiatrique d’Anne-Marie D…P… conclue à la nécessité de soins psychiatriques et à une assistance éducative en milieu ouvert, mais au fur et à mesure des rapports (1999, 2000), l’administration constate que la psychothérapie n’est pas mise en place. Malgré cela, le juge des enfants décide en 2000 qu’une « intervention éducative judiciaire en l’état n’est pas nécessaire ».

Le centre départemental d’action sociale (CDAS) fait un nouveau signalement en 2003. Le comportement de Karine J… indique qu’elle est probablement en danger. Livrée à elle-même, amaigrie, elle est un jour tombée dans le plan d’eau alors qu’aucun adulte ne la surveillait. Surtout, elle a un comportement sexualisé anormal. Elle se masturbe en public, commet des attouchements sur des enfants de son âge, fait des fellations à des enfants, et tente d’avoir des relations sexuelles avec ses camarades. Ce signalement conduit le juge des enfants à ordonner une nouvelle mesure d’assistance éducative en milieu ouvert en 2004, Karine étant maintenue au domicile familial. En 2005, le CDAS fait un nouveau signalement, du fait de la présence régulière entre 2002 et 2004 chez les consorts J… de leur ami Roland B…, condamné en 1997 pour agressions sexuelles sur sa fille. En avril 2005, cet homme est auditionné dans le cadre d’une autre procédure pour des abus sexuels sur sa fille, puis placé en détention provisoire. Il sera condamné en 2007. La mesure éducative prend fin en 2006. Peu de temps avant, l’enquête de police ouverte pour d’éventuels abus commis par Roland B… sur la petite Karine est classée sans suite, après une seule audition de l’enfant, préparée à mentir par son père, entendue seule par un brigadier de police.

Un nouveau signalement est réalisé en 2009 et, le 18 mai de cette année, le parquet ouvre une enquête de police, au cours de laquelle les enquêteurs mettent au jour des faits de viols et d’agressions sexuelles commis à l’encontre de Karine J… entre ses 5 et 7 ans, par Roland B… Sa tante et son oncle l’ont prise en charge. L’enquête pénale se poursuit et ce n’est qu’en juillet 2018 que la cour d’assises a condamné Roland B… pour ces faits, à trente ans de réclusion criminelle (la peine maximale encourue).

Les carences de l’État telles que présentées dans cette procédure ont incité l’oncle et la tante de Karine J…, partie civile et tuteurs de Karine J…, à assigner l’État pour déni de justice et faute lourde. Un jugement du 17 septembre 2018 a rejeté la faute lourde, estimant que « la prescription quadriennale fixée par la loi du 31 décembre 1968 est seule applicable en l’espèce et à supposer que Karine J… n’ait été informée de l’instruction en cours que le 3 novembre 2011, instruction qui faisait suite aux signalements, la prescription était acquise le 31 décembre 2015 ». Le tribunal reconnaissait en revanche le déni de justice, ayant calculé qu’un délai de douze mois pour prendre un réquisitoire introductif était un déni de justice à hauteur de dix mois, qu’il consentait à indemniser 12 000 €.

Devant la cour d’appel de Paris, mercredi 17 février, et en l’absence d’un représentant du parquet (qui avait fait savoir qu’il demandait la confirmation), l’avocat de Karine J…, Me Grégory Thuan a réitéré ses demandes. En préambule, il informe la cour que, « dans le droit fil de ce dossier, le 4 juin 2020, la France s’est fait condamner par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir rejeté la faute lourde de l’État », dans un dossier en tout point similaire à celui-ci. « S’agissant de l’affaire Karine J…, dit l’avocat, on est dans un cas de figure bien pire. »

L’avocat estime que la prescription quadriennale, à la supposer applicable, n’était pas acquise. En effet, si le point de départ du délai de prescription est, par principe, la date du fait générateur, la jurisprudence admet que ce point de départ puisse être reporté lorsqu’il y a un empêchement à agir, notamment à la date de connaissance des faits litigieux ou du fait générateur. Le point de départ retenu en première instance (3 novembre 2011) est la date de la convocation des parties civiles, date à partir de laquelle les juges ont considéré que les parties avaient connaissance de l’instruction et, partant, disposaient de tous les éléments pour initier une action en responsabilité sur le fondement de la faute lourde. Or, dit l’avocat, l’enquête de police ne repose que sur les seuls signalements de 2009, qui eux seuls étaient présents au dossier, tout comme ne figuraient que les mesures d’assistances éducatives prises en 2009 et 2010, transmises par la juge des enfants à la juge d’instruction. L’ensemble des dossiers en assistance éducative ne furent joints au dossier qu’à la date du 13 novembre 2013, alors même que Laurence J.… (la tante) faisait tout pour avoir accès à l’intégralité du dossier de Karine J…, allant même jusqu’à saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) (qui répondit favorablement).

L’agent judiciaire de l’État, représenté à l’audience, soutient que Laurence J… ne pouvait ignorer les différents faits générateurs du dommage allégué, ce qui est faux, répond Me Thuan, puisque, si Laurence J… avait bien été à l’origine de trois signalements à compter de 2003, elle ignorait que d’autres eussent été faits auparavant, et n’avait pas connaissance de toutes les mesures d’assistances éducatives prises entre 2002 et 2006. Et, contrairement à ce qu’avance l’État, dit son avocat, ce n’est pas parce qu’elle avait connaissance de l’existence de ces éléments qu’elle connaissait leur contenu.

En outre, le Conseil d’État, dans son arrêt du 5 décembre 2014, a jugé qu’en matière de dommage corporel qui engage la responsabilité des autorités publiques, le point de départ du délai de prescription est le premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées, c’est-à-dire la date à laquelle ces dommages ne sont pas susceptibles de s’aggraver. Karine J… présentant à ce jour de très graves séquelles physiques et psychologiques, la prescription quadriennale, estime l’avocat, n’est pas acquise.

« Le parquet a failli à sa fonction de protection de l’enfance »

Enfin, sur la prescription, il estime qu’appliquer la prescription quadriennale est une atteinte au principe d’égalité des armes puisqu’il instaure un déséquilibre entre les parties, tout comme il instaure une différence de traitement injustifiée, car les délais de prescription pour engager la responsabilité civile des particuliers oscillent entre dix et vingt ans, même lorsque l’État est partie à la procédure. Me Grégory Thuan considère que c’est la prescription décennale qui s’applique en l’espèce.

Au fond, l’avocat rappelle que la faute lourde est caractérisée par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, indépendamment de toute appréciation psychologique du comportement individuel des agents. Cette définition de principe émane de l’arrêt que la Cour de cassation a rendu en assemblée plénière, le 23 février 2001, dans l’affaire dite du « petit Grégory ». L’avocat cite plusieurs arrêts de la Cour de cassation, qui, dans différentes affaires, ont retenu la faute lourde de l’État pour une inaction coupable des services judiciaires.

Pour caractériser le fonctionnement défectueux du service public de la justice, l’avocat fait la liste vertigineuse des signalements, l’insuffisance des mesures prises, l’incapacité de la justice à protéger l’enfant. « Le parquet a failli à sa fonction de protection de l’enfance », plaide-t-il. Pour se défendre, l’agent judiciaire de l’État conclut que l’absence de poursuite pénale est due à la dissimulation des faits par l’ensemble de la famille, y compris Karine. « Il est particulièrement aberrant d’invoquer le silence d’une enfant de 7 ans, qui subissait les pressions constantes de ses parents, pour justifier de l’absence de clairvoyance et les défaillances du parquet, d’autant plus dans une affaire où les faits invoqués sont d’une telle gravité », proteste Me Thuan, qui rappelle que les travailleurs sociaux, inquiets, n’ont pas été écoutés.

Le volet « déni de justice » est moins disputé, bien que réfuté par l’État. Les demandeurs estiment qu’en plus de ce qui a été retenu en première instance (délai trop long pour prendre le réquisitoire introductif), les juges devraient considérer que la longueur de la procédure était imputable aux erreurs commises par les autorités judiciaires, erreurs de droit ayant conduit à la cassation du premier arrêt de renvoi, ce qui prolongea de deux ans environ la procédure, qui dura en tout et pour tout neuf ans, pour une affaire sans complexité particulière à partir du moment où le mis en cause a reconnu les faits.

La décision sera rendue le 14 avril prochain.

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